Dans un contexte de restrictions
budgétaires, les revendications pour de meilleures conditions de travail sont parfois
difficiles à véhiculer. En ce sens, la FIQ lance un cri du cœur dans un article
de Régys Caron paru dans le Journal de Montréal
le 11 novembre dernier. On saisit le message de la présidente. Les infirmières
québécoises « se disent prêtes à se battre pour améliorer leurs conditions de
travail »[1].
Pour appuyer son argument, Mme Laurent affirme que la FIQ « assiste à un
démantèlement de l’État » (Id.). De toute évidence, « la FIQ demande que
le réseau de la santé permett[e] aux infirmières d’exercer toutes les
compétences notamment de poser certains actes médicaux qui permettraient à son
avis de mieux soigner les patients et de réaliser des économies » (Id.). Qu’est-ce qui ralentit le travail ? C’est la loi 90. Adoptée il y a
près de 10 ans, elle autorise les infirmières à poser certains gestes qui
auparavant étaient réservés aux médecins. Mme Laurent raconte que « les
établissements et les médecins persistent encore à […] refuser qu’on fasse de
meilleures prises en charge, par exemple de prescrire des médicaments de
laboratoire de routine » (Id.). Madame Laurent ajoute que l’application
de cette loi permettrait de « réduire le temps d’atten[te des] patients »
(Id.). Cela permettrait de libérer les médecins pour
accomplir des actes médicaux plus importants et génèreraient des économies pour
l’État. On comprend bien que
l’État-régulateur sert de tremplin pour la précarisation du travail atypique. Mme
Laurent expose qu’il est nécessaire de « rendre publiques les demandes
sectorielles de cette organisation syndicale en vue d[u] renouvellement des
conventions collectives des employés de l’État » (Id.). L’extension d’une convention collective ne devrait pas
s’appliquer seulement à un secteur d’activité, mais à l’ensemble des travailleurs
Québécois.
La FIQ formule diverses propositions afin d’améliorer
le système de santé. Tout d’abord, il faut augmenter la qualité des soins afin
d’être capable de prodiguer des soins sécuritaires. Mais encore, il faut soutenir
et maintenir des conditions humaines dans des environnements de travail sains
et plus humains. Ensuite, la FIQ a fait des « revendications sectorielles [qui
sont] regroupées sous quatre grands thèmes : la diminution de la charge de
travail, la diminution de la précarité d’emploi, la bonification des conditions
de travail, notamment dans une perspective d'attraction-rétention, la
reconnaissance et la valorisation de la formation »[2].
Mme Laurent conclu que c’est « à travers [leurs] revendications, [qu’ils] f[ont]
la preuve de [leur] bonne foi et de [leur] engagement à apporter des solutions,
parce que [leur] lutte, c’est celle de l’accès à des soins de qualité
dans un cadre sécuritaire pour la population québécoise » (Id.). Finalement, il faut que les professionnelles de soins puissent
exercer l’entièreté de leurs champs de compétences.
Le contexte québécois permet
d’identifier les transformations des ou du marchés du travail et de mettre en valeur « l’hypothèse de Durand
(2004) sur la centrifugation de l’emploi vers les marchés périphériques du
travail dans l’après-fordisme »[3].
Cette dynamique tient en haleine « la fragmentation et la segmentation des
marchés du travail, dans la prolifération du travail atypique, la
hiérarchisation des rapports de travail sur la base du sexe et de l’âge ainsi
que la précarisation et l’individualisation croissante des relations de
travail, qui tendent à se remarchandiser » (Id.). Dans
ce sens, on peut lire dans le Journal de Montréal que le ministre de
la Santé Gaétan Barrette dit être en discussion avec les médecins pour qu’ils
permettent l’application de la loi 90. Il dit que les « médecins devront faire
plus d’efforts pour que ça s’applique. Ça permettrait aux infirmières des
poser des diagnostics, faire des prescriptions et de réaliser des économies substantielles
»[4].
