mardi 9 décembre 2014

Barrette et les médecins de famille

Depuis le début du mandat du gouvernement Couillard, le Québec connaît une ère de changements majeurs. De façon générale, je ne vois pas cela négativement. Le Québec a assurément besoin de changements. En tant que province sociale-démocrate, l’organisation politique de nos différents systèmes est primordiale. Les travailleurs québécois par les impôts qu’ils versent permettent aux citoyens du Québec un accès égal à plusieurs services. Il est donc nécessaire d’avoir une organisation étatique structurée et disciplinée pour ainsi mieux optimiser nos ressources fiscales.

Cependant, il y a deux semaines, le gouvernement Couillard a commis selon moi une grave erreur, dans son annonce sur la loi 20 du ministre de la Santé et des Services sociaux, Gaétan Barrette. Dans l’article que j’ai choisi « Projet de loi 20 : salaires réduits pour médecins peu assidus », le journaliste Samuel Auger nous informe sur le projet de loi 20 que nous propose M. Barrette. Ce projet de loi a comme objectif premier l’amélioration de l’accès aux médecins de famille au Québec. Selon M. Barrette, cette réforme est nécessaire pour assurer un bon fonctionnement du système de santé. Les médecins de famille ne prennent pas assez de patients et cela serait l’une des causes directes des débordements en urgence.

Deux critères seront utilisés pour l’évaluation du bon travail des médecins de famille. Ils devront d’abord prendre en charge un plus grand nombre de patients et devront être plus accessibles. « Par exemple, un médecin de famille accueille un patient une fois par année. Mais ce dernier se rend aussi quatre fois à l’urgence pour voir un autre médecin. Au final, le médecin de famille aura assuré le cinquième du service et aura un piètre bulletin de 20%. » [1] Bref, le médecin de famille doit s’assurer d’être le plus accessible possible pour que son patient puisse le voir directement lorsqu’il a des problèmes de santé.

M. Barrette ne voit pas cela comme une forme de punition, mais plutôt comme l’assurance d’un meilleur accès à la santé pour les patients. Avec l’adoption de cette loi 20, les médecins de famille devront donc modifier leur technique de travail, sans quoi ils seront moins bien rémunérés. Pour faire passer sa réglementation, M. Barrette prône la responsabilité sociale pour inciter les médecins à changer leur méthode de travail.

Bien évidemment, l’opposition dénonce ce projet de loi en avançant que ce programme prône la quantité au détriment de la qualité des services médicaux. De plus, ceci représente un contrôle excessif de la profession.

De façon générale, les médecins passent à travers une formation très exigeante. Tout au long de leur formation, les médecins (7 ans pour les médecins de famille) sont constamment amenés à être évalués selon de multiples critères. Je pense que ces travailleurs méritent d’obtenir une grande confiance de la part de notre société sur la rigueur de leur travail. Les médecins au Québec sont à la base considérés comme des travailleurs autonomes c’est-à-dire qu’ils : contrôlent leur travail, contrôlent leur profit et leur horaire. Ils devraient être évalués différemment non pas par une règle générale réductrice, mais plutôt cas par cas, une loi générale ne pourra pas améliorer le rendement chez les médecins sans tenir compte des situations particulières. La pratique de la médecine familiale revêt en effet diverses formes. Ce projet de loi vient réglementer d’autant plus leur travail et vient les priver de leur liberté d’action. C’est un contrôle radical qui n’est pas nécessaire et ne donnera pas un résultat favorable.

Ensuite, contrôler ainsi ces travailleurs entrainerait une intensification de l’individualisme chez les médecins et particulièrement chez les médecins de famille. La façon dont le ministre Barrette tente d’évaluer les médecins ne favorisera pas une entraide entre les médecins de famille et les médecins spécialistes. La communication entre médecins sera sans doute moins transparente qu’à l’habitude en raison du fait que le médecin de famille sera mis sous pression pour voir le plus grand nombre de patients et être le plus disponible possible pour ces derniers. Dans le but d’obtenir le même salaire qu’auparavant, le médecin risque de prioriser son travail selon une approche individuelle plutôt que collective.

M. Barrette tente de faire fonctionner le milieu de la santé comme une réelle entreprise en régularisant le nombre de temps que le médecin a le droit de passer avec son patient. Cette règle générale fait en sorte que le patient n’est pas pris en charge comme un individu, mais plutôt comme un objet. Ce projet de loi montre vraisemblablement un manque d’humanisme de la part du gouvernement Couillard et n’est pas très rassurant dans une perspective de vieillissement de la population.

Bref, ce projet de loi 20 nous montre, une fois de plus, que le gouvernement Couillard prône la quantité et la productivité au détriment de la qualité. À plusieurs reprises, le leader de ce mouvement législatif, Gaétan Barrette, nous a montré son besoin d’arriver rapidement aux fins, et ce, peu importe les moyens. Il sera bien sûr intéressant de suivre ce débat et d’y observer les différentes positions prises par la population québécoise. J’aurais toutefois espéré du gouvernement Couillard une meilleure planification et une réflexion plus sérieuse de notre système de santé. L’accessibilité demeure un problème de taille et je doute que l’actuel projet de loi puisse y remédier.

Virginie L'Heureux

[1] AUGER, Samuel. «Projet de loi 20 : salaires réduits pour médecins peu assidus», Le Soleil, http://www.lapresse.ca, Samedi le 29 novembre.

Source: AUGER, Samuel. «Projet de loi 20 : salaires réduits pour médecins peu assidus», Le Soleil, http://www.lapresse.ca, Samedi le 29 novembre.

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