dimanche 7 décembre 2014

Quand les mutations du travail et grossesse font bon ménage...?

L’idée de cette entrée de blog m’est venue en feuilletant le journal Métro. Dans la section Emplois du 17 novembre, une entrevue intitulé «Quand pige et grossesse font bon ménage» (Métro, 17 novembre 2014 : 25), m’a fait sursauter. Gabrielle est travailleuse autonome et l’article traite de son retour au travail après un congé de maternité. Le propos se résume assez facilement, via la première phrase de l’article : «Si les travailleuses autonomes peuvent prendre un congé de maternité, le retour au travail s’accompagne d’une nette réduction d’activité pour certaines d’entre elles.» Gabrielle a commencé le travail autonome après son premier congé de maternité, en 2010. À la veille de son second congé, son revenu est de 40 000$ par année. L'année suivant son retour au travail, il se retrouve à 15 000$. Elle a perdu beaucoup de clients durant son année de congé, cela même si elle se présentait à des 5 à 7 et autres rencontres durant son congé. En rétrospective, elle estime que prendre seulement 6 mois de congé serait plus approprié afin de conserver sa clientèle et ainsi ne pas subir les contre-coups d’une diminution de son revenu.


D’une perspective sociologique, il y a plusieurs points intéressants à cette histoire : la centrifugation de l’emploi, les mesures sociales mésadaptées et la transition vers le précariat. Pour commencer, il est intéressant de noter de quelle manière Gabrielle a navigué vers la périphérie de l’emploi, pour reprendre le concept de Durand : c’était une décision personnelle. Avec ce cas, il est donc intéressant de voir que la centrifugation de l’emploi n’est pas qu’une pression, qu’une dynamique imposée au travailleur mais aussi une idéologie. 'Travailler à son compte est avantageux' semble une idéologie pernicieuse puisque Gabrielle doit refuser à elle même un congé de maternité plein et à la hauteur de celui des salariés. Cela nous mène donc au second point : des mesures sociales mésadaptées. Lorsqu’interogée si elle ferait le même choix, un an complet de congé, Gabrielle répond : «C’est difficile de décrocher pendant un an pour les travailleuses autonomes, contrairement aux salariées.» Sa réponse illustre une dichotomie entre travail autonome et salarié au niveau des couvertures sociales. Gabrielle ne peut se permettre de prendre un congé au même titre qu’une travailleuse salariée, sous peine de perdre beaucoup de revenu. La forme de la couverture sociale ne lui permet pas d’en jouir à manière égale comparé à aux salariés. Troisièmement, c’est une possible transition vers une situation de précariat tel que décrit par Standing. Suite à sa perte de revenu, Gabrielle et son conjoint avaient beaucoup de difficultés à payer hypothèque et autres dépenses du ménage. Pour elle, se fut une période de disette et de diminution de la qualité de vie. Hypotétiquement, si il y a une récession, rien ne dit que Gabrielle et son conjoint auraient pu payer leur hypothèque et ne pas se retrouver à la rue. 


Dans cet article, on a le cas d’une femme à l’intérieur de la centrifugation du travail. De plus, il est intéressant de noter l’aspect personnel des décisions prises dans le contexte : passage au travail autonome, travail durant le congé de maternité. Les contre coups subis par Gabrielle ont plusieurs sources, ses décisions mais aussi la forme de couverture sociale qu’est le congé de maternité. Ces choix et le contexte de ces choix
créent ainsi une situation précaire pour Gabrielle et sa famille. Le propos de l’article est assez clair : travailleuses autonomes, réduisez vos congés de maternité et travaillez durant vos congés de maternité. 



Jerome Grenier Desbiens

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