La saison des
fêtes est bien connue chez la plupart des marchands comme étant la période la
plus lucrative de l’année. En effet, quelques détaillants font jusqu’à 40% de
leur revenu annuel en ventes destinées à Noël[1]. Cependant,
à l’aube des deux derniers mois de l’année, certains détaillants et compagnies
de livraison connaissent des difficultés pour engager des employés à temps
partiel à contrat saisonnier. Ainsi, selon le Wall Street Journal[2],
cette situation pourrait profiter aux employés de ces entreprises forcées d’augmenter
les salaires pour attirer des candidats potentiels. En effet, certaines
entreprises comme FedEx et Target ont décidé d’augmenter leurs salaires minimum
pour passer de 9 à 11$ ou bien de 11$ à 13,50$. Tout comme le WSJ, le Business
Insider[3]
rapporte que cette situation devrait aider les conditions salariales des
employés qui profiteraient d’un « marché tendu. » Alors, selon les calculs comptables des
entreprises sur la courbe d’offre et demande, cette dernière serait trop élevée
par rapport à l’offre ce qui en résulterait une hausse des salaires.
Souvent reconnus
comme les pires emplois en Occident, particulièrement en saison des fêtes, il
est peu surprenant de voir que les entreprises connaissent des difficultés à
embaucher suffisamment d’effectif. Non seulement ces emplois offerts sont à
temps partiel, mais ils sont aussi à contrats déterminés, à faibles salaires et
dont les employés doivent faire face à des consommateurs stressés et frustrés
quotidiennement. Les solutions proposées par les entreprises ne visent que les heures
de travail et les salaires revus à la hausse, qui restent toutefois assez bas.
Il est assez inquiétant de constater que seules des lois économiques d’offre et
demande peut décider les salaires des employés. Cela signifie que les conditions
des employés et leur précarité face au marché du travail sont totalement évacuées
dans les solutions envisagées par les entreprises. Seules les conditions
quantitatives (salaires et heures) sont considérées tandis que les conditions
qualitatives comme les différentes protections sociales n’apparaissent même pas
dans les solutions possibles. Ainsi, comme l’évoquent les intellectuels Pierre
Dardot et Christian Laval : « Les droits à la protection sont de plus
en plus subordonnés aux dispositifs d’incitation et de pénalisation qui
obéissent à une interprétation économique du comportement des individus. »[4] À
mon avis, les entreprises se posent les mauvaises questions et envisagent les
mauvaises solutions. Plutôt que de penser uniquement à la rationalité
économique des individus qui accepteraient n’importe quel statut d’emploi pour des
meilleurs salaires, les entreprises devraient plutôt se questionner sur les
conditions et le bien-être possible de ces emplois.
Il semblerait alors que les
conditions de travail soient tellement mauvaises que les entreprises ne
parviennent même pas à combler leurs effectifs nécessaires. Certains
détaillants sont même prêts à passer la saison des fêtes avec un nombre moindre
d’employés nécessaires pour accomplir le boulot. Alors malgré les maigres
hausses de salaires prévues, les tâches se répartiront sur un moins grand
nombre d’employé ce qui contribue à la diminution des conditions de vie des
travailleurs. La course rationnel du profit joue donc un rôle particulièrement
important dans la précarisation des conditions de vie des travailleurs : « [les actionnaires] soucieux d’obtenir
une rentabilité à court terme, sont de plus en plus capables d’imposer leur
volonté aux managers, de leur fixer des normes, […] en matière d’embauche d’emploi
et de salaire. »[5]
En conclusion, malgré
que le phénomène puisse résulter d’une part en une amélioration et d’autre part
en une détérioration des conditions de travail, il ouvre la porte à la prise d’action
collective. En effet, le refus de travailler pour ces entreprises force ces
dernières à revoir leurs conditions d’embauche, notamment en augmentant les
salaires et en proposant des postes à temps plein plutôt qu’à temps partiel. Ainsi,
même si ce refus de travail relève des considérations individuelles, on peut y
apercevoir un potentiel de prise d’action collective face aux géants du
commerce au détail.
Félix Lalonde
[1]
http://www.forbes.com/sites/hardeepwalia/2013/11/20/how-to-profit-from-the-shortest-holiday-retail-season/
[2]
http://www.wsj.com/articles/retailers-work-harder-to-lure-holiday-employees-1446424171
[3]
http://www.businessinsider.com/walmart-target-and-tj-maxx-are-facing-a-worker-crisis-2015-10
[4]
Dardot, Pierre et Christian Laval, 2009, La nouvelle raison du monde. Essai sur
la société néolibérale, La Découverte, Paris, p. 304
[5]
Bourdieu, Pierre, Mars 1998 « L’essence du néolibéralisme », Le Monde
diplomatique, Paris (en ligne), p.14
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