Dans
les alentours de la mi-mars, une vingtaine d’infirmières, de l’Hôpital du
Haut-Richelieu en Montérégie, ont refusé de rentrer sur leur quart de travail, pour
protester contre le manque de personnels. Chaque année, la situation empire,
aujourd’hui, les infirmières n’en peuvent plus. Il y a une accumulation des
heures supplémentaires, voir même des horaires obligatoires très chargés de la
part de leur employeur. Il manque des effectifs dans les troupes. Il y a même
une infirmière qui a déposé sa démission, vu le nombre d’heures exigées. Selon
la présidente de la fédération Régine Laurent, si le gouvernement ne met pas en
place de nouvelles solutions, il est fort possible qu’il y ait une augmentation
de manifestations de ce genre. Le problème lorsque les infirmières de soirs et
de nuits ne rentrent pas, ce sont les infirmières de jours qui doivent écoper
sur le surplus de charges de travail. Selon madame Laurent, il est évident qu’il
faut créer des postes à temps plein pour stabiliser les équipes de travail
ainsi que trouver des moyens pour attirer les nouvelles recrues fraichement
diplômées. Par exemple, elle mentionne que les primes de travail de fin de
semaine n’ont pas été indexées depuis 1989. Or, ceci peut être interprété comme
étant un manque de reconnaissance envers la profession, ce qui peut engendrer
un manque de valorisation chez les employés.
Nous
pouvons voir, par cet enjeu, à quel point il y a une souffrance au travail. Selon
Paul Ricœur, la souffrance est : «sentiment qu’ont les individus d’être
impuissant face à leur vie, de ne pas pouvoir se réaliser, c’est une diminution
de la puissance d’agir.»[1]
De nos jours, via les technologies, les patrons peuvent demander à ses
employés, directement, sans préavis, de faire des heures supplémentaires. Il y
a une demande urgente d’entrée au travail n’importe quand, c'est-à-dire une
flexibilité temporelle. Il pourrait être difficile de refuser, vu un sentiment
de devoir d’engendrer des soins à des malades, ou tout simplement de ne pas
pouvoir dire non à son patron. Cette pression, c’est ce qu’on peut appeler un
risque professionnel lié à l’organisation du temps de travail ou à l’organisation
par elle-même.[2]
Toutes ces mauvaises
pratiques de gestion du personnel peuvent mener à un stress et de l’anxiété
excessive dans la vie d’un individu. Nous pourrions, ici, faire un lien avec la
perte de sens des tâches effectuées ainsi que la déshumanisation du modèle
productiviste.[3]
Autrement dit, la pauvre infirmière pourrait se sentir perdue et non soutenue
dans ce système de santé désuet. La performance serait le critère numéro un, au
détriment du bien-être des employés. De plus, cette mauvaise gestion a un
impact sur l’intensification du travail, c’est-à-dire une demande de plus en
plus alarmante de tâches à faire dans un temps donné raccourci. Nous pourrions
donc comprendre pourquoi les infirmières auraient une perte d’épanouissement
personnel sur leur milieu de travail, ainsi que comprendre leurs motivations à
faire la grève. Ce moyen de pression doit être géré par le syndicat, qui fait
valoir les intérêts des infirmières, auprès de l'employeur. Comme il est
mentionné dans l'article, les infirmières ont accepté de retourner au travail
vers 21 heures, mais elles sont au bout du gouffre. Selon Sylvie Jovin, la
présidente du syndicat des professionnelles de la santé du Haut-Richelieu, la
limite n’est pas très loin d'être atteinte. Il y a une demande pressante de
changement sur l'achalandage à l'urgence santé. [4]
C’est
l’exemple d’un nouveau management qui serait : «On ne demande plus
seulement aux travailleurs de faire leur travail, on leur demande aussi de se
donner à fond dans leur travail, en les assurant qu’ainsi ils s’épanouiront,
alors qu’en réalité c’est pour maximiser la rentabilité de leur travail. De
plus des systèmes d’évaluation personnalisée les mettent en concurrence les uns
avec les autres.»[5]
Cette phrase de Gaujelac m’amène à penser à
des pistes de solutions. Argenson propose de «se frayer un chemin vers
la prise de conscience collective».[6]
Chaque administration devrait regarder les réels coûts engendrés par la
surcharge de travail. En considérant ces coûts, les patrons pourraient donc
s’enligner sur un management dit «plus humain».
Alexia Senécal
Matricule: 20016561
[1]
Ricœur Paul (1994). « La souffrance n’est pas la douleur », dans J.-M. Von
Kaenel et B. Ajchbaum-Boffety, Souffrances,
corps et âme, épreuves partagées, Paris, éditions autrement, p. 58-70.
[2]
BUÉ Jennifer, COUTROT Thomas,
GUIGNON Nicole, SANDRET Nicolas (2008) « Les facteurs de risques psychosociaux
au travail. Une approche quantitative par l'enquête Sumer », Revue
française des affaires sociales, 2-3, p. 45-70
[3] D’Argenson,
P-H.2010. «Souffrance au Travail : ce qui a changé». Le Débat, no.161, p.105-115
[4] Cameron, Daphnée. «D'autres
infirmières pourraient refuser d'entrer au travail». La Presse, En ligne, http://www.lapresse.ca/actualites/sante/201003/12/01-4260274-dautres-infirmieres-pourraient-refuser-dentrer-au-travail.php,
(13 mars 2010)
[5] De
Gaulejac Vicent (2010) « La NGP Nouvelle gestion paradoxante », Nouvelles pratiques sociales, 22 (2), p.
83-98 et De Gaulejac V. (2011), Travail,
les raisons de la colère, Seuil, Paris, 336 p.
[6]
D’Argenson, P-H.2010. «Souffrance au Travail : ce qui a changé». Le Débat, no.161, p.105-115
Aucun commentaire:
Publier un commentaire