En
ce moment, les centrales syndicales discutent aux tables de négociation –centrale et
sectorielles- tentant par tous les moyens de préserver leurs acquis. De ce
qu’il nous est possible de lire et d’entendre dans les médias et de la part de
personnes syndiquées, nous distinguons deux éléments centraux. D’une part,
l’élite syndicale travaille avec acharnement afin d’obtenir un règlement dans
les plus brefs délais, et ce, en dépit d’un nombre réduit de consultations auprès
de leurs membres. Ce faisant la situation rend questionnable la démocratie
syndicale. D’autre part, les syndicats se restreignent à négocier les
conditions de travail, entre autres, le salaire.
D’abord,
les organisations entachent leur légitimité en ne consultant que très peu leurs
membres. À l’inverse, Nadeau-Dubois stipule que la décentralisation des
processus décisionnels serait l’une des clefs de voute pour renouveler le
syndicalisme et accroitre significativement la participation. Ensuite, elles
diminuent le rapport de force qui s’accentue au fur et à mesure que le temps
passe puisque le ralentissement du fonctionnement des institutions peut, non seulement
entraîner des contrecoups économiques, mais également, engendrer une décision intempestive
de la part du gouvernement. Cette situation pourrait entraîner l’entrée en
scène d’autres acteurs, et ainsi, accentuer le rapport de force des syndicats. L’empressement
dont font preuve les centrales engendre à notre avis bien plus d’effets
délétères que de bénéfices. En effet, si la ratification d’une entente peut
permettre aux syndicats une justification de leur rôle à travers l’efficacité
dont elles feraient preuve, cette stratégie engendre des conséquences
perverses.
D’autre
part, les négociations contribuent à l’évacuation de revendications plus large.
En se limitant aux modalités salariales telles que le salaire, la retraite, les
heures supplémentaires, et autres, l’argumentaire se fonde souvent sur des
indicateurs économiques tels que l’augmentation du coût de la vie, la
croissance, le chômage, etc. Autant d’indicateurs qui n’éclairent aucunement
les réalités extrêmement complexes que vivent les travailleuses et travailleurs
au quotidien (Fumagali).
Au
fait de notre analyse du contexte actuel et de l’attitude austère du
gouvernement Couillard, il nous paraît crucial que les syndicats délaissent un
tant soit peu les tables de négociation et optent pour un syndicalisme
politique ayant pour but d’élargir les revendications sociales. Nous ne nous
étalerons pas sur le sujet, or, il semble primordial de rappeler que le
gouvernement en place ne dispose que de peu de légitimité pour appliquer les
politiques actuelles. En effet, considérant un taux de participation aux élections
provinciales de 71,4%, cela signifie que le gouvernement actuel gouverne avec
l’appui de 29,6% des Québécoises et Québécois. En ce sens, la science politique
nous enseigne qu’il existe de nombreuses raisons pour soutenir un parti lors
d’une élection –vote par tradition, vote stratégique, vote pour un candidat,
vote pour le charisme du chef, etc-. De ce fait, nous postulons que les
personnes appuyant l’austérité en ce moment sont minoritaires sur le
territoire. Notre proposition, à l’instar de celle avancée par une majorité
d’auteurEs de renouveler le syndicalisme est
d’investir la cause politique plutôt que de négocier strictement les conditions
de travail. Pour ce faire, les syndicats doivent agir sur deux fronts.
En
premier lieu, ils doivent investir les voies institutionnelles. Tel que le
mentionne Amir Khadir, ils doivent collaborer avec les groupes communautaires
et les regroupements de la société civile. Un appui populaire concerté envers
le parti qui représente le mieux leurs positions, et ce, indépendamment des
liens « traditionnels » est nécessaire. L’influence que les syndicats
obtiendraient sur la création de politiques sociales serait ainsi considérable.
Certains diront que cette prise de position est risquée, notamment parce que le
gouvernement est l’employeur d’un haut taux de syndiquéEs. Toutefois, à notre
avis c’est cette raison même qui en définit la nécessité.
En
second lieu, les instances syndicales devraient être plus revendicatrices dans
leurs demandes de réformes de la politique institutionnelle. Ce volet peut bien
entendu concerner les institutions publiques, mais surtout, dans le cas du
Québec, la revendication doit être celle d’une transformation du mode de
scrutin. Tel que le mentionne Milner dans le recueil, le mode de scrutin
proportionnel représente plus fidèlement la volonté de la population. Bref, une
mobilisation autour d’un enjeu social déterminé rendrait plus susceptible une
mobilisation large. Les organisations syndicales ont énormément à gagner d’une
politisation des revendications. Concrètement, un appui au mouvement citoyen
démocratie nouvelle pourrait constituer un levier potentiel.
Un
mode de scrutin proportionnel favoriserait la multiplicité des partis et
accroitrait leur rapport de force. Plutôt que de soutenir un parti par défaut,
les syndicats pourraient appuyer et collaborer ponctuellement avec les
organisations politiques qui défendent des propositions communes. Milner
souligne d’ailleurs que la particularité du modèle suédois tient à la
collaboration soutenue entre syndicats et partis politiques de gauche.
Bibliographie
CREVIER,
Philippe, Hubert Forcier et Samuel Trépanier (2015). Renouveler le syndicalisme : Pour changer le Québec, Montréal,
Écosociété.
Fumagalli, Andrea. 2015. La
mise au travail : Nouvelles formes du capitalisme cognitif. Paris. Eterotopia. Rhizome. Pp.
97.
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