Il
y a de cela deux semaines, une rencontre avait lieu afin de réfléchir à ce
qu’il convient de qualifier d‘alternative syndicale. Cette initiative a été
initiée par les membres de la base d’un parti politique, décidéEs à s’organiser
afin de lutter contre les politiques d’austérité. Intéressé et enthousiaste à
l’idée d’agir à l’extérieur des structures souvent trop rigides et trop lentes
des centrales syndicales, cette rencontre permettait d’entrevoir de multiples
possibilités. L’un des attraits que pouvait avoir le projet était de permettre
l’activisme de militantEs, non syndiquées, mais syndicalistes. De nombreuses
personnes sont animées à l’idée de réfléchir aux enjeux de société et de
participer à des actions d’ordre divers. Or, plusieurs n’étant membres d’aucune
instance ou organisation leur permettant de canaliser leur énergie, les
possibilités deviennent limitées. En ce sens, l’alternative syndicale pouvait,
de par son ouverture, permettre à toutes personnes motivées de s’impliquer.
Il
faut noter que cette initiative n’est pas la seule en son genre. Elle voit le
jour dans une mouvance bien précise, celle d’un désir de se mobiliser en
contournant les institutions syndicales. Pour n’en nommer que quelques
exemples, la coalition main-rouge, les profs contre la hausse, offensive
syndicale, j’aime mon école publique, sont des groupements de citoyenNEs et/ou
de travailleuses et de travailleurs souhaitant œuvrer efficacement à
l’extérieur de l’arène institutionnelle, mais dans l’objectif affirmer de faire
pression sur le gouvernement. S’il est vrai que la participation à ces
regroupements ne signifie pas pour autant que les militants aient rompu avec
les organisations syndicales, elle témoigne néanmoins de la présence de lacunes
et d’un désir de faire autrement. Nombreuses sont les raisons pouvant motiver
cette tentative de contournement : complexité des structures, contrôle de
l’élite syndicale et des conseillers syndicaux, lourdeur administrative et
lenteur des décisions, frilosité politique et contrôle du discours, redondance
et manque de créativité dans les plans d’action, etc.
L’une
des causes pouvant certainement permettre de fournir des pistes d’explications
tient au fait que les syndicats québécois, depuis près de trente ans,
s’appuyant confortablement sur un nombre de membres élevé et des gains sociopolitiques
notables, ont choisi de défendre ces acquis et de se cantonner dans les milieux
de travail. Cet état de fait à engendré chez de nombreux travailleurs et
travailleuses une perception selon laquelle « les intérêts défendus
sont purement économiques (…) le
système de production est accepté et le niveau de l’action syndicale se limite
à l’entreprise » (Paquet et coll., 2002 : 13). Les syndiquéEs
conçoivent ainsi de plus en plus les syndicats comme de lourdes corporations
chargées d’offrir un panier de services le plus diversifié possible à leurs
membres : « À cette fin, [le syndicalisme d’affaires], imbriqué dans
une vision pluraliste, focalise son action (…)
sur la défense des intérêts immédiats de ses membres et ceci à un niveau
strictement économique » (Ibid., 14).
De
notre point de vue, Marie-Josée Dupuis visait donc juste lorsqu’elle
mentionnait qu’une piste de renouveau syndical réside « dans le
développement de liens entre les syndicats, la communauté et les groupes de la
société civile » (Dupuis, 2004 : 1). Aux dires de l’auteure, une
proportion significative de citoyenNEs considérait que les syndicats devaient
porter un « nouvel agenda social » en plus de leur « agenda
social traditionnel » (ibid., 9-10). Ainsi, il serait possible de
remobiliser les syndiquÉes, tout en élargissant les appuis. Dupuis mentionne d’ailleurs
qu’un rassemblement populaire autour de revendications sociales est possible.
En ce sens, il sera important pour les organisations syndicales de tisser des
liens avec les divers regroupements, notamment avec les organisations
communautaires et les groupes représentant différentes communautés. Cette
dernière argue que les syndicats bénéficieront d’avantages de ces nouveaux
liens « tant au niveau de l’échange de l’information que de l’éducation et
de la mobilisation de la population » (ibid., 12).
En
ce sens, la rencontre intersyndicale à laquelle nous avons assisté aurait, à
notre avis, dû fournir des pistes de solutions et des plans d’action dans le
but affirmé d’élargir la mobilisation et de créer ou renforcir les liens avec
des organisations pouvant être considérées comme partenaires. Selon notre
conception, cette rencontre aurait dû, dans un premier temps, réfléchir à des
stratégies afin de rassembler des membres de diverses organisations –syndicats,
organisations communautaires, associations étudiantes, associations de
communautés culturelles- lors d’une rencontre subséquente. Dans un second
temps, il aurait été pertinent de s’entendre sur quelques principes de base,
partagés par l’ensemble des organisations, afin d’assurer une convergence dans
l’action. Puis, il aurait fallu agir sur deux fronts. D’une part, faire
pression sur le parti politique ayant amorcé le mouvement afin de l’inciter,
voire le contraindre, à porter publiquement les revendications de
transformations sociales portées par le mouvement. D’autre part, un plan
d’action de perturbation économique et d’actions de terrain aurait pu être envisagé
afin de presser, par le gouvernement en place, l’adoption d’alternatives
présentées conjointement par la classe politique –ledit parti- ainsi que par la
société civile.
Bibliographie
Dupuis,
Marie-Josée. 2004. Renouveau syndical: proposition de redéfinition du projet
syndical pour une plus grande légitimité des syndicats en tant que représentants
de tous les travailleurs, CRIMT, Montréal. Pp. 1-26
Paquet,
R. Gosselin, E. et J-F Tremblay. Mai 2002. « Une synthèse des grandes théories
du syndicalisme », document de recherche 02-01, CRIMT, UQAH. Pp. 1-28
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