Le
plan récemment dévoilé par l’administration Coderre quant à la réforme des
conditions de travail de ses cadres municipaux s’insère parfaitement dans le
climat d’austérité par le gouvernement libéral.
Les nouvelles modalités déclarées unilatéralement par le directeur
général Alain Marcoux représentent une dégradation des conditions matérielles à
tous les égards : hausse des heures hebdomadaires travaillées, réduction
des prestations d’invalidité, diminution des paiements pour congés de maladie
et surtout rachat imposé des heures supplémentaires amassées. Cette dernière mesure est particulièrement
décriée par les centaines d’individus touchés-es car elle représente une
barrière de taille pour l’entrée à la retraite pour plusieurs d’entre eux. Pour les milliers d’heures accumulées au long
d’une carrière stable à l’emploi de la ville de Montréal, ils et elles n’auront
droit qu’à un montant réparti sur deux ans plutôt qu’une préretraite depuis
longtemps préparée.
Les réactions des cadres, position
détenant typiquement la main haute au sein des hiérarchies professionnelles,
laisse entendre une manifestation certaine des mutations globales du travail
telle que décelées par Jean-Pierre Durand dans son ouvrage intitulé La chaîne invisible, travailler aujourd’hui
: flux tendu et servitude volontaire.
Il y décrit comment la grande entreprise occidentale moderne opère une centrifugation
de ses fonctions pour que ne demeurent au cœur de l’entreprise que les postes
créatifs difficilement remplacés par une sous-traitance à faible coût. L’externalisation en plusieurs niveaux des
autres branches de ses activités s’accomplit en raison des impératifs de la
compétition internationale, exigeant une réduction maximale de la masse
salariale annuelle. Si l’administration
publique de la ville de Montréal ne suit pas intégralement ce modèle plus
présent chez l’entreprise privée, on assiste néanmoins à une interaction
malaisée entre le cœur de l’organisation et sa périphérie, alors que la
frontière les séparant apparaît plus perméable que ne le croyaient ses membres
privilégiés-es. Ayant profité de
conditions nettement supérieures à la moyenne québécoise tout en s’épargnant
les méandres d’une carrière fragmentée, l’ascendance perçue comme naturelle
pour leur position au cœur n’est plus assurée pour ces fonctionnaires. C’est là un coup plus profond encore que
l’exigence d’une flexibilité fonctionnelle mentionnée par Durand.
La grogne des cadres se voit teintée
d’une certaine ironie au regard de leur rapport au syndicalisme de leurs
subordonnés-es. Alors que la
syndicalisation connaît des troubles importants des suites de cette même segmentation
des organisations, les cadres se montrent ici envieux-ses du rapport de force
détenu. Leur propre organisation ne
possédant pas ce statut, leur levier d’action collectif possède un faible
potentiel de contrainte et risque de se montrer incapable de négocier avec
succès les propositions du directeur général.
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