dimanche 28 septembre 2014

Arrêtez les machines

« Préserver le repos dominical permet de changer de cadence, de privilégier la vie sociale déjà dévorée par le travail »

L'article « Arrêtez les machines » paru dans Libération en octobre 2013 aborde le sujet du travail dominical. Il est important de savoir qu'un salarié ne peut travailler plus de six jours par semaine ; un jour de repos doit lui être accordé chaque semaine et, en principe, ce jour est le dimanche, c'est le repos dominical.

L'article remet en cause la généralisation du travail dominical en se demandant à quoi riment des vies cadencées par le « métro-boulot-dodo ». Alors que la durée hebdomadaire du temps du travail ne cesse de baisser depuis plusieurs décennies en France, passant de 48h en 1919 à 39h en 1982 puis à 35h en 1998, le travail s'introduit de plus en plus dans nos vies : le soir tard en rentrant du travail, le samedi soir puis le dimanche... Ce phénomène est d'autant plus accentué par les nouvelles technologies qui brouillent les frontières entre la sphère professionnelle et la sphère privée.
En effet, avec le développement des smartphones et des ordinateurs portables il devient facile de lire ses mails au petit déjeuner ou en vacances et de finir un dossier le soir par exemple. Cette tendance est plus prégnante chez les cadres même si cela se diffuse, de plus en plus, dans d'autres catégories socio-professionnelles. Plusieurs études ont été faites au prés de cadres pour savoir l'impact que ces nouvelles technologies ont sur leur vie privée. Il en résulte que plusieurs estiment, ainsi, être capables de construire leurs propres règles et revendiquent donc cette porosité des temps. Cependant, nombreux affirment aussi avoir des difficultés à concilier leurs différentes sphères de vie sans que l'une empiète sur l'autre.

Par ailleurs, selon l'INSEE, 60% des personnes interrogées se plaignent de ne pas avoir assez de temps et un tiers des individus ayant un emploi aimeraient passer moins d'heures à travailler, seul un dixième pense le contraire et il n'y a pas plus de cadres que d'ouvriers qui souhaiteraient travailler plus même pour gagner plus.
La généralisation du travail le dimanche pourrait entrainer « une société du 24h sur 24, sept jours sur sept » d’après Sophie Prunier-Poulmaire, maître de conférence en ergonomie à l'Université Paris-Ouest Nanterre La Défense. A partir de là, l'équilibre de la société peut se trouver totalement perturbé. Des questions essentielles comme la garde des enfants peuvent poser problème. Quatre femmes sur dix ayant de jeunes enfants sont déjà concernées par ces rythmes atypiques et dépendent donc de leurs familles, amis ou voisins pour garder leurs enfants.

Certains intellectuels, économistes, philosophes et sociologues réfléchissent à l'importance de préserver le dimanche de toute activité professionnelle. Selon eux, « récupérer du temps permet de dégager des ressources à investir dans des activités écologiquement restauratrices tout en offrant d'irriguer les relations humaines qui se sont asséchées durant les années du boom économique ».
Des activités dites « improductives » sont nécessaires pour préserver le lien social en prenant soin de soi et de son entourage, en prenant du temps pour discuter, ou en s'investissant dans des associations, en faisant de la politique... Juliet Schor, professeur de sociologie au collège de Boston, estime qu'il est important de ne pas généraliser le travail du dimanche car c'est « avoir le choix de se diversifier hors du marché buisness as usual ».

Je me suis donc demandée, après avoir lu cet article, si tout d'abord, la généralisation du travail dominical pouvait permettre une meilleure productivité. Si le travail du dimanche est imposé et non volontaire, est ce que les travailleurs seront tout aussi efficaces ?
D'autant plus que, la nouvelle génération de travailleurs, la génération Y ne seraient pas enclin, comme la génération précédente, à sacrifier leur vie de famille et leur vie sociale pour leur emploi. Le travail doit avant tout plaire et concilier la vie professionnelle et privée (cf l'article « Generation Y : why young job seekers want more than money » de Laurène Conte). 

Par ailleurs, une étude a été faite au prés de propriétaires de boutiques. Il en résulte que 60% d'entre eux estiment que l'ouverture du dimanche leur couterait globalement plus d'argent qu'elle ne leur en rapporterait. 

En effet, il faut prendre en compte les charges fixes, les salaires majorés ainsi que les couts de communication autour de l'ouverture... Il semblerait donc que même économiquement parlant, le travail dominical ne permettrait pas nécessairement le développement des entreprises.


