mercredi 18 novembre 2015

L'économie uberisée: L'alternative atypique

            Actuellement, les nouvelles technologies propulsent l’économie, bouleversant « les habitudes, les acquis, les rôles, les structures et le rapport à autrui à la croissance ou à la propriété »(PORTIER,2015). Cette vague sociétale est marquée par des formes organisationnelles expérimentales, telles que Blablacar, Uberpop et Couchsurfing. Philippe Portier explique, dans son article sur l’Économie collaborative : « La solution n’est pas dans un excès de réglementation », les retombées du phénomène en France.

            Or, cette révolution technologique à deux visages. Tout d’abord, «l’économie collaborative» mobilise les plateformes internet afin de créer des communautés et réseaux qui promeuvent un modèle de l’économie du partage sans but lucratif. Il s’agit ici de mettre en commun les biens, outils et espaces. Ainsi, la consommation, les modes de vie, la finance, la production et la culture sont appréhendés dans une perspective collaborative. Ensuite, «l’économie uberisée» propulsée par des entrepreneurs entraine l’émergence d’emplois non traditionnels, possibles par le biais d’outils technologiques jumelés à l’autoentrepreneuriat et concurrençant les modèles traditionnels. Comparativement au premier, celui-ci propose une nouvelle dynamique professionnelle, opte pour la concurrence et illustre un intérêt lucratif. Mais encore, le second modèle vise par la technologie numérique à renverser le modèle traditionnel et à instaurer un modèle d’entreprise horizontal et «dématérialisé». De manière plus radicale, cette vision propose une émancipation par la destruction des monopoles, tel que les banques par le biais de Bitcoin.



                Selon Portier, ce qui est inquiétant est le risque de précarisation lié à cette mise en concurrence, à l’émergence d’emploi précaire et à une faible régulation. Or, l’économie uberisée renvoie à une idéologie néolibérale. En effet, en France, les générations Y et les suivantes, souhaitant sortir du cadre traditionnel, s’orientent davantage vers cette perspective d’emploi précaire. Dans cet ordre d’idée, l’auteur met en lumière la distinction entre les philosophies des deux modèles, afin de ne pas faire l’erreur de les amalgamer. À la suite de cette réflexion, l’auteur se questionne sur le rôle des pouvoirs publics quant à l’économie collaborative. Ainsi, il pointe la primordialité d’une neutralité en fonction du plan fiscal afin d’éviter les dérives. Mais encore, ce dernier s’interroge sur la manière d’éviter  les effets d’aubaine. Faut’-il protéger « les acteurs classiques grâce à un renforcement des réglementations propres aux secteurs concernés »(PORTIER, 2015) ?

            Finalement, il propose de ne pas classifier à l’intérieur d’une définition le secteur du numérique. Mais plutôt, il suggère l’instauration de réglementation dynamique ouvrant la porte à l’innovation et l’expérimentation technologiques. Cependant, l’organisation de règles simples et efficaces est essentielle afin d’éviter les effets d’aubaine, mais plus spécifiquement pour « distinguer amortissements de charge et vraies recettes d’exploitation » (PORTIER, 2015).

            Dans cet article, le propos de Philippe Portier semble paradoxal. Ce dernier s’inquiète des transformations des conditions de travail issu de l’économie uberisé sans toutefois identifier clairement des moyens pour les contrer. Or, il s’inquiète de l’essor de la précarisation, mais propose des barrières floues en fonction de cette mutation et termine en soulignant l’impuissance des gouvernements. En effet, l’auteur met l'emphase sur la distinction entre l’économie collaboratrice, sans finalité lucrative, et l’économie uberisée. Mais encore, l’intérêt davantage orienté vers la préservation de l’innovation technologique, ce dernier élucide les saines volontés de l’économie collaboratrice et propose une réglementation souple, simple et efficace. Par ailleurs, je me demande si ces deux perspectives ne s’articuleraient pas plutôt ensemble. En réalité, est-ce que l’économie uberisée ne pourrait pas se dissimuler sous le couvert d’une économie collaborative ?

            Dans son propos, on retrouve un peu le modèle néo-libéral. En citant Jean Cocteau pour désigner ce que le pouvoir public devrait effectuer, quant aux secteurs de la technologie, il soulève un sentiment d’impuissance : « puisque ces mystères me dépassent, feignons d’en être l’organisateur » (PORTIER,2015). Cependant, sous le couvert de l’impuissance, le laissez-faire se profile. Tout comme le néo-libéralisme, celui-ci opte pour une réglementation flexible favorisant l’essor de nouvelle technologie, de l’expérimentation et de la concurrence.

               Cependant, cette philosophie engendre l’emploi précaire et la docilisation de la main d’œuvre selon Bourdieu (NOISEUX,2015). En fait, sans réglementation stricte, les individus deviennent leur propre maitre, ce qui génère de la concurrence entre les travailleurs et entraine la destruction des collectifs. « C’est cette nouvelle forme de concurrence, semi-professionnelle, semi-régulée (voire pas), ultra-technologique, en réseau… qui inquiète le plus aujourd’hui. » (PORTIER,2015) De plus, en fonction de cette compétition, les entreprises traditionnelles s’inquiètent de la durée de vie de leurs entreprises. Mais encore, à l’intérieur de l’économie urbérisée, il y a une augmentation du prolétariat actif et particulièrement instruit, marquée par la précarité. Effectivement, je doute que ces travailleurs atypiques soient pleinement rémunérés et aient accès à l’assurance collective privée, aux protections sociales ainsi qu’à la syndicalisation.

            Enfin, de plus en plus d’individus ne suivent plus l’alternative classique d’un emploi typique, tel que le contrat de travail subordonné et de longue durée. (Statistique Canada , 2011)L’émergence, par exemple, de l’autoentrepreneuriat, reflète une volonté d’exercer un travail affichant de meilleures conditions. Or, de nouvelles portent s’ouvrent aux travailleurs, leur permettant de quitter les carcans traditionnels. En effet, les idées progressistes du secteur des technologies, illustré avec l’économie uberisée, permettent l’abolition du rapport hiérarchique traditionnel qui contrôle les interactions du monde du travail. Ce qui est alarmant est que cette perspective d’emploi, grandement marquée par le désir de liberté et de prospérité, résulte et engendre souvent la précarisation. Dans cet ordre d’idée, il faut règlementer strictement ce nouveau secteur afin de sécuriser les travailleurs. Ainsi, le gouvernement doit exercer son pouvoir et réguler ce secteur, en contrant, par exemple, l’absence de sécurité liée au travail, notamment la sécurité d’emploi et la sécurité lié à un salaire stable.

Claudia Provencher

Bibliographie

PORTIER,Philippe. Économie collaborative : « La solution n’est pas dans un excès de réglementation »,lemonde.fr,2015,En ligne au:<http://www.lemonde.fr/idees/article/2015/11/03/economie-collaborative-la-solution-n-est-pas-dans-un-exces-de-reglementation_4802471_3232.html>, consulté le 16 novembre 2015


Statistique Canada, Enquête nationale auprès des ménages (ENM), 2011, En ligne au <http ://www.servicecanada.gc.ca/fra/qc/emploi_avenir/statistiques/2175.shtml>, consulté le 14 novembre 2015




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