Le suicide se
définit comme l’acte délibéré de mettre fin à sa propre vie. C’est un phénomène
qui m’attriste extrêmement. C’est aussi l’une des causes principales des décès
des hommes et femmes au Québec entre 18-25 ans. Tout récemment, j’ai eu le
malheur d’apprendre qu’une de mes bonnes amies était décédée. Elle avait mis
fin à ses jours durant la nuit du 1ier décembre 2014. Cette journée fût
la plus sombre de ma vie. Aucunement ai-je ressenti autant d’angoisse. Une
angoisse si forte que mon corps en fût paralysé, figé par la froideur. Le
suicide a pris une plus grosse place dans ma vie cette journée-là. Ce qui est
triste c’est que mon amie n’est pas la seule qui se retrouve dans cet état de
noirceur. Dans les derniers 45 ans, le taux de suicide à augmenter de 60%[1]. Pourquoi une augmentation
aussi grande? Les maladies mentales, l’alcoolisme, la drogue peuvent être des
facteurs. Toutefois, le facteur principal de ce malheureux phénomène est
social. Comme l’affirme Durkheim, la cohésion social, le fait d’appartenir ou
non à un groupe, est une variable déterminante du suicide. Le suicide ne s’explique
pas seulement par la psychologie comme le croient plusieurs personnes. Il s’agit
en partie aussi d’un problème social. Le suicide est un phénomène grave dû à la
configuration du 21ieme siècle : néo-libéralisme, compétition,
individualisme, surperformance, dérèglementation.
« Il y a une
chose plus triste à perdre que la vie, c’est la raison de vivre, plus triste
que de perdre ses biens, c’est de perdre son espérance ». Paul Claudel
15 novembre 2014 :
« Émilie
est médecin résidente. Elle est dans sa 3 année de spécialité, donc 8
Il
y a problème quand un médecin est capable de sauver la vie des autres, mais pas
la sienne. Dans un article apparu sur LaPresse,
Étienne Leroux Groleau nous explique son parcours étudiant à l’intérieur du
programme de médecine. Dans cet article, Étienne nous explique que le programme
de médecine est difficile sur la santé mentale de l’étudiant. En effet,
Étienne affirme souffrir de trouble d’anxiété et qu’il a souvent besoin de
somnifères pour dormir. Il affirme aussi que quelques un de ses collègues
souffrent aussi de trouble d’anxiété, mais aussi de dépression. Selon lui, le
problème « le problème provient également du système d’éducation médicale [3]». Étienne a totalement
raison. Le système d’éducation du 21ieme siècle est basé sur une logique
entrepreneuriale. Il faut pousser les étudiants à fond. Il faut favoriser la
compétition inter-étudiante. Les meilleurs seront gardés, les faibles seront rejetés.
Cette atmosphère individualiste qui pousse chaque étudiant à combattre les
autres. Cette logique qu’on peut observer à l’université dans le programme de
médecine découle justement d’une vision néo-libérale et d’une perspective
capitalistique avancée. Comme nous l’affirme Bourdieu, Dardot et Laval, le
néo-libéralisme ne s’explique pas par la non-réglementation de la société et
des marchés. Elle s’explique justement par la volonté de l’État occidental à
mettre de l’avant des politiques de dérèglementation et de compétition. L’université
est aujourd’hui un outil des élites qui permettent de reproduire la société qui
leur est idéale. Il n’est pas surprenant de voir des affiches publicitaires qui
incitent les futurs étudiants à faire leur diplôme en administration. Le terme
client est plus approprié qu’étudiant. Dans un système comme le système
capitaliste avancé, un élève est évalué individuellement selon une logique d’efficacité
comme c’est le cas pour les industries et les modes de gestion. Un ingénieur
industriel favorise une machine qui produit 1000 objets la minute plutôt qu’une
machine qui produit 500 objets la minute. C’est cette perspective managériale
qui s’infiltre actuellement dans les universités. Malheureusement pour les
gestionnaires et les capitalistes, l’être humain est un être qui est doué d’émotion,
de sentiment, mais aussi d’une limite psychologique. Le médecin qui entame sa
8ieme années n’a aucunement intérêt d’avouer à son évaluateur qu’il est « faible »,
qu’il souffre anxiété, qu’il est dépressif. Dans l’université du 21ieme siècle,
on évalue les aspects quantitatifs insensible sans tenir compte du moral, du
mental de l’étudiant. Il est aucunement humain de concevoir l’éducation d’une
telle manière. L’étudiant est aliéné de ce qu’il veut faire, de ce qu’il aime
faire. Il est aveuglé de sa passion par un bandeau que lui pose le
néo-libéralisme. Comme c’est le cas dans les call-centers. L’individu est obligé de surperformer tout en mettant
ce qu’il ressent réellement. Pour Marx, le travail est émancipateur. Pour le
capitalisme, il s’agit d’un producteur de richesse. Comment pouvons-nous nous
attendre à des êtres humains heureux quand on le traite de avec des logiques
managériales et productivistes déshumanisante. Il y a eu déshumanisation du
travail au 20ieme siècle. Maintenant, il y a déshumanisation de l’éducation.
Cette logique-là, on la retrouve dans d’autres sphères du travail. On demande aux
ouvriers de performer, produire, donner plus, tout en recevant moins d’où l’avènement
de la précarisation. Les individus sont délaissés à eux-mêmes au profit de
cette même logique : le capitalisme.
S’il
y a une chose qu’Étienne doit comprendre, c’est que ce n’est aucunement de sa
faute. À la fin de l’article, il affirme : « Je
suis profondément désolé que nous n’ayons pas été en mesure de l’aider [4]». Oui, tu as à aider tes
proches qui souffrent d’anxiété et de dépression, mais le problème lui-même
n'est pas intrinsèque à la personne. L'anxiété, la surperformance, la
compétition, la dépression sont tous produit d'une préconception inhumaine du
travail mise de l’avant par des logiques néo-libérales. L'Être Humain n'est pas
machine. S’il y a quelque chose à faire, c’est bien changer la façon dont la
société perçoit le travail.
Je dédie l’entièreté de mon travail à
ma chère amie qui a perdu la vie le 1ier décembre 2014. Jamais tu ne
seras oublié. Pour toujours tu seras source d’amitié.
Christopher Sayoto-Poulin
Référence :
-Bourdieu,
Pierre. Mars 1998. « L’essence du néolibéralisme », Le Monde diplomatique,
Paris.
-Dardot,
Pierre et Christian Laval. 2009. La nouvelle raison du monde. Essai sur la
société
néolibérale,
La Découverte, Paris. Pp. 299-306; 309-313.
-Taylor, F. W. 2008 [1911]. « Fundamentals of
Scientific Management », dans The Principles of Scientific Management, Forgotten
Books. Pp. 1-14.
-D’Argenson, P-H.
2010. « Souffrance au travail : ce qui a changé », Le Débat, no 161. Pp. 105-115.
-Graeber, David. Août 2013. « On the Phenomenon of
Bullshit Jobs », Strike Magazine, UK. Pp.1-5.
-Standing, Guy. 2011. « The Precariat », dans The
Precariat : The New Dangerous Class,
Bloomsbury, New York. Pp. 1-25.
Article:
http://plus.lapresse.ca/screens/6d7fef92-b063-48bd-a5fa-1b41ea0a5bf8%7C_0
Statistique:
http://www.befrienders.org/suicide-statistics
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