TARTAS Laura. 
source : http://www.liberation.fr/economie/2013/09/30/arretez-les-machines_935935

mercredi 24 septembre 2014

They don’t live to work, they work to live : la génération Y




L’article « Generation Y : why young job seekers want more than money » paru dans The Guardian en février 2014 aborde le sujet de la nouvelle génération de travailleurs, appelée génération Y (dit « why »). La génération Y est cet ensemble de jeunes nés entre 1980 et 2002, récemment diplômés et à la recherche d’un emploi. Elle se distingue de la génération des baby-boomers d’après guerre et de la génération X dont les membres étaient nés entre 1965 et 1982. Les années qui séparent ces classes d’âge ont apporté leur lot de transformations, notamment en ce qui concerne le marché du travail. La génération Y n’aura pas profité des Trente Glorieuses et de la prospérité économique, mais bien au contraire, elle s’apprête à connaître la récession et la brutalité du marché de l’emploi. Face à ce contexte pourtant, les Millenials (terme anglais pour désigner la génération Y) semblent avoir développé une grande adaptabilité en modifiant leurs attentes et leurs objectifs. Nous allons voir qu’il s’agit en fait d’une double réciprocité puisque le marché du travail a forcé les jeunes générations à faire preuve de flexibilité et qu’à long terme ce sont ces mêmes générations qui transformeront le marché de l’emploi à leur image. En traitant des nouvelles générations, l’article nous donnera également l’occasion de revenir sur les principales transformations du monde du travail.

Une expression revient parfois dans les témoignages : «  I don’t want my parents’ life » (je ne veux pas la vie de mes parents). Et pour cause, la génération précédente a travaillé toute sa vie, au rythme des 35 heures par semaine. Ayant pour objectif de percevoir un salaire suffisant pour maintenir un statut ainsi qu’une sécurité financière, ces travailleurs sacrifiaient parfois leur vie de famille et leur vie sociale. Il n’en n’est rien pour la génération Y dont la priorité n’est pas le salaire mais plutôt l’épanouissement et la flexibilité que permet l’emploi occupé. Pour les Millenials il s’agit, bien sur de pouvoir payer un loyer et des factures, mais surtout de pouvoir s’épanouir au quotidien en conciliant la vie professionnelle et la vie privée. Avant tout, le travail doit plaire et il doit proposer une bonne ambiance quotidienne. C’est d’ailleurs ce qu’a compris le siège de l’entreprise Google, pour donner un exemple plutôt extrême, qui a été élu meilleur employeur du monde pour la quatrième fois. En créant un mélange de parc de loisirs et de management, en proposant des activités inattendues au sein d’une entreprise (piscine, plage, massage, yoga, boxe, etc..), Google attire une population âgée en moyenne de 35 ans et les salariés disent s’y « sentir bien ».
L’emploi aujourd'hui doit aussi permettre des heures flexibles. Il s’agit pour les jeunes générations d’avoir du temps libre afin de créer le meilleur équilibre entre la vie professionnelle et les activités extérieure, sociale et familiale. Il n’est plus question de sacrifier sa vie à son travail, à moins bien sur de s’y sentir comme dans un parc d’attractions.
A première vue on pourrait voir dans les attentes de cette génération un comportement paresseux, relevant d’une culture « jeune » qui ne « connaît rien au monde du travail ». C’est là qu’il devient nécessaire d’étudier le contexte qui entoure cette génération Y afin de mieux comprendre ses perspectives.

Le marché du travail s’est fragmenté au cours des dernières années et les différents types de contrats proposés par les entreprises se sont multipliés. Les jeunes générations sont prêtes à renoncer aux contrats à temps plein tout simplement parce que ces derniers se font rares. Les contrats à temps partiel et à durée déterminée deviennent une nouvelle norme sur le marché du travail. Cela ne signifie pas que les individus travaillent moins, au contraire ils peuvent parfois faire plus d’heures, mais cela implique surtout une meilleure organisation de sa vie professionnelle en fonction de ce qui est proposé. Le marché du travail impose aujourd'hui de « prendre ce qu’il y a à prendre ». A défaut d’avoir un emploi stable, les nouvelles générations alternent les emplois précaires après être souvent passées par de nombreux stages ou périodes d’essais. C’est d’ailleurs ce que souligne Jacques Hamel dans son texte Sur les notions de travail et de citoyenneté à l’heure de la précarité : « l’emploi à temps plein ne séduit plus. Les individus ont besoin d’autonomie et d’une plus grande liberté dans l’organisation de leur temps ». Et cela se ressent ici, dans ce type de situation, où le travail n’est plus l’objet principal de la vie sociale et de la réussite personnelle.  Pour la génération Y, il devient clair que l’intégration et l’identité personnelle ne se construisent plus principalement dans le monde du travail. Si la nouvelle génération accorde moins d’importance à son salaire que la précédente, c’est pour se concentrer sur sa qualité de vie et son développement individuel. Le travail n’occupe plus la place centrale qu’il avait avant, l’intégration se fait désormais à travers des activités et des espaces extérieurs au lieu de travail.

