lundi 8 décembre 2014

Le suicide chez les étudiants: une tristesse du 21ieme siècle.

Le suicide se définit comme l’acte délibéré de mettre fin à sa propre vie. C’est un phénomène qui m’attriste extrêmement. C’est aussi l’une des causes principales des décès des hommes et femmes au Québec entre 18-25 ans. Tout récemment, j’ai eu le malheur d’apprendre qu’une de mes bonnes amies était décédée. Elle avait mis fin à ses jours durant la nuit du 1ier décembre 2014. Cette journée fût la plus sombre de ma vie. Aucunement ai-je ressenti autant d’angoisse. Une angoisse si forte que mon corps en fût paralysé, figé par la froideur. Le suicide a pris une plus grosse place dans ma vie cette journée-là. Ce qui est triste c’est que mon amie n’est pas la seule qui se retrouve dans cet état de noirceur. Dans les derniers 45 ans, le taux de suicide à augmenter de 60%[1]. Pourquoi une augmentation aussi grande? Les maladies mentales, l’alcoolisme, la drogue peuvent être des facteurs. Toutefois, le facteur principal de ce malheureux phénomène est social. Comme l’affirme Durkheim, la cohésion social, le fait d’appartenir ou non à un groupe, est une variable déterminante du suicide. Le suicide ne s’explique pas seulement par la psychologie comme le croient plusieurs personnes. Il s’agit en partie aussi d’un problème social. Le suicide est un phénomène grave dû à la configuration du 21ieme siècle : néo-libéralisme, compétition, individualisme, surperformance, dérèglementation.

« Il y a une chose plus triste à perdre que la vie, c’est la raison de vivre, plus triste que de perdre ses biens, c’est de perdre son espérance ». Paul Claudel

15 novembre 2014 : 

« Émilie est médecin résidente. Elle est dans sa 3e année de spécialité, donc 8e année d’université. Elle semble plus anxieuse que la moyenne, mais demeure néanmoins souriante et est très dévouée pour ses patients. Elle fait des blagues. Le 15 novembre, elle ne se présente pas à sa garde. Elle est retrouvée morte deux jours plus tard dans son automobile. Suicide. Ce n’est pas une blague [2]».
Il y a problème quand un médecin est capable de sauver la vie des autres, mais pas la sienne. Dans un article apparu sur LaPresse, Étienne Leroux Groleau nous explique son parcours étudiant à l’intérieur du programme de médecine. Dans cet article, Étienne nous explique que le programme de médecine est difficile sur la santé mentale de l’étudiant. En effet, Étienne affirme souffrir de trouble d’anxiété et qu’il a souvent besoin de somnifères pour dormir. Il affirme aussi que quelques un de ses collègues souffrent aussi de trouble d’anxiété, mais aussi de dépression. Selon lui, le problème « le problème provient également du système d’éducation médicale [3]». Étienne a totalement raison. Le système d’éducation du 21ieme siècle est basé sur une logique entrepreneuriale. Il faut pousser les étudiants à fond. Il faut favoriser la compétition inter-étudiante. Les meilleurs seront gardés, les faibles seront rejetés. Cette atmosphère individualiste qui pousse chaque étudiant à combattre les autres. Cette logique qu’on peut observer à l’université dans le programme de médecine découle justement d’une vision néo-libérale et d’une perspective capitalistique avancée. Comme nous l’affirme Bourdieu, Dardot et Laval, le néo-libéralisme ne s’explique pas par la non-réglementation de la société et des marchés. Elle s’explique justement par la volonté de l’État occidental à mettre de l’avant des politiques de dérèglementation et de compétition. L’université est aujourd’hui un outil des élites qui permettent de reproduire la société qui leur est idéale. Il n’est pas surprenant de voir des affiches publicitaires qui incitent les futurs étudiants à faire leur diplôme en administration. Le terme client est plus approprié qu’étudiant. Dans un système comme le système capitaliste avancé, un élève est évalué individuellement selon une logique d’efficacité comme c’est le cas pour les industries et les modes de gestion. Un ingénieur industriel favorise une machine qui produit 1000 objets la minute plutôt qu’une machine qui produit 500 objets la minute. C’est cette perspective managériale qui s’infiltre actuellement dans les universités. Malheureusement pour les gestionnaires et les capitalistes, l’être humain est un être qui est doué d’émotion, de sentiment, mais aussi d’une limite psychologique. Le médecin qui entame sa 8ieme années n’a aucunement intérêt d’avouer à son évaluateur qu’il est « faible », qu’il souffre anxiété, qu’il est dépressif. Dans l’université du 21ieme siècle, on évalue les aspects quantitatifs insensible sans tenir compte du moral, du mental de l’étudiant. Il est aucunement humain de concevoir l’éducation d’une telle manière. L’étudiant est aliéné de ce qu’il veut faire, de ce qu’il aime faire. Il est aveuglé de sa passion par un bandeau que lui pose le néo-libéralisme. Comme c’est le cas dans les call-centers. L’individu est obligé de surperformer tout en mettant ce qu’il ressent réellement. Pour Marx, le travail est émancipateur. Pour le capitalisme, il s’agit d’un producteur de richesse. Comment pouvons-nous nous attendre à des êtres humains heureux quand on le traite de avec des logiques managériales et productivistes déshumanisante. Il y a eu déshumanisation du travail au 20ieme siècle. Maintenant, il y a déshumanisation de l’éducation. Cette logique-là, on la retrouve dans d’autres sphères du travail. On demande aux ouvriers de performer, produire, donner plus, tout en recevant moins d’où l’avènement de la précarisation. Les individus sont délaissés à eux-mêmes au profit de cette même logique : le capitalisme.

