lundi 2 novembre 2015

Le modèle coopératif, une lueur d’espoir


Le modèle coopératif, une lueur d’espoir

À partir de l’article d’Alexandre Faille dans la tribune de La Presse faisant l’éloge des coopératives du Québec suite 21ème Gala Mérite coopératif 2015, je vous propose une réflexion sur les avenues qu’amène le développement du modèle coopératif au sein d’une société dominée par le néolibéralisme.

La guerre de tous contre tous

Pour Bourdieu, le néolibéralisme est la destruction des résistances collectives, l’individualisation des salaires et des carrières et la culture du tous contre tous. Dardot et Laval renchérissent en affirmant que l’évaluation comme mode disciplinaire mène à désir individuel d’améliorer ses performances et à la culpabilisation dans l’échec. Ces derniers ajoutent aussi que l’État crée de la concurrence, ce qui oblige les individus à choisir et à se considérer responsable de leur choix. Sous les mots d’ordre réalisme, rigueur et modernité, nous en venons à naturaliser les pratiques de gestions compétitrices et à miser sur notre capital humain en tentant d’être l’instrument de notre succès individuels. Les individus, ainsi atomisés, semblent ne pas considérer que les gains collectifs résultant des luttes syndicales équivalent les sacrifices individuelles qu’ils et elles devront faire pour les obtenir. Dans le capitalisme avancé, les luttes sont multiples. Il faut lutter contre le patronat qui perçoit les profits de notre labeur, mais aussi, et c’est surtout à cette endroit que l’on dirige l’énergie des employé(e)s il faut lutter avec les autres entreprises et nos collègues de travail, pour individuellement atteindre le sommet de la plus haute pyramide.

Une lueur d’espoir

La particularité de la formule coopérative renverse en quelques sortes cette logique en misant sur la solidarité et la coopération. Au Sommet international des coopératives en 2014, les jeunes coopérateurs témoignaient de leur volonté de créer un monde global sans frontière en passant : « d'un modèle économique fondé sur l'accumulation individuelle des richesses et du pouvoir vers un système poursuivant le bien-être collectif des individus et de notre planète par le biais de la redistribution des ressources et la propriété collective»[1]. En effet les principes reconnus par l‘Alliance coopérative internationale  (ACI) inclus le pouvoir démocratique exercé par les membres selon le principe d’un membre un vote, la coopération entre coopérative et l’engagement envers la communauté[2]. Ainsi le mouvement coopératif revendique l’autogestion et applique une structure qui favorise l’entraide en dépassant le rapport inégalitaire de la charité.  

Faille nous présente les coopératives honorés en Estrie la semaine dernière. Parmis elles, je retiens La Frabrique qui s’est vue décerné le prix de la nouvelle coopérative. La Fabrique est une coopérative de solidarité qui permet à ses membres d’œuvrer sur des projets d’art ou d’artisanat  en ayant accès à une gamme d’outils traditionnels ou hautement technologiques. La coopérative et ses membres producteurs offrent des formations diversifiées qui ont pour but de développer le potentiel créateur de tous et permettent à la communauté sherbrookoise de s’initier à la fabrication sous toutes ses formes[3]. La Fabrique, qui a d'ailleurs inauguré ses nouveaux ateliers d'ébénisterie, de mécanique, d'électronique et d'art la semaine dernière.  Le président Julien Lamarche indique que « Ce que ça me dit, c'est que l'idée de la Fabrique inspire les gens, ça vient conforter ce volet […]notre plus grande fierté, ce sont les projets qui émergent de la Fabrique, les gens qui sont heureux de se découvrir une passion dans la fabrication et les rencontres avec la communauté.»[4]

Rupture et continuité

Bien qu'elles soient gérées par leurs membres, les coopératives sont des entreprises et doivent faire face à un marché compétitif. Le fait qu'il 'agisse d'une initiative d'économie sociale peut encourager certain(e)s consommateurs-consommatrices, mais d'autre aspect tel que le prix et la qualité des produits peut aussi peser dans la balance. Dans les entreprises non-coopératives, l'évaluation constante des employé(e)s peut les amener à s'imposer à eux et elles-mêmes énormément de pression. La responsabilité que ressentent les employé(e)s face au succès de l'entreprise est toujours présente au sein des COOP et les membres travailleurs et travailleuses, pouvant être émotionnellement impliqué(e)s dans leur milieu de travail, ne sont pas à l’abri du stress de la société actuelle. Il faudrait voir si ce mode d'organisation  permet de créer une contre-culture fasse à l'individualisme ambiant. Ce modèle est certainement porteur d'espoir. Ces principes de fondateur de solidarité et de démocratie incitent à considérer le facteur humain comme l'entendait Elton Mayo c'est-à-dire en prenant en compte de le vécus des humain(e)s impliqué(e)s dans l'entreprise et non seulement un élément de productivité. Je crois que d'un point de vue éthique, l'autogestion est un modèle idéal qui peut très bien fonctionner à petite échelle. Je suis emballée par les coopératives comme La Fabrique qui s'implique dans leur communauté. Il faut s'intéresser à ce type d'organisation et voir dans quelle mesure elles peuvent être des vecteurs de changement social

Pascale Lafrenière


[2] Qu’est-ce qu’une coopérative ?, collection « outils coop » , MDEIE, Gouvernement du Québec, 2000 (mise à jour en avril 2009)

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