En réalité, cette génération Y fait l’expérience du nouveau rapport à l’emploi, propre aux sociétés modernes. Les jeunes qui sortent de l’enseignement supérieur sont davantage diplômés que leurs prédécesseurs mais font aussi partie d’une génération ultra-connectée qui a grandi avec les moyens de communication et d’informations. Malgré cela, ils ne s’attendent pas à signer un contrat de travail pour la vie. En revanche, ils tiennent à leur qualité de vie et c’est pourquoi leurs revendications se feront surtout au niveau des avantages en nature, de leur emploi du temps, bref de leur bien être au sein de l’entreprise et à l’extérieur.

La génération Y s’inscrit dans les préoccupations récentes d’une croissance qualitative et soucieuse de l’environnement. Aujourd'hui, elle est la première à éprouver ces profondes transformations mais demain elle transmettra certainement à la génération Z cette façon de penser le travail comme une nouvelle « way of life ». La génération Y ne se prétend pas être une réponse aux problèmes économiques et sociaux, même s’il est vrai qu’elle s’inscrit davantage dans une croissance durable. Mais se « sentir bien » dans une entreprise, cela peut vite devenir un premier pas vers le profit. 


Laurène Conte

Source :
http://www.theguardian.com/social-enterprise-network/2014/feb/19/generation-y-millennials-job-seekers-money-financial-security-fulfilment

mardi 23 septembre 2014

Rémunération des formations : La solution IBM

Dans un récent article du journal de montréal, nous apprenons que Global Technology Services, une filiale du groupe IBM, a décidé d’imposer une « mise à niveau des compétences à des employés spécialisés dans les stratégies de sous-traitance », ce qui impliquerait une réduction de salaires temporaire pour ces derniers. En gros, l’entreprise prévoit une baisse de 10% du salaire pour les employés sélectionnés, qui n’auraient « pas suivi le rythme de l’acquisition des compétences et l’expertise nécessaires pour répondre aux besoins changeants des clients, de la technologie et des exigences de marché[1] ». Pour plusieurs travailleurs et organisateurs syndicaux, il s’agit d’une pratique visant à faire quitter leur emploi par les travailleurs interpellés, qui ne pourraient supporter ces baisses de salaire.

Il faut dire qu’IBM et ses filiales sont connues pour leurs pratiques aggressives en terme de gestion des emplois. Par exemple, alors qu’ils signaient un pacte avec l’État de New York qui prévoyait garantir 3100 emplois de haute technologie dans la région, ils coupaient d’un autre côté plus de 3900 emplois en affirmant « rebalancer » sa main-d’œuvre[2]. Or, l’entreprise remplace la majorité de ces emplois à l’étranger, notamment en Inde, ce qui lui permet de réduire ses coûts de main-d’œuvre, d’autant plus qu’il s’agit d’emplois dématérialisés. Les travailleurs indiens eux-mêmes se sentent mal à l'aise face à ce genre de pratique, selon un représentant de la « National Organisation for Software and Technology Professionals » (NOSTOP)[3].

Cette baisse des salaires nous semble malheureusement bien représentative des pratiques entrepreneuriales actuelles. L’individualisation du rapport salarial[4] prends ainsi de nouvelles formes, puisqu’en plus de devoir gérer lui-même sa négociation face à l’entreprise, le travailleur doit lui-même entretenir son « employabilité » en suivant de son propre chef des formations diverses lui permettant de rester compétitif par rapport aux autres travailleurs. Cela est maintenant inclus dans l’argumentaire officiel de l’entreprise, qui ne s’en cache même plus. Les travailleurs doivent rester disciplinés, pour reprendre le concept de Dardot et Laval, en se formant par eux-mêmes pour entrer en compétition avec la formation des autres travailleurs. Pire encore, cela procède d’une stratégie d’externalisation des coûts par les entreprises qui se déchargent de toute responsabilité de formation, même si elles en sont les premières bénéficiaires. Il s’agit là d’un réel renversement dans l’idée même de l’utilité de conserver une main-d’œuvre bien formée : On prend la progression des compétences comme un donné auquel les travailleurs doivent s’adapter, et non comme une variable qui permet à l’entreprise de rester compétitive.

