L’idée
de cette entrée de blog m’est venue en feuilletant le journal
Métro. Dans la section Emplois du 17 novembre, une entrevue intitulé
«Quand pige et grossesse font bon ménage» (Métro, 17 novembre
2014 : 25), m’a fait sursauter. Gabrielle est travailleuse autonome et l’article traite de son
retour au travail après un congé de maternité. Le propos se résume
assez facilement, via la première phrase de l’article : «Si les
travailleuses autonomes peuvent prendre un congé de maternité, le
retour au travail s’accompagne d’une nette réduction d’activité
pour certaines d’entre elles.» Gabrielle a commencé le travail
autonome après son premier congé de maternité, en 2010. À la
veille de son second congé, son revenu est de 40 000$ par année. L'année suivant son retour au travail, il se retrouve à 15 000$.
Elle a perdu beaucoup de clients durant son année de congé, cela
même si elle se présentait à des 5 à 7 et autres rencontres
durant son congé. En rétrospective, elle estime que prendre
seulement 6 mois de congé serait plus approprié afin de conserver
sa clientèle et ainsi ne pas subir les contre-coups d’une
diminution de son revenu.
D’une
perspective sociologique, il y a plusieurs points intéressants à
cette histoire : la centrifugation de l’emploi, les mesures
sociales mésadaptées et la transition vers le précariat. Pour commencer, il est intéressant de noter de
quelle manière Gabrielle a navigué vers la périphérie de
l’emploi, pour reprendre le concept de Durand : c’était une
décision personnelle. Avec ce cas, il est donc intéressant de
voir que la centrifugation de l’emploi n’est pas qu’une
pression, qu’une dynamique imposée au travailleur mais aussi une
idéologie. 'Travailler à son compte est avantageux' semble une
idéologie pernicieuse puisque Gabrielle doit refuser à elle même
un congé de maternité plein et à la hauteur de celui des salariés.
Cela nous mène donc au second point : des mesures sociales
mésadaptées. Lorsqu’interogée si elle ferait le même choix, un
an complet de congé, Gabrielle répond : «C’est difficile
de décrocher pendant un an pour les travailleuses autonomes,
contrairement aux salariées.» Sa réponse illustre une dichotomie
entre travail autonome et salarié au niveau des couvertures
sociales. Gabrielle ne peut se permettre de prendre un congé au même
titre qu’une travailleuse salariée, sous peine de perdre beaucoup
de revenu. La forme de la couverture sociale ne lui permet pas d’en
jouir à manière égale comparé à aux salariés. Troisièmement,
c’est une possible transition vers une situation de précariat tel que décrit par Standing.
Suite à sa perte de revenu, Gabrielle et son conjoint avaient
beaucoup de difficultés à payer hypothèque et autres dépenses du
ménage. Pour elle, se fut une période de disette et de diminution
de la qualité de vie. Hypotétiquement, si il y a une récession, rien ne
dit que Gabrielle et son conjoint auraient pu payer leur hypothèque et ne pas se retrouver à la rue.
Dans
cet article, on a le cas d’une femme à l’intérieur de
la centrifugation du travail. De plus, il est intéressant de noter
l’aspect personnel des décisions prises dans le contexte : passage
au travail autonome, travail durant le congé de maternité. Les
contre coups subis par Gabrielle ont plusieurs sources, ses décisions
mais aussi la forme de couverture sociale qu’est le congé de
maternité. Ces choix et le contexte de ces choix
créent
ainsi une situation précaire pour Gabrielle et sa famille. Le propos de l’article est assez clair : travailleuses autonomes, réduisez vos congés de maternité et travaillez durant vos congés de maternité.
Jerome Grenier Desbiens
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