Avec 2,7 milliards
d'euros en chiffre d'affaire en 2013 (selon le S.E.L.L), le jeu-vidéo
est une industrie culturelle de poids en France (derrière le cinéma
et l'édition). Malgré les subventions publiques (principalement du
CNC), c'est un secteur encore fragile, où de petite et moyenne
entreprise, de moins de 5 ans, doivent affronter de véritable
firmes, employant des milliers de personnes à travers le globe.
Voyons comment David parvient à tenir tête à Goliath.
En 1972, la compagnie
ATARI sort le jeu vidéo des cercles universitaire où il circulait,
et le marchandise sous la forme de la borne d'arcade, qui vient
s'installer aux côtés des flippers dans les café-bar, puis sous la
forme des consoles de salons. 4 ans plus tard, alors que le marché
commence à saturer, la WARNER décide de racheter l'entreprise, et
la société fait une poussée de croissance, devenant le premier
géant du milieu. En 1979, un groupe de programmeurs, mécontant des
conditions et du manque de reconnaissances, fait sécession et fonde
son propre studio, tout en continuant de développer sur les mêmes
machines. ATARI attaque en justice, mais perd, créant un précédent
qui ouvre la voie à la concurrence sur console.
En parallèle, la
micro-informatique se développe, et la programmation devient
accessible aux particuliers. Des individus isolés codent alors des
logiciels, dont des jeux, et vont les distribuer via les boutiques
spécialisés et les petites annonces. La puissance de calcul
augmente, les jeux se complexifient, des cadres normatifs
apparaissent, les individus isolés se regroupent en petites
entreprises, les budgets augmentent et, l'édition se
professionalisant, les développeurs de jeux-vidéo perdent leurs
indépendances.
Aujourd'hui, les géants
de l'édition (Ubisoft, Electronic Arts), produisent des jeux à gros
budgets (plusieurs millions de dollars), employant plusieurs
centaines de personnes à leurs réalisations, mais qui, face aux
objectifs de ventes requis, sont poussés, par les mêmes logiques
syncrétiques et marchandes que l'industrie cinématographique, à
éviter les prises de risques. Incapable de s'affranchir de leurs
cadres normatifs (ou genre), tous comme les blockbusters, ces
productions (surnommés Triple A) lassent les connaisseurs, qui se
tournent à nouveau vers les petits artisans.
Ces derniers, avec
Internet, ont trouvé une nouvelle plateforme, de promotion dans un
premier temps, puis de distribution. Ils s'empareront très vite des
modèles de financement participatif et captent, depuis plus de cinq
ans maintenant, l'attention des joueurs avec des jeux comme MineCraft
ou FTL. Les ambitions moindres de ces jeux sont compensés, parfois,
par des innovations ludiques ou des directions artistiques
originales, et les tailles réduites des équipes de développements
en font des objets plus intimistes. Devenu objet de la culture de
masse, le jeu vidéo y redevient un objet de culture populaire.
Cependant, parce qu'ils
nagent avec les gros poissons, ces développeurs indépendants ont
souvent du mal à garder la tête hors de l'eau. Nombre d'entre eux
travaillent à domicile, financent leurs créations ludiques par une
activité tierces (bien souvent, en programmant des logiciels sur
appel d'offre), créant sur leurs temps libres, et assument les
risques d'un échec commercial. L'indépendance est alors un luxe que
seuls les passionnés peuvent s'offrir. Malgré tout, la production
indépendante suscite un réel engouement du public, si bien que les
gros éditeurs cherchent à en imiter l'apparence, en développant
des projets avec des équipes réduites.
Pour maintenir ce vivier
de créateurs, le gouvernement français, par l'intermédiaire du
CNC, distribue en moyenne trois millions d'euros de subventions
chaque année. La commission chargée de l'attribution de ces
subventions fait toutefois débats : constituée de professionnel du
milieu, près d'un quart du total des aides annuelles serait attribué
aux projets des jurés (http://www.gamekult.com/actu/fajv-a-qui-vont-les-aides-au-jeu-video-A128864.html). Par ailleurs, ces aides sont accessibles à
l'ensemble des petites et moyennes entreprises vidéo-ludiques et, les
projets sous la tutelle d'éditeurs offrant de meilleurs garantis, ne
profite que peu à la scène indépendante.
L'ambigüité de
l'exception culturelle française, en tant que politique, réside
dans sa volonté de protéger des pans de culture des logiques du
marché, et dans son incapacité à les préserver des logiques technocratiques.
Aucun commentaire:
Publier un commentaire