Il nous semble aussi important de noter que cette compétition est maintenant proprement internationale. Alors que le Sud a longtemps vu le développement d’emplois industriels, créant une division internationale Nord/Sud axée sur une différence dans le type de main-d’œuvre, les changements récents de l’industrie informationelle ont vu une augmentation des emplois de haute technologie en Inde, notamment. La compétition entre les travailleurs se fait maintenant à l’International, et donc en dehors des cadres législatifs et syndicaux traditionnels. Nul besoin, donc, de détruire méthodiquement les collectifs puisqu’ils n’existent tout simplement pas dans ce contexte international.

Est-ce donc la fin de l’emploi occidental, comme veulent nous le dire tant d’auteurs? En fait, cela fait ressortir une idée reçue selon laquelle les emplois délocalisés à l’étranger sont pris des travailleurs qui n’ont rien à perdre, qui vivent dans la plus grande pauvreté et qui feraient tout pour avoir un emploi. Or, selon Rajiv Dabhadkar, fondateur de la NOSTOP, les travailleurs indiens sont particulièrement conscients que les emplois qu’ils voient apparaître dans ces grandes compagnie sont largement sous-payées par rapport à leurs homologues américains ou européens. C’est pourquoi l’organisation appuie le boycott des groupes de tech workers américains, qui refusent de travailler pour des entreprises avec des ce genre de pratiques[5]. Nous voyons bien là ce que Castells présente dans son chapitre sur la transformation du travail et de l'emploi, quand il affirme que les réseaux de plus en plus interconnectés de l'économie contemporaine tendent à gommer "de plus en plus les écarts de qualification et de technologie."[6]



Ainsi, il semblerait que, si l’économie informationelle permet une mise en compétition des travailleurs au niveau international, le développement de ces réseaux permettrait du même coup de lier les revendications des travailleurs au niveau international, ce que les États n’ont que rarement réussi. Sans nécessairement être trop optimiste face à l’état des choses, il nous semble néanmoins important de prendre acte de ces possibilités d’organisation internationale des travailleurs, permettant d’axer nos luttes dans une perspective plus globale.




[1] Agence QMI, « IBM réduira de 10% le salaire d’employés en formation », Journal de Montréal, 18 septembre 2014
[2] Thibodeau, Patrick. « IBM workforce cuts raise questions about pact with New York », Computer World, 27 février 2014, [En Ligne] http://www.computerworld.com/article/2488058/it-careers/ibm-workforce-cuts-raise-questions-about-pact-with-new-york.html
[3] Gross, Grant. « Tech worker groups boycott IBM, Infosys, Manpower », Computer World, 2 juin 2014, [En Ligne] http://www.computerworld.com/article/2490114/it-careers/tech-worker-groups-boycott-ibm--infosys--manpower.html
[4] Bourdieu, Pierre. « L’essence du néolibéralisme », Le Monde diplomatique, mars 1998, Paris
[5] Gross, Grant. Ibid.
[6] Castells, Manuel. « La transformation du travail et de l’emploi. Travail en réseau, chômage et travail flexible », dans La société en réseaux. L’ère de l’information, 1998, Fayard, Paris, p.278

lundi 22 septembre 2014

La ville de Montréal et ses employéEs: Quel rapport de force?


Photo :  ICI Radio-Canada



  
Le 11 septembre dernier, sur le site internet de Radio-Canada est paru cet article traitant de la convocation des pompiers devant la Commission des relations du travail (Les pompiers de Montréal convoqués devant la commission des relations du travail). Le sujet de l’article était la hausse du temps de réponse des pompiers lors de leurs interventions en tant que premier répondant. Mentionnant ses inquiétudes face à cette conduite possiblement dangereuse de la part de ses employéEs, la ville de Montréal a décidé de faire appel à la Commission des relations du travail (CRT). Il faut noter que ce changement de comportement de la part des premiers répondants est un moyen de pression afin d’influencer le conflit sur les régimes de retraite.