S’il y a une chose qu’Étienne doit comprendre, c’est que ce n’est aucunement de sa faute. À la fin de l’article, il affirme : « Je suis profondément désolé que nous n’ayons pas été en mesure de l’aider [4]». Oui, tu as à aider tes proches qui souffrent d’anxiété et de dépression, mais le problème lui-même n'est pas intrinsèque à la personne. L'anxiété, la surperformance, la compétition, la dépression sont tous produit d'une préconception inhumaine du travail mise de l’avant par des logiques néo-libérales. L'Être Humain n'est pas machine. S’il y a quelque chose à faire, c’est bien changer la façon dont la société perçoit le travail.

            Je dédie l’entièreté de mon travail à ma chère amie qui a perdu la vie le 1ier décembre 2014. Jamais tu ne seras oublié. Pour toujours tu seras source d’amitié.
Christopher Sayoto-Poulin



Référence :
-Bourdieu, Pierre. Mars 1998. « L’essence du néolibéralisme », Le Monde diplomatique, Paris.
-Dardot, Pierre et Christian Laval. 2009. La nouvelle raison du monde. Essai sur la société
néolibérale, La Découverte, Paris. Pp. 299-306; 309-313.
-Taylor, F. W. 2008 [1911]. « Fundamentals of Scientific Management », dans The Principles of Scientific Management, Forgotten Books. Pp. 1-14.
-D’Argenson, P-H. 2010. « Souffrance au travail : ce qui a changé », Le Débat, no 161. Pp. 105-115.
-Graeber, David. Août 2013. « On the Phenomenon of Bullshit Jobs », Strike Magazine, UK. Pp.1-5.
-Standing, Guy. 2011. « The Precariat », dans The Precariat : The New Dangerous Class,
Bloomsbury, New York. Pp. 1-25.
Article:
http://plus.lapresse.ca/screens/6d7fef92-b063-48bd-a5fa-1b41ea0a5bf8%7C_0
Statistique:
http://www.befrienders.org/suicide-statistics



[1] http://www.befrienders.org/suicide-statistics
[2] http://plus.lapresse.ca/screens/6d7fef92-b063-48bd-a5fa-1b41ea0a5bf8%7C_0
[3] http://plus.lapresse.ca/screens/6d7fef92-b063-48bd-a5fa-1b41ea0a5bf8%7C_0
[4] http://plus.lapresse.ca/screens/6d7fef92-b063-48bd-a5fa-1b41ea0a5bf8%7C_0

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