lundi 31 octobre 2016

Pour ou contre le travail à horaire variable?

Dans un article parut dans le journal La Presse, l’auteure propose une réflexion sur le projet de la Suède face à la journée de travail de six heures. Selon la Suède, la semaine écourtée passant de quarante heures à trente heures, aurait des retombées favorables en ce qui a trait à la productivité des employés et réduirait le nombre de journées de maladies.

La réflexion que l’on pose ici, est de savoir s’il serait possible d’implanter un tel projet au Québec. Parmi les réactions recueillies, les opinions ne semblent pas toutes converger dans la même direction. Toutefois, plusieurs alternatives semblent pouvoir être envisagées afin d’appliquer cette nouvelle idée d’aménagement du temps de travail.

D’abord, il y a la question de la charge de travail devant être accomplie en moins de temps. Certains se questionnent à savoir comment les employés arriveront à effectuer la charge de travail habituelle et ce, en ayant dix heures de travail de moins par semaine. Geneviève Jannelle, propose de revoir le processus de travail afin de voir s’il y a des étapes non pertinentes dans le déroulement de la tâche, comme le proposait Taylor dans ces travaux. Celle-ci propose également pour contrer ce problème, de revoir l’ergonomie du poste de travail, soit de repenser le milieu de travail afin qu’il soit plus adapté à la tâche et qu’il y ait moins de distractions pour l’employé. (Massé, 2016)

Isabelle Bédard, de son côté, propose plutôt une alternative à la journée de six heures, soit de travailler dix heures par jour, quatre jours par semaine. Dans cette alternative, les employés effectueraient quand même leurs quarante heures, mais auraient une fin de semaine de trois jours afin de bien récupérer. Celle-ci déclare « Les gens seraient alors prêts à allonger leurs heures par jour […], car c'est court, deux jours, pour refaire ses forces. Ce modèle nous ressemblerait davantage. » En effet, plusieurs compagnies au Québec offrent déjà à leurs employés des plages horaires de quatre jours par semaine, afin de favoriser un meilleur rapport travail-famille. Un employé comblé, c’est un employé productif ! (Massé, 2016)

Les problèmes occasionnés par la journée de travail de 6 heures, auraient des retombées psychologiques, qualitatives et économiques plus ou moins favorables tant pour les employés que pour les entreprises. Les répercutions au niveau psychologique, se traduisent par exemple, par le stress occasionné par une surcharge de travail. Les répercutions qualitatives sont alors inévitables, soit des employés qui ‘’ tournent les coins ronds’’ ou qui effectuent les tâches plus vite afin de sauver du temps. Finalement, les répercutions économiques sont d’avantages liées aux entreprises du secteur public ayant besoin d’employés sur place en tout temps. Les frais liés à la formation d’un plus grand effectif d’employés ainsi qu’aux programmes d’avantages collectifs, tel que les assurances, sont à considérer. (Massé, 2016)

Sommes-nous prêts à accueillir un tel réaménagement du temps de travail au Québec ? Plusieurs sphères doivent, selon moi, encore être étudiées afin de prendre une décision profitable pour tous. Toutefois, l’alternative du travail à horaire variable semble plus souvent qu’autrement apprécié par les employés du néolibéralisme.

Bibliographie

ST-ONGE, S., S. GUERRERO, V. HAINES et J.-P. BRUN, (2013). Relever les défis de la gestion des ressources humaines, 4e édition, Montréal, Gaëtan Morin Éditeur

Massé, I. (2016). Le pour et le contre des six heures de travail par jour. La Presse. Repéré à http://affaires.lapresse.ca/cv/vie-au-travail/201609/12/01-5019553-le-pour-et-le-contre-des-six-heures-de-travail-par-jour.php
Valérie Gauthier

Augmentation du travail à temps partiel & autonomes : bonne nouvelle ?


L’article présenté ici [1] dresse un vif survol de la situation actuelle dans le secteur de l’emploi au Canada et au Québec. Cette dernière souligne que « le marché canadien a affiché le mois dernier une meilleure performance que prévu, avec la création nette de 67 200 emplois. »  (Blatchford, 2016) Bonne nouvelle !

Toutefois, c’est « essentiellement grâce aux emplois à temps partiel et aux travailleurs autonomes » (Blatchford, 2016).  En effet, 44 100 et 23 000 nouveaux emplois sont respectivement des emplois à temps partiel et à temps plein. De plus, il y a 50 100 nouveaux travailleurs autonomes sur le marché au cours du mois de septembre.  Au Québec, la troisième analyse trimestrielle indique que l’emploi a progressé, mais uniquement dans l’emploi à temps partiel.