Le projet de loi 3 vise une modification temporaire des régimes de retraite (Assemblée Nationale, projet de loi 3, 2014) selon les dires de Pierre Moreau, afin d'éponger le déficit fiscal qui s'élèverait à 3,9 milliards et inclurait 170 régimes de retraite touchant 122 000 personnes dont près de la moitié sont retraitéEs. Le gouvernement du parti libéral soutient également que cette mesure est prise par souci d'équité intergénérationnelle puisque la moitié de la dette a été contractée au moment où les retraitéEs actuelLEs étaient en poste (Radio-Canada, 12 juin 2014).

Bien que les questions d'équité intergénérationnelle et du déficit fiscal sont pertinentes et inévitables, nous souhaitons plutôt ici aborder cet article sous l'angle des luttes syndicales. En dépit du fait que nous soyons en accord ou non avec les revendications des employéEs de la ville, il est pertinent de se demander quelle place reste-t-il pour les luttes syndicales à l'ère néolibérale? S'il fut une époque où les employéEs se battaient et faisaient front commun pour revendiquer leurs droits et améliorer leurs conditions de travail; c'est plutôt la logique inverse qui opère aujourd'hui, il faut se battre pour ne pas perdre nos acquis. Nous aborderons donc ci-dessous trois éléments qui nous semblent fondamentaux dans les luttes actuelles: les moyens de pression et le droit de faire la grève, la délégitimation des revendications et la division puis la criminalisation et la judiciarisation.

En premier lieu, il est évident que les gouvernements en place lors de grève tentent de discréditer les moyens de pression utilisés par les employéEs vu la lutte d'intérêt et de pouvoir qui opère; une lutte à la conquête de l'opinion publique. Manque de professionnalisme (uniformes), endommagement des biens publics (autocollants),  démagogie (slogan) et, non  le moindre, comportement mettant en danger la sécurité des citoyens (délais d'attente lors d'intervention). La question qu'il faut se poser ici est la suivante: Quels moyens de pression les employéEs travaillant aux "services essentiels" possèdent-ils-elles pour faire pression sur leur employeur? Que ce soit les médecins, les employéEs de la poste, les infirmiers-ères, les préposéEs aux bénéficiaires, etc; peuvent-ils-elles conjuguer moyens de pression (réels et efficaces) tout en affectant d'aucune manière leurs fonctions? Il ne faut pas se leurrer, les uniformes et les autocollants ne feront pas reculer le gouvernement avec le projet de loi. Toutefois, des mesures plus intenses comme la réduction des services peuvent effectuer une pression suffisamment importante pour renverser le rapport de force. Par contre, des arguments démagogiques sont dès lors mobilisés assez rapidement puisque les gouvernements veulent s'assurer la faveur populaire en discréditant les moyens de pression utilisés ainsi qu'en démontrant "l'ampleur" des conséquences potentielles pouvant découler de leurs agissements. Ainsi, le champ potentiel d’actions des organisations syndicales diminue tout comme leur capacité de se lancer dans un rapport de force. Certains diront : oui, mais il y a le droit de grève dont disposent les employéEs syndiquéEs. À cette affirmation, nous rétorquerons : depuis quand est-ce légal de faire la grève? En effet, lorsque les gouvernements ont instauré le droit de grève, ils se sont dotés d’un immense pouvoir, celui de règlementer et d'encadrer le principal moyen de pression à la disposition des travailleurs-euses. Ainsi, la logique a été renversée et les grèves extérieures au barème ne sont maintenant plus une option considérée par les employéEs en plus d’être discréditéEs par les patrons ainsi que la population. Autrement dit, comme les employéEs ont un droit de faire la grève à un moment donné, cela signifie également qu’il y a un non-droit de faire la grève à tout autre moment. Auparavant, le droit de grève n’existait tout simplement pas, mais ce moyen de pression était tout de même utilisé, car il représentait probablement le moyen de pression le plus efficace.

