Au
cours des dernières décennies, il y a eu de profonds changements dans le marché
du travail, ce qui a mené à la flexibilité du travail. Les travailleurs
subissent maintenant plus de pressions par leurs patrons, pour permettre une
flexibilité des coûts, une flexibilité temporelle et une flexibilité spatiale
dans la production. Ainsi, les produits correspondent toujours plus à la
demande des consommateurs (Dupuis, 2004). Les entreprises se sont donc adaptées
aux évolutions de la demande et elles ont géré différemment les ressources
humaines. Les institutions scolaires, elles aussi, doivent s’adapter aux
évolutions de la demande et comme l’a déjà dit Guy Breton, recteur de l’Université
de Montréal, les cerveaux des étudiants devraient correspondre aux besoins des
entreprises.
Les
études, comme le travail, incarnent maintenant la réussite et l’accomplissement
personnel d’où le besoin, pour certains étudiants, d’améliorer leurs
performances cognitives en prenant des smart drugs. C’est ce dont parlent les
deux articles qui m’ont attirée, en cette fin de session. Il s’agit de Smart drugs chez les étudiants :
symptôme de la société de performance, paru dans le Forum (semaine du 17
novembre 2014) et Dopage mental, paru
dans Le Pigeon dissident (novembre
2014). L’usage de produits augmentant les capacités physiques chez les sportifs
est un phénomène déjà présent depuis un certain temps, dans nos sociétés. Mais
le dopage avec des médicaments psychotropes dans le but d’améliorer les
performances scolaires des étudiants est un phénomène récent et grandissant. Ce
phénomène, est-il le symptôme d’une société qui valorise trop la performance?
C’est dans une recherche, qu’a entrepris Johanne Collin, que la scientifique
examine l’influence que peuvent avoir les contextes social, culturel et
institutionnel, sur la prise de smart drugs par les étudiants, et tentera de
comprendre l’origine du besoin de « superperformance ». Elle affirme
que « [ceux qui consomment] sont peut-être le fruit de l’intériorisation
de l’idéal néolibéral axé sur l’hyperperformance et la productivité, […] qui
caractérise nos sociétés occidentales » (Forum, 2014, 5). En effet, les étudiants
se retrouvent de plus en plus sous la pression, la compétition est
omniprésente; ils considèrent donc tous les moyens qui peuvent les rendre plus
performants. Or, la prise d’amplificateurs cognitifs ou nootropes (smart drugs)
permet de rester éveiller longtemps, de rester vigilant et de garder une grande
concentration pour pouvoir étudier plus longtemps et améliorer les performances
scolaires. (Le pigeon dissident, 2014). Les étudiants sont aussi conscients
qu’ils vivront, à la fin de leurs études, des compétitions pour l’emploi.
Raison de plus pour performer au maximum et tenter d’atteindre des résultats
scolaires parfaits.
De
plus, les deux articles tournent autour d’un seul et même débat, celui de l’utilisation
de smart drugs uniquement comme traitements médicaux de maladies ou plutôt comme
amplificateur du potentiel mental pour mieux performer. Les partisans du
recours à ces drogues affirment que cet usage serait avantageux à l’ensemble de
la société car il permettrait que tous les individus aient de meilleures
chances de réussite et il serait contre-logique d’être défavorable à
l’amélioration des facultés humaines. Mais d’autres personnes rejettent l’idée
précédente car cette utilisation serait une forme de tricherie et ils soutiennent
qu’aucune recherche scientifique, n’ait, à ce jour, démontré exactement
l’efficacité de ces produits sur les non-malades, même si les effets
indésirables sur les consommateurs semblent bien présents (Forum, 2014 et Le
pigeon dissident, 2014).
Bref,
l’analyse de la consommation de smart drugs chez les étudiants mérite d’être
approfondie. À mon avis, en plus de tous les problèmes évoqués, la consommation
de ces produits provoquera de la discrimination entre ceux qui sont capables financièrement,
et qui acceptent, de se procurer la
drogue et ceux qui ne le sont pas. J’exagère peut-être en disant que
l’université (re)deviendra accessible uniquement à certains étudiants. Il
serait quand même important de se questionner sur les effets d’une acceptation
potentiellement générale de cette pratique.
Dupuis,
Marie-Josée. 2004. Renouveau syndical: proposition de redéfinition du projet
syndical pour une plus grande légitimité des syndicats en tant que
représentants de tous les travailleurs, CRIMT, Montréal, 29p.
Martin
Lasalle. (2014). Smart Drugs chez les étudiants : symptôme de la société
de performance?. Forum, semaine du 17
novembre.
Xavier
Morand-Bock. (2014). Dopage mental. Le
pigeon dissident, volume 38, numéro 4.
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