Qui dit première neige et temps des
fêtes, dit inévitablement saison des rhumes et de la grippe. Bien qu’une
importante campagne de vaccination bat son plein au Québec chaque début novembre,
il va de soi qu’un nombre phénoménal de personnes tombent malades à l’approche
de l’hiver et ce, peu importe le sexe, l’âge ou le salaire. De façon plus
générale, disons simplement que personne est complètement à l’abri de la
maladie quelle qu’elle soit. Pourtant, malgré leur état de santé affaibli par
les microbes, beaucoup de gens s’entêtent à venir au travail et font fi des
messages que leur envoient leur corps. Pourquoi? La réponse est bien
simple : la majorité, si ce n’est pas l’intégralité de ces travailleurs ne
peuvent se permettre de manquer une journée de travail. Dans notre société
moderne, où l’emploi occupe une part très importante de l’identité, on peut ainsi
se questionner sur la place que prend la santé du travailleur à l’emploi.
Selon l’article du Journal de Montréal, intitulé
«Travailler malade, c’est malade», paru vendredi le 5 décembre 2014[1],
il y a une multitude de raisons pour lesquelles les travailleurs viennent
travailler malades, passant de la surcharge de travail pour le lendemain au
souci de l’opinion du patron à leur égard. Cependant, deux raisons frappantes
retiennent mon attention. La première est que, au Québec, 40 % des travailleurs
n’ont pas accès à des congés de maladie payés. À mon avis, on n’a pas besoins
de chercher bien loin pour trouver ces travailleurs, ce sont les travailleurs précaires.
Effectivement, les employés à temps partiel, ceux sur appel ou ceux sans poste
fixe sont souvent laissés pour compte par les employeurs. Ayant déjà un horaire
instable et donc un chèque de paie au montant variable, ils ne peuvent pas
gaspiller leurs précieuses heures de travail afin de rester se reposer à la
maison. Pour eux, perdre une journée de travail serait impensable, ils se
présentent donc au travail malgré leur mauvais état de santé. Une autre raison
intéressante est le fait que les travailleurs possédant un certain nombre de
jours de maladie doivent les utiliser tout autrement que pour le but premier.
Penser simplement aux rendez-vous au médecin ou au dentiste : rares sont
les cliniques qui ouvrent à des heures atypiques. Ainsi, les travailleurs
doivent piger dans leur banque de journées de maladie afin de ne pas perdre une
journée de salaire lorsque cela arrive. Aussi, les enfants sont une cause
importante de prise de journée de maladie puisque le parent doit s’absenter du
travail pour garder l’enfant lorsqu’il est malade, qu’il y a une tempête de
neige, etc.
À mon avis, cette deuxième raison
désavantage majoritairement les femmes. En effet, de façon générale, je pense
que dans notre société ce sont encore les femmes qui s’occupent principalement
des enfants. Ainsi, bien que les femmes occupent plus le marché du travail
qu’avant, elles sont lésées par rapport aux hommes comme elles doivent
s’absenter du travail lorsqu’il y a un pépin à la maison. De ce fait,
lorsqu’elles-mêmes tombent malades, prendre une journée payée dans cette banque
de journées de sécurité n’est pas une option envisageable. Encore faut-il qu’il
leur reste quelque chose dans cette réserve… De plus, bien qu'il y ait eu une nette
amélioration, les femmes sont toujours discriminés sur le marché du travail, du
moins dans certains domaines. Très conscientes de leur situation, ces femmes
malades taisent leur malaise pour ne pas coller aux stéréotypes et pour se
présenter comme un individu fort qui mérite sa place.
Ces travailleurs affaiblis par la
maladie entraînent un nouveau phénomène : le présentéisme. Ce dernier, en
opposition à l’absentéisme, porte bien son nom : ce sont des travailleurs
qui sont présents physiquement, mais pas mentalement. Ce nouveau courant amène
une perte importante de productivité pour l’économie québécoise. En effet,
lorsqu'un travailleur est malade, non seulement retarde-t-il sa propre
guérison, mais il contamine également ses collègues qui, à leur tour,
deviennent moins productifs. En somme, entraînant
un cercle vicieux, le présentéisme ne présente que des aspects négatifs pour
l'économie et pour les travailleurs. Pourtant, pour la plus part des
travailleurs, manquer une journée de travail n’est pas possible, quelle qu'en
soit la raison motivant cette obligation. On constate ainsi que la santé et le
repos sont souvent laissés de côté afin de plus travailler. Pour conclure, on
peut ainsi se questionner sur la place que prend aujourd'hui le travail dans la
vie des individus si même la santé est négligée au profit de l'emploi et de
l'argent.
Geneviève Fossey
[1] GRENIER, Éric. «Travailler
malade, c'est malade», Le Journal de Montréal, vol LI n°174, vendredi le 5
décembre 2014, cahier Argent, p.34
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