En second lieu, le patronat ainsi que les gouvernements discréditent dans une large mesure les revendications des travailleurs-euses. L'argument souvent mobilisé selon lequel les employéEs de l'État sont trop gâtéEs et qu'ils-elles doivent faire face à une diminution de leurs conditions est perverti puisqu'il vient plutôt mettre de l'ombre sur l'énorme lot d'emplois composant avec de mauvaises conditions. De cette manière, on s'assure de culpabiliser une strate de la société en démontrant que de bonnes conditions ne sont pas viables et on s'assure ainsi que les gens qui ont de mauvaises conditions ne se mobiliseront point. L’objectif poursuivi, garder les profits et le rendement le plus élevé possible. Qui plus est, cette stratégie vient aussi diviser la population et les travailleurs-euses. D'un côté, les privilégiéEs et trop gatéEs, de l'autre, les travailleurs-euses acharnéEs qui gagnent le juste prix pour l’effort fourni. La division est d'ailleurs chose commune. En parlant d'équité intergénérationnelle, non seulement on vient responsabiliser les travailleurs-euses en leur faisant porter le poids de la dette, même si celle-ci est avant tout sociale. Puis, on s'assure le support d'une part importante de la population qui intègre ce discours comme étant la vérité absolue. D'abord, il est toujours pertinent de se demander si la responsabilité ne s’étale pas au-delà des gens visés. Ensuite, il y a toujours des choix et des alternatives qui s'offrent à la société et qui ne feraient pas reposer le poids sur une frange de la population (nous n'aborderons pas toutes les avenues possibles ici puisque ce n'est pas notre propos). Ainsi, les revendications syndicales apparaissent toujours extrêmes et non justifiées. Cependant, il faut se rappeler que les conditions que nous avons actuellement ont été gagnées coûte que coûte après de longues luttes et de nombreux sacrifices. De plus, comme nous le constatons depuis plusieurs années, elles ne sont pas garanties, il faut donc les défendre.

Finalement, la criminalisation et l'utilisation du système judiciaire. Une des caractéristiques des luttes syndicales est celle du sombre portrait qui est dressé de la personne qui occupe la position de chef. Cette personne est –ces personnes sont- toujours dépeinte comme étant radicale, prête à prendre tous les moyens nécessaires, prêts à se fermer les yeux, à légitimer tous les gestes et actions posés par ses membres. Les meneur-seuses syndicaux sont souvent décrits comme de potentielles menaces de l’ordre et de la sécurité publique. Bref, en entendant parler de ces meneurs syndicaux, on pourrait spontanément les prendre pour extrémistes. La criminalisation opère donc à travers le portrait que l'on peut tisser des gens, mais aussi de leurs actes. Toute action devient donc scrutée à la loupe, analysée et souvent, discréditée. La plupart du temps, elles sont qualifiées de violentes ou elles sont discréditées parce qu'elles ont engendré une perte d'argent quelconque (ex : avoir endommagé un bien public). Les syndicalistes sont donc immédiatement poursuiviEs au niveau judiciaire pour leurs actions et criminaliséEs. En effet, ils-elles ont enfreints la loi. Un des problèmes se posant ici c’est que la collectivité aura tendance à appuyer spontanément et aveuglément le système judiciaire parce que la justice c'est la justice et la loi, c'est la loi. Cela pose problème parce que la légitimité intrinsèque dont la justice et la loi font preuve prive une partie de la population de leur capacité de jugement et de discernement. L’illégalité d’un acte empêche de remettre en question la situation et de penser les actions et leurs objectifs. Cela nous amène inéluctablement à glisser un mot sur les lois spéciales. Celles-ci, bien qu'elles détruisent tout potentiel rapport de force dans une lutte syndicale sont toujours obéies puisqu'elles ont une force morale. De plus, en les utilisant, les gouvernements apparaissent souvent comme les sauveurs de l’ordre public lorsqu’ils légifèrent puisqu'ils apparaissent comme venant rétablir la norme. La judiciarisation a un défaut immanent, elle impose la décision d'un parti, à l'autre, et de ce fait évite toute potentielle négociation.

Pour conclure, le but de notre intervention était de sensibiliser les gens au défi de la lutte syndicale ainsi qu'à toutes ses implications. Nous voulions démontrer que l'analyse mérite toujours d'être approfondie en dépit de ce que nous entendons et de ce que nous serions spontanément prêts à croire. Nous avons volontairement contourné la représentation des syndicats au sein de la population ainsi que l'évolution que cette relation a connue, qui à notre sens, semble se détériorer au fil des ans et des luttes. Dans tous les cas, il faut se rappeler que dans un passé non si lointain, à une époque où la scientifisation du travail via le taylorisme, notamment, battait son plein, les conditions n'étaient guère les mêmes. Le travail de 16 heures par jour était coutume, les semaines étaient de plus de 5 jours et les salaires étaient non pas des salaires minimums, mais un minimum de salaire. Le salariat a fait des gains importants; les droits du travail, les retraites, la protection sociale, etc, au début du vingtième siècle au fil des luttes. Alors, plutôt que de s'acharner sur certains en mentionnant qu'ils ont de trop bonnes conditions ainsi qu’en appuyant les interventions gouvernementales contre les moyens de pression utilisés, mobilisons-nous pour ceux et celles qui n'ont pas des conditions respectables et appuyons leurs démarches. 