Trois économistes semblaient se réjouir de ses résultats. Ce n’est pas mon cas.



Il n’est pas surprenant, dans la mouvance des grands changements dans laquelle s’inscrit la nouvelle logique de rationalité de l’entreprise (Dardot & Laval, 2009), de constater que ce sont des emplois à temps partiel qui voient le jour et qu’il y est autant de nouveaux travailleurs autonomes.

En effet, dans l’ère néolibérale de la gestion de l’entreprise, dans les nouvelles formes d’organisation visant la maximisation des profits, il va de soi que davantage d’emplois à temps partiel que de temps plein soient créés. En effet, la fragmentation du marché du travail répond à ce désir des entreprises de réduire le coût de la main-d'œuvre, en offrant plus de postes à temps partiel ou de contrat de travail à des indépendants. De plus, avec la responsabilisation croissante et les demandes toujours plus grandes de performance (Dardot & Laval, 2009), l’employé n’a pas d’autre choix que d’augmenter sa productivité s’il ne veut pas être remplacé par un autre, par la mise en concurrence de plus en plus accrue des salariés entre eux.

 De plus, dans l’ « entreprise néolibérale [2]», caractérisé par une grande flexibilisation, l’emploi de travailleurs autonomes est plus bénéfique puisqu’elle permet aux entreprises d’ajuster selon leurs besoins le nombre de travailleurs embauchés, tout en limitant au maximum les frais (sachant qu’en général, les travailleurs autonomes ont moins d’avantages sociaux). Pas étonnant que les entreprises préfèrent créer des emplois de périphérie que des emplois de cœur (Durand 2004). Les emplois périphériques n’ayant aucune garantie d’emploi, les entreprises sont libres de mettre à pied les travailleurs dès qu’ils n’en ont plus besoin, et d’engager à la pièce des travailleurs indépendants tout en offrant des contrats à l’individu qui sais le mieux se « vendre. »  Cela illustre également l’idée de Durand, selon laquelle ce qui relevait de la périphérie tend de plus en plus à être amené au cœur des systèmes productifs (Durand, 2004; 186). En effet, l’emploi plus important de travailleurs de la périphérie fait en sorte que ce sont ses derniers qui remplissent pas à pas les tâches auparavant remplit par le cœur.  Il en résulte également une plus grande difficulté à entreprendre des actions collectives et une plus difficile syndicalisation par la mise en miette des collectifs de travailleurs (Dardot & Laval, 2009 ; Durand, 2004) (Au profit de l’entreprise, évidemment !)

Sachant que les emplois périphériques, selon Durand, sont précaires et offrent moins de possibilités d’avancement (les entreprises font plutôt miroiter des possibilités d’avancement, mais tributaires d’un succès irréaliste dans un contexte de compétition accru) (Durand, 2004), ce ne sont pas le genre d’emploi d’une société fondée sur les valeurs que sont la solidarité, l’entraide et la réussite collective. (À mon grand dam !)

Dans le contexte où ses nouveaux emplois sont plus précaires, qu’ils peuvent se traduire par une pression de performance toujours plus grande sur l’employer, ainsi qu’une mise en compétition inhumaine entre les individus, tout en réduisant les potentielles actions de mobilisation collectives, la constatation de ces données n’est pas encourageant.

Quelle signification voulons-nous donner au travail ? Dans quels genres de conditions voulons-nous travailler ? Doit-on obéir à la nouvelle logique des entreprises, inspirée du néolibéralisme, qui s’impose comme une réalité plutôt que comme un choix de société (Bourdieu, 1998) ? Nous laisserons nous asservir à cette logique d’imposition de la réalité néolibérale (Durand, 2004) ? L’heure est au questionnement et à la mobilisation.


Félix Lavigne


Références

-          Blatchford, Andy. 2016. « Le Québec affiche les gains les plus importants au Canada », Le devoir, 8 octobre 2016, [En ligne] http://www.ledevoir.com/economie/actualites-economiques/481862/emploi-le-quebec-affiche-les-gains-les-plus-importants-au-canada (page consultée le 10 octobre 2016)

-          Bourdieu, Pierre. Mars 1998. « L’essence du néolibéralisme », Le Monde diplomatique, Paris.

-          Dardot, Pierre et Christian Laval. 2009. La nouvelle raison du monde. Essai sur la société néolibérale, La Découverte, Paris. Pp. 299-306 ; 309-313.

