vendredi 5 décembre 2014

Code du travail : la sécurité de l'entrave?




Depuis plusieurs décennies, la rigidité du code du travail français est remise en cause. Ce dernier, trop complexe et protecteur du travailleur, serait un frein à l’embauche pour les employeurs. C’est donc avec véhémence que toutes les classes politiques et dirigeantes dénoncent un embargo sur l’embauche causé par un droit social contraignant. Dans ce contexte, la France tend à revenir sur les accords signés en 1989 avec l’OIT, l’Organisation Internationale du Travail. Cette organisation a pour but de faire respecter le droit du travail et le droit social dans le monde.            
Cependant, le poids que cette organisation possède semble tout à fait minime aujourd’hui comparé à celui que peut représenter l’OMC par exemple, le FMI ou l’OCDE. Lorsque l’on s’étend sur la gestion des crises économiques et les décisions qui se sont prises au niveau des conditions de travail pour y remédier, le rapport de force semble clairement à l’avantage des organismes nommés ci-dessus, tant leurs recommandations font figure d’évangile pour les décideurs politiques.

Revenir sur le droit du travail, plus particulièrement en France où celui-ci est globalement en faveur du travailleur est un signe fort. Désormais, le pacte social semble être rompu, et le travailleur se retrouve en première ligne : finie la collaboration des forces productives, on cherche la soumission la plus complète des salariés, on transforme l’ouvrier en opérateur. La destruction de l’identité des travailleurs les plus précaires, le recul du syndicalisme et la diversité des formes d’emplois permettent de créer ce climat de réflexion réactionnaire sur le droit du travail. Que faut-il pour satisfaire le patronat dans les pays occidentaux ? Que l’ouvrier soit un bénévole ? Qu’il soit soumis entièrement aux exigences de son patron ?          Cette vision du travailleur est d’une tristesse sans égale. Encadrer le travail, c’est le réguler, favoriser de meilleures conditions pour que l’activité professionnelle ne soit pas un fardeau pour celui qui l’accomplit. C’est en faisant du travail une activité appréciée que l’on parviendra à rétablir des conditions propices aux gains, pour l’ensemble des parties concernées. Un travailleur qui s’épanouit sera plus productif qu’un travailleur névrosé et peu concerné par sa tâche. Le patron y gagnera en productivité, indéniablement. La France est par exemple le pays avec le taux de productivité horaire le plus élevé, et pourtant le droit du travail y est bien plus complexe et protecteur que dans de nombreux autres pays.  

Enfin, une chose est inquiétante : l’incapacité de l’Organisation Internationale du Travail à se faire entendre et à sanctionner les pays qui ne se tiennent pas aux conventions délimitées par ceux-ci. Cette impuissance est le synonyme le plus explicite de la situation et de la considération vis-à-vis du travail et du travailleur. C’est un coût, une pièce dans un rouage mécanique que l’on voudrait améliorer pour la rendre moins couteuse et remplaçable. La flexibilisation de l’emploi est le cheval de guerre du patronat et des gouvernements libéraux, et l’absence de syndicats, corrélée au poids restreint de l’OIT (alors que nous sommes dans un monde en constante globalisation où le FMI, l’OMC … prennent de plus en plus d’importance) témoignent du peu de volonté qu’il existe face au maintien de conditions de travail un minimum décentes.
Cela aura pour conséquence de rendre le travail inactractif. Pourquoi aller travailler si l’on ne peut gagner sa vie et s’épanouir ? L’apparition d’un plafond de verre est d’autant plus évidente dans les sociétés ou l’État redistribue des prestations sociales aux plus démunis. Les contraintes du travail et les bas salaires contribuent à l’installation des individus dans le circuit des aides sociales, puisque les conditions de vie sont approximativement similaires, voire moins avantageuses lorsqu’on travaille.    
En bref, la réflexion à propos du travail et des conditions qui le caractérisent devrait faire l’objet d’une considération à long terme, à l’inverse de ce qu’il peut se faire aujourd’hui. Voir le travail comme un coût ou comme une richesse, telle est la première chose à repenser de nos jours.

http://www.monde-diplomatique.fr/2014/12/MAUREL/51025

Benjamin Cauchois

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