lundi 2 novembre 2015

Tant qu'à avoir la tête dans les nuages, aussi bien que ce soit en CSeries


On en a probablement tous entendu parler ces derniers jours, le gouvernement du Québec investit 1 milliard US pour acquérir près de la moitié de l’avenir de la CSeries de Bombardier.

C’est sûr que quand les travailleurs de la fonction publique réclament des ajustements salariaux de 13,5% sur 3 ans et que le gouvernement offre du 3% sur 5 ans, que les organismes communautaires du Québec demandent qu’on bonifie leurs subventions de 60% parce qu’ils ne sont plus viables économiquement et que les budgets en éducation rapetissent à vue d’œil comme un chandail en cashmere dans la sécheuse, ça laisse un goût amer dans la bouche de bien des gens. Même qu’à voir le nombre de caricatures et de commentaires haineux qui circulent sur les réseaux sociaux à ce sujet depuis, on croirait qu’ils viennent de donner un gros bonus au gars qui a tiré la mère de Bambi.

Ce qui fait vraiment rager, c’est qu’en supposé climat d’austérité, quand on n’arrête pas de nous  dire ici et là que faut couper dans les dépenses pour atteindre le saint graal (mieux connu sous le nom d’équilibre budgétaire), on s’en va dépenser énormément d’argent pour sauver Bombardier, une société privé qui souffre parce qu’ils ont alignés erreurs après erreurs. Grosse sous-estimation des couts de développement, retard après retard, modifications pensés trop tard nécessitant des nouveaux tests, incapacité à vendre une quantité décente d’avions, incapacité toute aussi grande à attirer des investisseurs, on ne se le cachera pas, les têtes pensantes de Bombardier ont manqué le bateau là-dessus. Donc si vraiment c’est le management de la compagnie qui l’a mise dans le pétrin, pourquoi risquer tant d’argent pour la tirer de l’embarras quand on a tellement d’autres places dans lesquels on pourrait le mettre cet argent là?

Parce que, concrètement, c’était quoi les choix du gouvernement? Option A : leur refiler tout plein de sacs blanc avec des gros signes de piastres dessus. Option B : Laisser la division aéronautique de Bombardier mourir, peut-être même la compagnie au complet, ou à tout le moins lui faire très mal. C’est des milliers de jobs, des emplois bien rémunéré, qui sont à risque à Montréal et Mirabel. La mort de la CSeries, ça serait aussi un dur coup pour Pratt et Whitney Canada, une autre compagnie bien installé à Longueuil qui s’occupe de fabriquer les moteurs de ces avions. La mort de la CSeries, ça ne ferait pas juste mal à Bombardier, ça ferait mal à l’industrie au complet. Et avec les compagnies aériennes comme Air Canada qui font faire la maintenance de leurs aéronefs à l’étranger de plus en plus souvent, l’industrie bat déjà de l’aile un peu ces temps-ci. Si on met K-O les constructeurs aussi, ça risque de mal se terminer.

Et puis, y’a quand même la fierté. Bombardier, c’est une grosse compagnie. C’est connu partout dans le monde. C’est un icône québécois. Ce n’est pas tout le monde qui est au courant, mais au Québec, on est des pas pire « big shots » du monde de l’aéronautique. On a quand même avec l’École Nationale d’Aérotechnique la plus grosse école du genre en Amérique du Nord. Même l’été ça tourne. Y’a des classes complètes de techniciens Chinois qui viennent y faire des séjours pour apprendre comment réparer des avions. Mais surtout, c’est des centaines de jeunes diplômés du Québec qui vont arriver sur le marché du travail dans les prochaines années et qui comptent justement sur les compagnies comme Pratt et Whitney ou Bombardier pour se dénicher un emploi.

Alors de ce milliard là, y’a une  bonne centaine de million qui va lui revenir en impôts dans les 5 prochaines années dans le fort de la production. Sur le long terme, ce montant-là risque de doubler. Et puis, les CSeries, ce ne sont pas de mauvais avions. Surtout avec le modèle CS300 allongés. Alors une bonne partie de l’investissement devrait lui revenir lorsque les livraisons d’avions vont commencer et les commandes vont reprendre. Un engagement de la compagnie à garder plusieurs de ces activités et son siège social au Québec pendant deux décennies, c’est aussi quelque chose.

Car éviter de mettre des milliers de québécois au chômage, c’est plus dur à quantifier, mais c’est une économie gigantesque. Surtout si c’est de la main d’œuvre qualifié qui n’arrivera pas à se trouver un autre emploi dans le domaine. C’est payer le chômage, payer des nouvelles formations, c’est les couts reliés aux problèmes sociaux et de santés qui en découlent.

C’est possible que Bombardier Aerospace risque son avenir en entier sur le projet, et le risque est là que la CSeries ne soit pas le « hit »espéré malgré l’investissement du gouvernement. Mais plutôt que de laisser la compagnie jouer l’avenir de l’industrie aéronautique québécoise seule, Québec a décidé de lui donner un coup de pouce. Et c’est OK. Le risque de l’inaction était bien plus grand.
 
- Christian Lalonde

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