mardi 9 décembre 2014

Le présentéisme, pire que l'absentéisme?



Qui dit première neige et temps des fêtes, dit inévitablement saison des rhumes et de la grippe. Bien qu’une importante campagne de vaccination bat son plein au Québec chaque début novembre, il va de soi qu’un nombre phénoménal de personnes tombent malades à l’approche de l’hiver et ce, peu importe le sexe, l’âge ou le salaire. De façon plus générale, disons simplement que personne est complètement à l’abri de la maladie quelle qu’elle soit. Pourtant, malgré leur état de santé affaibli par les microbes, beaucoup de gens s’entêtent à venir au travail et font fi des messages que leur envoient leur corps. Pourquoi? La réponse est bien simple : la majorité, si ce n’est pas l’intégralité de ces travailleurs ne peuvent se permettre de manquer une journée de travail. Dans notre société moderne, où l’emploi occupe une part très importante de l’identité, on peut ainsi se questionner sur la place que prend la santé du travailleur à l’emploi.

Selon l’article du Journal de Montréal, intitulé «Travailler malade, c’est malade», paru vendredi le 5 décembre 2014[1], il y a une multitude de raisons pour lesquelles les travailleurs viennent travailler malades, passant de la surcharge de travail pour le lendemain au souci de l’opinion du patron à leur égard. Cependant, deux raisons frappantes retiennent mon attention. La première est que, au Québec, 40 % des travailleurs n’ont pas accès à des congés de maladie payés. À mon avis, on n’a pas besoins de chercher bien loin pour trouver ces travailleurs, ce sont les travailleurs précaires. Effectivement, les employés à temps partiel, ceux sur appel ou ceux sans poste fixe sont souvent laissés pour compte par les employeurs. Ayant déjà un horaire instable et donc un chèque de paie au montant variable, ils ne peuvent pas gaspiller leurs précieuses heures de travail afin de rester se reposer à la maison. Pour eux, perdre une journée de travail serait impensable, ils se présentent donc au travail malgré leur mauvais état de santé. Une autre raison intéressante est le fait que les travailleurs possédant un certain nombre de jours de maladie doivent les utiliser tout autrement que pour le but premier. Penser simplement aux rendez-vous au médecin ou au dentiste : rares sont les cliniques qui ouvrent à des heures atypiques. Ainsi, les travailleurs doivent piger dans leur banque de journées de maladie afin de ne pas perdre une journée de salaire lorsque cela arrive. Aussi, les enfants sont une cause importante de prise de journée de maladie puisque le parent doit s’absenter du travail pour garder l’enfant lorsqu’il est malade, qu’il y a une tempête de neige, etc.

À mon avis, cette deuxième raison désavantage majoritairement les femmes. En effet, de façon générale, je pense que dans notre société ce sont encore les femmes qui s’occupent principalement des enfants. Ainsi, bien que les femmes occupent plus le marché du travail qu’avant, elles sont lésées par rapport aux hommes comme elles doivent s’absenter du travail lorsqu’il y a un pépin à la maison. De ce fait, lorsqu’elles-mêmes tombent malades, prendre une journée payée dans cette banque de journées de sécurité n’est pas une option envisageable. Encore faut-il qu’il leur reste quelque chose dans cette réserve…  De plus, bien qu'il y ait eu une nette amélioration, les femmes sont toujours discriminés sur le marché du travail, du moins dans certains domaines. Très conscientes de leur situation, ces femmes malades taisent leur malaise pour ne pas coller aux stéréotypes et pour se présenter comme un individu fort qui mérite sa place. 

Ces travailleurs affaiblis par la maladie entraînent un nouveau phénomène : le présentéisme. Ce dernier, en opposition à l’absentéisme, porte bien son nom : ce sont des travailleurs qui sont présents physiquement, mais pas mentalement. Ce nouveau courant amène une perte importante de productivité pour l’économie québécoise. En effet, lorsqu'un travailleur est malade, non seulement retarde-t-il sa propre guérison, mais il contamine également ses collègues qui, à leur tour, deviennent moins productifs.  En somme, entraînant un cercle vicieux, le présentéisme ne présente que des aspects négatifs pour l'économie et pour les travailleurs. Pourtant, pour la plus part des travailleurs, manquer une journée de travail n’est pas possible, quelle qu'en soit la raison motivant cette obligation. On constate ainsi que la santé et le repos sont souvent laissés de côté afin de plus travailler. Pour conclure, on peut ainsi se questionner sur la place que prend aujourd'hui le travail dans la vie des individus si même la santé est négligée au profit de l'emploi et de l'argent.    


Geneviève Fossey

[1] GRENIER, Éric. «Travailler malade, c'est malade», Le Journal de Montréal, vol LI n°174, vendredi le 5 décembre 2014, cahier Argent, p.34

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