lundi 1 décembre 2014

Baisse des salaires et élasticité : rappel d'une notion économique objet de débat

Le dernier jour de novembre, Altereco revenait sur les différentes façons d'ajuster l'emploi, notamment en Europe et aux Etats Unis (1). Le coût du travail, régi principalement par le salaire minimum est un des outils sur lequel peuvent s'appuyer les institutions pour réguler l'emploi. En France, le salaire minimum appelé Smic est relativement élevé quand on le compare à celui des autres pays puisqu'il est de 1128 euros nets. Le salaire minimum est une mesure mise en place en France en 1970 à la suite du Smig, qui a donc pour but de garantir aux salariés un salaire minimum, indexé au coût de la vie, en deçà duquel ils ne peuvent être payés. Ce montant est évidemment une contrainte pour les entreprises puisqu'il s'inscrit dans leurs charges salariales. Or récemment, une politique de réduction des cotisations sociales, ou baisse des charges pour les entreprises, a été mise en place afin de réduire les effets du Smic sur le coût du travail pour les entreprises.
L'intérêt principal d'une telle politique est bien sûr d'interroger l'impact de la baisse des charges des entreprises sur la création d'emplois supplémentaires. C'est ce que nous appelons dans le jargon économique "l'élasticité". Cette notion mesure en réalité la variation d'une grandeur provoquée par la variation d'une autre grandeur qui s'applique donc ici à l'impact de la variation du coût du travail sur l'emploi. En 2008, c'est ce qu'avait voulu expérimenter M. Sarkozy, alors président français, en réduisant les cotisations sociales pour les personnes embauchées dans des entreprises de moins de 10 salariés. Il s'est avéré que l'emploi avait moins reculé dans ces entreprises que dans celles de plus grande taille. Dans ce cas là on peut donc conclure que la baisse du coût du travail a été efficace. Pierre Cahuc, professeur à Polytechnique et chercheur, avait alors mesuré que pour une baisse de 1% du coût du travail, l'emploi avait augmenté de 2%.
En étendant ce principe à l'économie entière, une baisse des charges sociales pourrait donc créer plusieurs milliers d'emplois. Or c'est une politique qui coûte cher aux gouvernements puisqu'elle peut diminuer leurs recettes de plusieurs points de PIB. De plus, l'article se base sur l'exemple d'entreprises de moins de 10 salariés ce qui ne permet pas de prévoir un modèle à plus grande échelle. Malgré tout, si le temps de travail demandera bientôt une attention particulière du fait de l'évolution technologique et de la robotisation (voir article sur la troisième révolution industrielle et la destruction créatrice), le coût du travail quant à lui est déjà d'actualité. Notamment depuis que la crise de 2008 a installé un fort de chômage dans les pays de l'Europe et de l'Amérique, chacun cherche un moyen de relancer l'emploi. Car à long terme, selon les modèles économiques de référence, la crise pèse forcément sur le coût du travail qui tend à baisser mais à engendrer par la suite une reprise de l'emploi. Aux Etats Unis, cela est problématique d'autant plus que le gouvernement ne prévoit pas de mesures de protections sociales pour pallier à une baisse des salaires. Ainsi, même si la baisse des salaires pourrait entrainer une diminution du chômage, il faudra toutefois prévoir un filet de sécurité pour les emplois qui seront touchés par cette baisse.
L'enjeu d'aujourd'hui est de mieux partager l'emploi entre tous les offreurs de travail. Cela peut passer par la réduction du temps de travail ou bien pas une baisse des salaires ou encore d'autres mesures connues des pouvoirs publics. Dans tous les cas, si les pays parvenaient à surmonter la crise ainsi que la révolution technologique en court, et réussissaient à faire repartir l'emploi, il faudra de nouveau se poser la question de la protection des travailleurs. Car baisser les salaires ou le temps de travail, c'est aussi garantir un niveau de vie convenable par la suite pour la population touchée. Il est certain que la crise n'a pas épargné les protections dont bénéficient les salariés et, après le temps de l'économique, vient le temps du social.

Laurène Conte 


(1) http://www.alterecoplus.fr/face-a-la-crise-comment-lemploi-sest-il-ajuste-en-europe-et-aux-etats-unis

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