-          Durand, Jean-Pierre. 2004. « Les réformes structurelles de l’entreprise : l’intégration réticulaire et le flux tendu », dans La chaîne invisible, Travailler aujourd’hui : Flux tendu et servitude volontaire, Éditions du Seuil, Paris. Pp. 11-18 ; 175-206.

-          T. Courtrot. 1998. L’entreprise néo-libérale, nouvelle utopie capitaliste. Enquête sur les modes d’organisation du travail, La Découverte, Paris



[1]  http://www.ledevoir.com/economie/actualites-economiques/481862/emploi-le-quebec-affiche-les-gains-les-plus-importants-au-canada
[2] T. Courtrot, L’entreprise néo-libérale, nouvelle utopie capitaliste. Enquête sur les modes d’organisation du travail, La Découverte, Paris in Dardot, Pierre et Christian Laval. 2009. La nouvelle raison du monde. Essai sur la société néolibérale, La Découverte, Paris. Pp. 299-306 ; 309-313

Un nouveau départ



En avril 2015, un nouveau chapitre débuta pour l'entreprise nationale québécoise fondée par Guy Laliberté, Le Cirque du Soleil. En effet, suite aux rumeurs à ce sujet, M. Laliberté avoua avoir vendu son entreprise à des investisseurs étrangers. Près de 60% des parts de l'entreprise ont été vendus à TPG Capital, une firme d'investissement américaine, 20% à Fosun Capital Groupe, une firme d'investissement chinoise ainsi que 10% à La Caisse de dépôt et de placement du Québec.[1] Ainsi, 80% des actions d'une entreprise nationale se sont vus vendus à l'étranger.  


À l'annonce de cette transaction, les premières impressions furent négatives quant à la vente d'un fleuron national à l'étranger. Cependant, d'autres ont été en faveur pour plusieurs raisons, dont le renforcement des relations et des liens économiques, avec la Chine. Comme ce dernier est, depuis quelques années déjà, en constante croissance, les possibilités sont encore grandes, mais la concurrence féroce. Devant une population de plus d'un milliard d'humains, le développement du Cirque du Soleil ne peut se poursuivre qu'à condition de percer. De ce fait, c'est grâce à l'implication du Fosun que le Cirque à ouvert son premier bureau d'affaires à Shanghai d'où il présentera son premier spectacle en 2017 et son premier spectacle permanent à Hangzhou en 2018.[2] Suite à cela, la compagnie prévoit se développer dans des dizaines de villes sur une période de 5 à 7 ans. Cette pérennité aurait été bien difficile sans le partenariat des investisseurs de Fosun puisque la Chine est un pays dont la tradition circassienne est déjà bien implantée.[3]
 

Cette transaction représente, dans la société moderne, un changement dans les liens économiques entre les pays. Le Cirque du Soleil avait jadis tenté de percer la scène chinoise. En effet, dans les années 2000 le Cirque avait implanté un spectacle, mais comme les salles ne se remplissaient pas, ils ont dû se résigner et abandonner le projet. En l'absence d'aide, de contacts et de liens provenant du pays les chances de s'adapter à la culture d'un pays et surtout défier les concurrences locales sont beaucoup plus minces et le chemin beaucoup plus ardu. En vendant ainsi une part aux investisseurs chinois, ces derniers voient là un bon incitatif de s'impliquer. Ainsi, grâce à la collaboration ainsi qu'à la gestion de l'ensemble du travail, ils ont pu produire spectacle d'ici, adapté aux couleurs de là-bas. Le néolibéralisme, caractérisé selon ''l'ensemble du discours, des pratiques et des dispositifs'' qui sont mis en place selon une compagnie pour s'implanter, se développer et ainsi faire face au marché de concurrence. Dans un monde où le commerce et les liens entre les pays sont de plus en plus nombreux et développés, il devient de plus en difficile de se tailler place, d'où l'importance d'avoir des alliés.

Iren Irofti

http://affaires.lapresse.ca/economie/international/201610/17/01-5031342-des-investisseurs-chinois-en-visite-au-cirque-du-soleil-lundi.php

Devenir de plus en plus intelligent pour accéder aux emplois de plus en plus cons

Le diplôme universitaire représente aujourd’hui la lumière vive au bout du tunnel, assurée, confiante, pleine  d’espoir pour l’avenir. Tout le long du tunnel, on voit nos études comme une garantie, un savoir nécessaire, ou même une chance pour certains. Et au bout du tunnel, pour de plus en plus d’entre nous, c’est le vide…de sens.

