Jusqu’où l’uberisation de la société va-t-elle ?
Avec ce titre
« accrocheur », l’article
de Capital y va fort lorsqu’il s’interroge sur l’évolution et
l’omniprésence du phénomène « d’uberisation » au sein de notre
société. En effet, avec l’avènement des nouvelles technologies dans notre
quotidien, de nouveaux automatismes et de nouvelles normes se sont créées
autour du numérique et d’une rapidité de service à moindre coût. Besoin d’une
échelle ? Application communautaire. Besoin d’un plombier ?
Application communautaire. Besoin d’un hôtel ? Application Airbnb. Besoin
d’un taxi ? Application Uber. Pour le consommateur, c’est une aubaine.
Pour le prestataire, également. Mais à long terme ? Effectivement, pour le
consommateur, même à long terme, ces prestations sont intéressantes pour lui.
En ce qui concerne le prestataire, j’ai un doute. À court terme, c’est sur, une
personne lambda travaille ponctuellement à titre de complément de salaire et
cela lui permet d’avoir une rentrée de liquidité rapide et non imposable. Seulement
au fil des années et en additionnant ces « petits boulots » qui lui
auront permis de récolter une somme X et même si cette personne lambda n’est
pas dans la surconsommation voire même l’appât du gain, il est quand même vital
d’avoir un minimum d’argent pour pouvoir subvenir un tant soit peu à ses
besoins. Alors une fois que cette personne lambda sera à la retraite, voire
dans l’incapacité de poursuivre cette activité ponctuelle pour avoir une fin de
vie au minimum descente que lui reste-t-elle comme solution ? Parce que
ces « petits boulots » qui, en période de récession permettent à
certains de « mettre du beurre dans leurs épinards », n’obtiendront
aucune garantie, pension de retraites où toutes autres formes de compensations
liées à l’exercice de ce travail. Car oui, il s’agit effectivement d’un travail
dans la mesure où cette personne lambda a effectué une « activité contre
rémunération, ayant pour but de produire des biens et services [1]».
Ce qui m’interpelle
avec cette Uberisation de notre société, c’est qu’il paraît « normal[2] »
d’avoir recourt à cette nouvelle réorganisation du travail, qui certes implique
une rentrée d’argent rapide au besoin, mais qui implique également une
précarisation de l’emploi à long terme, car dépourvu de toutes couvertures
sociales pour lesquelles, je le rappelle, se sont battus les générations
précédentes[3].
Au vu et au su des nombreux reportages documentaires et journalistiques sur
cette nouvelle forme de travail précaire hérité de la mondialisation et du
capitalisme à profusion, les gens ne semblent pas interpelés (ou ne veulent
pas ?) sur les types de
conséquences que cela engendrerait à long terme. Et pourtant, nombreux sont les
reportages sur les personnes à la retraite qui doivent subvenir à leur besoin
avec 400 euros par mois après avoir travaillé toute leur vie ! Comment se
fait-il qu’on s’offusque des licenciements prévus chez Air France, et qu’une
partie de la société (infime je l’espère) encourage de nouvelles formes de
violences à l’encontre des dirigeants de cette même entreprise alors qu’une
partie de la société est en train de se faire aspirer dans le phénomène
d’Uberisation, sans pouvoir mesurer les conséquences à long terme sur leur
qualité de vie ? Qualité de vie qui, soit dit en passant, est déjà
« esclave » d’un système qui précarise de plus en plus l’individu[4].
Alors que
faire ? Repenser les transformations du syndicalisme à l’ère de la
globalisation. C’est essentiel. Mais repenser les nouvelles formes
d’organisation du travail à la lumière de nouvelles politiques nationales, ça
l’est tout autant. « Force est de constater que sous la pression de la
mondialisation des marchés, la recherche de flexibilité sur les marchés du
travail a été érigé en politique d’emploi sans qu’en contrepartie l’État
n’ajuste la législation du travail, les régimes publics de protection sociale
et les régimes syndicaux régissant les rapports collectifs de travail »
(Noiseux ; 2014 : 229). Ce que souligne ici Yanick Noiseux est aussi
le cas pour la France. Ainsi, avant de s’offusquer et de jeter la pierre sur
les dirigeants de nos grandes entreprises, nous (les Français) devrions prendre
en considération les lacunes politiques auxquelles nous faisons fasse encore
aujourd’hui en terme de réformes sur le plan économique, politique et social,
et ce, face à cette mondialisation des marchés, la flexibilité des marchés du
travail et à la précarisation de nos ménages. Qu’ils soient de droite ou de
gauche, nos dirigeants sont incapables de prendre une décision constructive sur
l’avenir de la France et des Français à l’ère de la globalisation. Laissons à
Emmanuel Macron, l’actuel ministre de l’Économie, le loisir de proposer une
nouvelle réforme concernant le droit du travail, et ce, afin d’élaborer des
pistes de réflexion constructives qui pourraient aboutir à une possible sortie
de crise. Espérer la fin du capitalisme est une utopie dont nous ne pouvons
nous permettre. Par conséquent, il faudrait trouver un juste milieu entre les
intérêts des employés et celui des employeurs, et où, la solution ne réside pas
seulement dans la transformation du syndicalisme, mais peut-être dans
l’élaboration d’une coalition apolitique où employés et employeurs puissent
communiquer, dialoguer et échanger de manière constructive en gardant à
l’esprit que nous vivons dans un contexte où les marchés du travail sont
mondialisés et en perpétuelle transformation.
Bibliographie
Bourdieu,
P. (1998). « La précarité est aujourd’hui partout », dans Contre-Feux. Paris.
Bourdieu, P. (1998). « L’essence du néolibéralisme », Le
Monde diplomatique, Paris.
Castells, M. (1998). « La transformation du travail et de
l'emploi. Travail en réseau, chômage et travail flexible » dans La société en
réseaux. L’ère de l’information, Fayard, Paris.
Noiseux, Y. (2014). Transformations des marchés du travail et
innovations syndicales au Québec: Presses de L'Université du Québec.
Standing, G. (2011). « The Precariat », dans The Precariat :
The New Dangerous Class,
Bloomsbury, New York.
[2] Terme à prendre ici avec
précaution car il renvoie ici à un sentiment de normalité quand à une situation
précise.
[4] Voir Bourdieu (1998),
Standing (1998), Castells (2011).
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