Dans le cadre d’un récent festival portant sur la culture
vidéo-ludique, une série de conférence ont eu lieu autour de divers sujets.
L’une d’entre elles, plus particulièrement, portait le titre « Travail et
droit d’auteur à l’heure d’Internet », et nous semble poser une réflexion
particulièrement intéressante dans le contexte actuel des modifications des
marchés du travail.
L’une des parties de la conférence portait ainsi sur la
question suivante : « Le droit d’auteur protège-t-il encore les
auteurs? ». En effet, alors que le
but original du droit d’auteur était de protéger ces derniers contre les abus
de la part des imprimeurs ou des compagnies de théâtre qui s’appropriaient les
œuvres artistiques une fois publiées, il est peu à peu devenu une manière
d’appropriation du contenu par les distributeurs marchands, et de manière
largement plus flagrante sur internet. Son rôle semble donc avoir été renversé.
Pour les différents conférenciers, cela est dû notamment au transfert du droit
d’auteur d’une considération morale de contrôle sur l’œuvre à une considération
proprement économique et, donc, marchandisable et appropriable par les grandes
compagnies de diffusion.
On a néanmoins vu ces dernières années l’apparition de plus
en plus de personnes qui diffusent, sur des chaînes internet (youtube principalement, mais aussi sur
des blogs personnels) des contenus créatifs, que ce soient des critiques de
musique ou de cinéma, des vidéos de jeux divers ou autre. Ces vidéos ont
rapidement été investi par les grandes entreprises de diffusion, ainsi que par
des réseaux publicitaires, qui voyaient là un nouveau mode de marketing pour
leurs produits, plus proche des consommateurs et ciblant ceux-ci de manière
plus efficace que les publicités traditionnelles. Les vidéastes les plus populaires peuvent
donc maintenant recevoir un salaire basé sur le nombre de visionnement de leurs vidéos, de souscriptions à leurs chaînes, de
mention « j’aime » sur facebook, etc. En mettant de la publicité sur
leurs vidéos, ils peuvent désormais être payés pour une création originale de
contenu, entres autres puisqu’ils permettent de rassembler des données ciblées
sur leur auditoire.
Or, comme les conférenciers l’ont présenté, le droit sur
internet est une question extrêmement floue. Cela donne droit à une
multiplicité de complications, et une grande difficulté pour ces vidéastes de
faire reconnaître leur production comme telle. Ainsi, depuis peu, n’importe qui
peut affirmer posséder les droits d’auteur sur un contenu sur youtube, par exemple même si ces droits
ne concernent que, par exemple, le jeu qui est présenté ou l’interprétation
d’une œuvre musicale. Il revient alors au vidéaste de défendre par lui-même son
utilisation légale du contenu, par exemple, ou de défendre son droit de
propriété sur l’oeuvre.
Là où le bât blesse, c’est que ce droit doit être défendu
selon une multiplicité de régimes de droits, issus de la multiplicité des pays
où est diffusé le vidéo. Il serait ainsi possible, pour une même création, de
devoir se justifier selon les droits britannique, français et canadiens et ce,
à la fois en français et en anglais. Pire encore, ces différents pays recoupent
des droits d’auteurs différents (copyright
pour les pays anglo-saxons, droit d’auteur pour le droit français, etc.) Il
devient donc extrêmement difficile pour ces vidéastes de protéger efficacement
leur production et, du même coup, leur revenu. On a là un exemple flagrant du travail pour le travail, par exemple,
qui demande aux gens de travailleur pour reconnaître même leur travail comme
tel.
Il existe des réseaux de diffuseurs (machinima, par exemple)
qui agissent en quelques sortes en tant que « gérant » de ces
vidéastes, demandant une cote et organisant en contrepartie des affaires
légales. De la même manière, certains producteurs financent eux-mêmes les
vidéastes selon leur nombre de vue, pour promouvoir leurs jeux. Or, ces pratiques
ont des effets particulièrement pervers puisque les diffuseurs peuvent
notamment demander aux vidéastes de travailler pro bono, comme on peut le voir avec les journalistes pigistes, en
affirmant que la seule visibilité apportée par leur affiliation relève d’un
avantage non négligeable. Les producteurs de jeux ou de musique, d’un autre
côté, peuvent demander à des vidéastes de ne pas donner de mauvaise critique,
de seulement montrer certains points bien spécifiques qui concordent avec leurs
campagnes marketing, etc. Le manque de protection de ces travailleurs les
oblige donc à rentrer dans ces mécanismes de dépendance vis-à-vis des grands
diffuseurs ou producteurs, dans des endroits où ils ne peuvent bénéficier d’aucune
protection et où l’organisation collective semble extrêmement inefficace
puisque basée dans des pays complètement différent placés sous des régimes de
droits spécifiques à chacun.
Il serait donc nécessaire, selon moi, d’explorer des
nouveaux modèles de droit d’auteur en dehors des modèles traditionnels basés
sur des supports de plus en plus désuets. Certains modèles, comme le creative common ou la licence globale,
sont déjà en application par certaines personnes, mais il est facile de voir
comment, en l’absence d’entente internationale sur le sujet, ces modèles ne
peuvent gagner de l’importance.