lundi 1 décembre 2014

Révolution industrielle, destruction créatrice et fin des 35h.

A la fin des années 1940, Joseph Schumpeter mettait par écrit sa théorie de la destruction créatrice, processus par lequel les innovations engendrent un renouvellement du système productif, ce qui à la fois stimule la croissance et rend obsolètes certaines activités ou modes d'organisation. L'idée était qu'il fallait en quelque sorte éliminer le vieux pour avoir du neuf.
L'article du journal mensuel Alterecoplus (lancé très récemment par le magazine Alternatives Economiques) revient sur la révolution digitale en cours (1), qui entraîne de grandes transformations dans les modes de production et qui serait en train de produire un nouveau cycle de destruction créatrice, tel que l'entendait l'économiste autrichien. Cette révolution, que l'on pourrait qualifier de troisième révolution industrielle par son ampleur et son impact dans le monde du travail, vient bien sûr interroger la place de l'homme dans les processus de production et même de décision.
Auparavant, la robotisation avait déjà touché en priorité les emplois peu ou pas qualifiés, présents dans les usines industrielles. De cette façon, de nombreux emplois avaient été supprimés ou du moins les tâches avaient été largement simplifiées et pour la plupart, elles étaient devenues abrutissantes. Or si la dernière révolution industrielle avait épargné les professions qualifiées, ce ne sera pas le cas cette fois ci.
En 2011, IBM a mis au point un logiciel d'intelligence artificielle capable d'établir des diagnostics médicaux pour le dépistage du cancer (avec une plus grande fiabilité que des médecins humains selon l'article) et d'en proposer des traitements adaptés. En terme de progrès, la science se développe à une vitesse que l’on peine à estimer et entraine avec elle la création de machines qui, à terme, seront capables de penser à la place des hommes. C'est pourquoi la donne sera différente au cours de cette révolution que l'on peut qualifier de digitale. D'une part cette nouvelle forme d'automatisation continue de menacer les métiers peu qualifiés mais d'une autre, elle s'attaque également aux métiers à contenu intellectuel, alors protégés jusqu'à maintenant. C'est donc en grande partie le secteur tertiaire, secteur des services, qui est susceptible de voir des emplois disparaitre. Le magazine dresse ainsi une liste de métiers peu automatisables (la recherche, l'ingénierie, l'enseignement, les professions médicales supérieures), partiellement automatisables (métiers juridiques, transport, manutention, commerce, distribution, service à la personne) et très fortement automatisables (l'agriculture, la construction, les fonctions administratives et la transformation). Une étude menée par l'Université d'Oxford estime que plus de 40% des emplois français connaissent un risque supérieur à 70% d'être automatisés d'ici une vingtaine d'années, tout comme ceux des pays de l'Est de l'Europe dont les risques s'élèvent à 56% pour la Pologne et 62% pour la Roumanie. 
Se pose alors la question de savoir s'il ne s'agira que d'une évolution des métiers ou bien d'une suppression. L'automatisation pourrait permettre aux travailleurs de se débarrasser des tâches les plus répétitives et ainsi de se concentrer sur des tâches rapprochées du coeur de métier. D'un autre côté, cela pourrait aussi créer de nouveaux emplois relatifs à ces équipements technologiques et techniques qui demandent un entretien important. Or je pense que cela ne suffira pas à remplacer tous les emplois qui auront été détruits. Le progrès technique pourrait-il vraiment remplacer l'homme ?
Lorsqu'il y a eu au XX°siècle une grande transformation du monde du travail, les emplois détruits dans le secteur industriel ce seraient "déversés" dans le secteur des services si l'on en croit l'économiste Alfred Sauvy. Or il s'agit de savoir dans le cas présent quel secteur pourrait absorber tous les travailleurs de l'industrie et des services, remplacés par des robots penseurs ainsi que de se pencher sur la question de l'organisation du temps de travail. Si aucun secteur n’a la capacité d’accueil de nouveaux emplois et que cette troisième révolution industrielle fait gonfler les chiffres du chômage sans qu'il n'y ait un quelconque effet de "déversement" par la suite, il serait logique de diminuer le temps de travail afin de mieux le partager. Alors que le débat refait surface dans le milieu politique français en ce moment même sur la loi des 35 heures (2) qu’il faudrait « assouplir » (selon les dires du ministre de l’économie), peut être faudrait il prendre acte de ce phénomène afin de mieux l’anticiper. Comme le rappelle l’auteur de l’article, Keynes écrivait en 1930 qu’avant la fin du XXème siècle, «  la technologie serait suffisamment avancée pour permettre à des pays comme le Royaume Uni ou les Etats Unis de parvenir à la semaine de travail de 15h ». En plus d’une nouvelle organisation du travail, le temps de travail sera certainement une des questions majeures de ces prochaines années.

 Laurène Conte



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