    



    





mercredi 17 septembre 2014

Le stage, est-ce qu'on doit le payer?


Dans un article paru le 8 août dernier dans La Presse http://affaires.lapresse.ca/economie/canada/201408/08/01-4790383-vers-la-fin-des-stages-non-remuneres.php, on annonce la possible disparition des stages non-rémunérés. C’est une pratique commune des entreprises qui ne payent pas aux étudiant-e-s dont le stage fait partie du curriculum. Mais, comment est-ce qu’on a arrivé à cette disposition? D’abord, il y a plusieurs programmes qui offrent aux étudiant-e-s la possibilité de faire un stage pendant leurs études. C’est une pratique presque obligatoire dans domaines comme la comptabilité ou l'ingénierie. Mais la différence reste en la gestion de ces stages. Il y a de compagnies qui payent aux étudiant-e-s pour sa participation au stage mais il y a aussi des entreprises qui ne payent pas.

Mais dans un sens cela démontre comment la main d’œuvre a été précarisée. D’une part, il y un système à deux poids où le stage non-rémunéré peut être considéré comme source de main d’œuvre bon marché. Des tâches subalternes comme l’impression de copies, qui n’ont rien à voir avec le stage en question, sont données aux stagiaires. Cela démontre un déséquilibre en ce qui concerne l’influence et la gestion du stage de part des employeurs. En sachant que les stagiaires n’ont pas de mécanismes pour se défendre, les entreprises exercent le plus de pression possible pour prendre avantage de la situation. Le résultat est une main d’œuvre docile et sans recours dont le travail sans paie est le modus operandi des employeurs.
 
D'autre part, les employeurs ne prennent pas en compte la situation des stagiaires. Il y a un grand nombre d'étudiant-e-s qui doivent travailler et qui sont autonomes, c'est-à-dire qui habitent hors de la maison. Ils doivent payer le loyer tous les mois et non seulement pendant quelques saisons. Donc il est essentiel pour eux et elles de se trouver un moyen fiable qui garantit un seuil de revenu acceptable pour survivre. Avec un programme comme le stage non-rémunéré, il n’y a pas manière de joindre les deux bouts. Sans un niveau de revenu garanti pour vivre, ces stagiaires dépendent en grand partie des prêts et bourses.
 
Mais à qui appartient le droit de décider si ces stages devraient ou non être payés, à l’employeur ou à l’État? C’est une pratique, il faut le dire, acceptée, qui n’est pas couverte par la loi. Il n’est pas évident la manière dans laquelle les entreprises font gestion de ces stages et une des parties au niveau fédéral veut mettre en place un mécanisme de contrôle. C’est un vide juridique auquel le nouveau parti démocratique (NPD) s’est penché. Le NPD à récemment introduit un projet de loi qui vise à mettre fin à ces pratiques. Avec un cadre de tâches plus spécifique et des mesures en place pour éviter l’absence de rémunération, le NPD espère que les employeurs commenceront à payer quelconque type de stage aux étudiant-e-s. Mais la réticence des employeurs à ne pas payer suggère qu’un grand nombre d’eux quittera sa participation du programme. Il faut remarquer que la plupart de ces entreprises sont rentables et donner des salaires a tous les stagiaires est possible. Mais une des questions qui reste sans répondre, c’est la suivante, est-ce que le projet du NPD, serait-il suffisant pour améliorer ces pratiques ou simplement une solution de fortune? Le problème ne consiste pas à donner plus d’heures de sommeil ou de centimes aux stagiaires mais de solutions réelles où les tâches et les salaires sont établis selon la position et le programme d’études en tenant compte de la situation de l’étudiant-e.
 