D’une part, il y a matière à réflexion en ce qui concerne la
hiérarchisation des rapports de travail sur la base du sexe et, d’autre part, sur l’individualisation
croissante des relations de travail.
Dans ce cas-ci, l’industrie de la santé est représentée comme étant à l’échelle
de la différence entre les hommes et les femmes, le pouvoir et le statut, voire
le rapport de travail entre entre
les médecins et les infirmières. La surreprésentation des femmes « illustre bien la nouvelle configuration
hiérarchique marquant le système d’emploi »[5].
Qui plus est, l’individualisation croissante des relations de travail porte l’idée que les travaux demandant
de gros efforts physiques sont réservés aux hommes. Il semble qu’on met à
l’écart les professionnelles des soins dans la décision de l’application de la
loi 90, et pourtant, ils observent, vivent et subissent, et cela, tous les
jours, l’organisation du travail et des soins.
Le combat se poursuit, le 23 novembre
dernier, la Fédération interprofessionnelle de la santé du Québec (FIQ) a lancé
le coup d’envoi de la campagne publicitaire sur la valorisation du travail des
professionnelles en soins œuvrant dans le réseau de la santé au Québec. La FIQ
a utilisé le thème « Ça suffit. Laissez-nous soigner ». Dans une des
publicités, on entend la présidente de la FIQ, Régine Laurent, dire : «
prodiguer des soins sécuritaires et de qualité c’est notre lutte et votre
droit. Ce que nous voulons c’est pouvoir soigner dans des conditions humaines.
Ce que nous désirons c’est pouvoir exercer l’entièreté de nos compétences.
Améliorer les conditions de travail et d’exercice des professionnelles en
soins. C’est améliorer notre système de santé. C’est ce que nous souhaitons
rappeler aux Québécoises et aux Québécois ». L’auteur-compositeur-interprète
Vincent Vallières s’associe à la campagne publicitaire et souligne que les
« infirmières, infirmières auxiliaires, inhalothérapeutes et perfusionnistes de
la FIQ se donnent corps et âmes pour nous soigner à chaque jour »[6].
Catherine Bradette
[1] CARON, Régys, « Les infirmières vont se battre pour leurs
conditions de travail » Journal de
Montréal,
le 11 novembre 2014, p. 28.
[2] La Fédération interprofessionnelle
de la santé du Québec (FIQ), « Dépôt des demandes sectorielles de la FIQ – « De meilleures
conditions de travail et d’exercice pour les professionnelles en soins pour des
soins sécuritaires pour les patient-e-s », mise à jour le
10 novembre
2014,
˂ http://www.fiqsante.qc.ca/fr/contents/communiques/depot-des-demandes-sectorielles-de-la-fiq-de-meilleures-conditions-de-travail-et-dexercice-pour-les-professionnelles-en-soins-pour-des-soins-securitaires-pour-les-patient-e-s.html ˃, consulté le 12 novembre 2014.
˂ http://www.fiqsante.qc.ca/fr/contents/communiques/depot-des-demandes-sectorielles-de-la-fiq-de-meilleures-conditions-de-travail-et-dexercice-pour-les-professionnelles-en-soins-pour-des-soins-securitaires-pour-les-patient-e-s.html ˃, consulté le 12 novembre 2014.
[3] NOISEUX, Yanick. 2014. « Transformation du travail et
innovations syndicales au Québec », Montréal : Presses de l’Université du
Québec, p. 40.
[6] La Fédération
interprofessionnelle de la santé du Québec (FIQ), « Ça suffit. Laissez-nous
soigner : la FIQ lance une vaste campagne de valorisation des professionnelles
en soins », mise à jour le 23 novembre 2014, ˂ http://www.fiqsante.qc.ca/fr/contents/communiques/ca-suffit-laissez-nous-soigner-la-fiq-lance-une-vaste-campagne-de-valorisation-des-professionnelles-en-soins.html
˃,
consulté le 23 novembre 2014.
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