Quand on tente de définir les Bullshits jobs, les réponses sont vagues, mêmes des employés eux- même : «Leur réponse, des tentatives d’explications mâtinées d’anglicismes, eux-mêmes imbriqués dans un langage commercio-managérial, est généralement suivie d’un grand silence[1]». En tout cas, ce que l’on sait, c’est qu’ils ont des titres alambiqués et des salaires au-dessus de la moyenne…

Dans son article parût en 2013[2], Graeber dénonce les progrès technologiques qui ont permis l’accélération du secteur administratif, allant selon lui à l’encontre des valeurs capitalistes : est-ce rentable de payer un salarié à compter les cases de tableau Excel?  En s’appuyant sur la théorie de Keynes envisageant notre présent remplis de semaines à 15h, Graeber confirme que ce temps est bien celui de la réelle productivité des jobs à la con, le reste ne serait que du brassage d’air : « Même nous, les chercheurs, on passe plus de temps à remplir des formulaires, à se conformer à des procédures, à s’envoyer des e-mails dans tous les sens pour prendre des décisions, qu’à vraiment faire de la recherche»

The Economist répond que les Bullshits jobs modernes ne sont rien d’autre qu’une pâle copie de ce qui existe depuis toujours : «Certes, la dématérialisation peut donner une impression de vacuité (…), puisque l’époque où le minerai de fer se transformait en voitures est révolue. Mais l’idée reste la même[3] ». Cependant, pouvons-nous imaginer que cette période ultra bureaucratique que nous vivons en ce moment n’est «qu’une transition entre les jobs à la con dans l’industrie et pas de job du tout[4]»?
Cette transition ne vient pas sans son lot de conséquences : le bore out, s’opposant au burn out, correspond à un surplus d’ennui. Si l’on s’appuie sur Marx, on peut dire qu’on assiste à l’aboutissement de notre aliénation au travail, allant au-delà manque de mainmise sur notre production en ne sachant même pas de quoi il s’agit. De son côté, Bourdieu élabore le système néolibéral[5] : une société emprunte de liberté économique, fondée sur un régime politico-économique où les marchés financiers règnent. Les structures collectives disparaissent peu à peu pour laisser place à un souvenir flou de ce qu’était le travail tel qu’on le connaissait.
Ce que je trouve paradoxal est principalement le fait que ce système est directement issu de la montée de la rationalisation scientifique du travail, de toutes les théories du management, de la lutte contre le gaspillage, la perte de temps et la paresse, comme le disait Taylor[6], et que l’on voit qu’il en devient tout le contraire. Le combat est alors tout autre aujourd’hui : il ne s’agit plus de lutter pour les intérêts des salariés, d’atteindre un équilibre entre les patrons et travailleurs, mais de donner une raison d’être à leurs actions. Sommes-nous en train de nous faire dépasser par notre propre système si même les experts ne savent plus ce qu’ils font? Ou bien est-il préférable de garder les citoyens occupés (même à rien) au travail, de centrer leurs valeurs sur l’entreprise, plutôt que de les laisser s’émanciper du système et avoir réellement du temps «pour eux»?


Par Florie Le Liboux

Bibliographie
Bourdieu, Pierre. Mars 1998. « L’essence du néolibéralisme », Le Monde diplomatique, Paris

De Foucher Lorraine «absurdes et vides de sens : ces jobs d’enfer», Le Monde, 22 mars 2016 [http://www.lemonde.fr/m-perso/article/2016/04/22/dans-l-enfer-des-jobs-a-la-con_4907069_4497916.html], consulté le 30 octobre 2016.

Graeber David, «On the Phenomenon of Bullshit Jobs», Strike Mag, 17 aout 2013 [http://strikemag.org/bullshit-jobs/] consulté le 30 octobre 2016

Noiseux, Yanick. SOL2015 «Powerpoint : révolution industrielle et essor du rapport salarial» 19 septembre 2016



[1] De Foucher Lorraine «absurdes et vides de sens : ces jobs d’enfer», Le Monde, 22 mars 2016 [http://www.lemonde.fr/m-perso/article/2016/04/22/dans-l-enfer-des-jobs-a-la-con_4907069_4497916.html], consulté le 30 octobre 2016.
[2] Graeber David, «On the Phenomenon of Bullshit Jobs», Strike Mag, 17 aout 2013 [http://strikemag.org/bullshit-jobs/] consulté le 30 octobre 2016

[3] Ibid
[4] Ibid
[5] Bourdieu, Pierre. Mars 1998. « L’essence du néolibéralisme », Le Monde diplomatique, Paris
[6] Noiseux, Yanick. SOL2015 «Powerpoint : révolution industrielle et essor du rapport salarial» 19 septembre 2016