Sources :
La Presse. 2014. « Vers la fin des stages non rémunérés? » La Presse. En ligne. Août, http://affaires.lapresse.ca/economie/canada/201408/08/01-4790383-vers-la-fin-des-stages-non-remuneres.php
 
 
 
 
 
 

mardi 16 septembre 2014

Sommeil pour les travailleurs


Dans l’article « six secrets to surviving on little or no sleep » l’auteur nous parle des secrets pour survivre sans sommeil dont il s’est servi pendant une époque où il a du travailler soit comme employé dans un bureau soit comme indépendant. Le texte s’adresse aux indépendants qui viennent de commencer leur entreprise et s’inscrit donc dans le genre de colonne de conseils.

Pour ce blogue, il ne s’agira pas d’un intérêt vers le sujet de sommeil et non pas des conseils que nous donne l’auteur. Pour les nouveaux indépendants, l’insomnie est très connue et même attendue. On n’est pas propre indépendant si l’on n’a vécu quelques années comme ça. Il faut s’y mettre. Même si ce serait intéressant de mettre en question le besoin de travailler au point d’épuisement pour les indépendants afin de pénétrer leur marché choisi et voir les causes qui les empêchent d’y accéder plus facilement, je laisserai cela pour ceux qui s’en connaissent mieux. Les associations que l’article m’emporte seront le sujet de ce blogue. Les conseils donnés seraient utilisables pour les employés aussi.

D’abord je dois vous informer que je parle du point de vue danois et alors je fais d’abord une petite excursion pour vous donner le contexte. La façon dont nous (les Danois) pensons à et dont nous parlons de travail a beaucoup changé ces dernières années. On parle de plus en plus de l’état de la concurrence (un concept conçu par un professeur de commerce et politique pour expliquer ce qui se passe, mais qui a été vite adapté par le gouvernement présent social-démocrate pour légitimer sa politique économique)[1] et de comment préparer l’état de providence à survivre à la concurrence avec des pays comme la Chine. Après la crise économique mondiale, le Danemark comme la majorité de l’Union européenne ont choisi comme solution un resserrement des politiques financières et par conséquent des coupes dans les prestations d’aide sociale, mais surtout dans les allocations de chômage. Cela est fait pour donner aux chômeurs une incitation à chercher du travail et en même temps pour répondre à la demande de travailleurs prévue lorsque la crise s’apaise. L’idée de l’état de concurrence nous a rendus capables de parler de ces changements et d’identifier les tendances sur le marché du travail.

Pour retourner vers l’article. Au Danemark, on a officiellement une semaine de travail de 37 heures, qui paraît ne pas être beaucoup pour certaines et certains d’entre vous. Mais en effet il n’y pas beaucoup qui ne travaille que 37 heures et vu la crise et subséquemment le nombre des travailleurs virés ce qui restent doivent travailler encore plus pour faire les mêmes tâches qu’auparavant. Le gouvernement aurait voulu faire les partenaires sociaux augmenter les heures de travail sans succès, ce que l’on peut attribuer au manque des structures qui peuvent soutenir les familles dans leur vie quotidienne. Les crèches ferments tôt, etc. Une grande partie des travailleurs en col blanc ont la possibilité de travailler de chez eux, ce qui les aide à joindre les deux bouts, mais on voit de plus en plus que ça les travailler encore plus et le temps libre s’efface dans les courriels et les coups de téléphone des collègues et des patrons.

Le temps passé à travailler ou de prendre soin de votre famille doit être consacré à la consommation. Le gouvernement l’exige pour stimuler la reprise. Dans « Work, consumerism and the new poor », Zygmunt Bauman[2] nous parle d’une société où la consommation est devenue une vertu. Il faut y avoir accès et il faut savoir comment en profiter. La pauvreté n’est plus le manque de l’argent et de ressources pour la survie, mais plutôt le manque d’accès à la consommation. Pour ne pas être pauvre et pour être un bon citoyen, il faut donc consommer et se tenir à jour avec les derniers produits et les nouvelles expériences. Comme ça je reviens à l’article. Les conseils pour survivre sans le sommeil sont pertinents non seulement aux indépendants, mais à tous ceux qui font partie d’un état de la concurrence.

Pour finir : des sondages ont montré que le Danemark a la population le plus heureuse dans le monde. Pourtant on a aussi un taux très élevé des personnes malades de stress et de dépression qui ont besoin des traitements médicaux. Je vous laisse réfléchir.

 

 

 



[1] Pedersen, O. K. (2011). Konkurrencestaten. København: Hans Reitzels Forlag.
 
[2] Bauman, Z. (2005). Work, Consumerism and the New Poor. Cornwall: Open University Press
Six secrets to surviving on little or no sleep