La compagnie Bombardier fait partie du paysage québécois
depuis plus de 70 ans. Le géant du transport a connu de nombreuses périodes
prospères au fil des années. Cependant, l’entreprise a connu un revers majeur
la semaine dernière en essuyant une chute de 17,4% à la bourse[1], soit des pertes de plus
de 4,9 milliards de dollars[2]. Le journal L’actualité
nous fait état de la situation de la compagnie, jeudi dernier, dans un texte
signé Pierre Duhamel[3]. En résumé, le Québec veut
investir 1,34 milliard de dollars dans l’entreprise afin de maintenir en marche
la production des avions de la Cseries[4]. Cette décision, controverser
par certains, s’inscrit dans un contexte politique important. En effet, cette
décision de l’état coïncide avec l’avènement marqué des contestations des
conditions de travail dans le secteur public. La médiatisation de cette
transaction a donc explosé en flèche.
Le soulèvement social entourant l’investissement de 1,34
milliard de dollars de Québec dans cette entreprise privée, se dévoile comme un
couteau à double tranchant. En effet, autant l’action du gouvernement Couillard
que son inaction soulèvent des enjeux sociaux et politiques d’envergure.
Tout d’abord, l’inaction de Québec dans l’aide apporté à
cette entreprise pourrait engendrer (à moyen long terme) la fermeture de
l’usine de production des Cseries. Ce qui implique une perte d’emplois directe pour
plus de 400 travailleurs(es) québécois(es) spécialisés et bien rémunérés[5]. Le mode de production de
ces engins étant trop dispendieux pour compétitionner sur le marché international.
La production des Cseries se verrait déplacer dans des pays où la main-d’œuvre
est considérablement moins dispendieuse. Dès lors, les postes coupés au Québec
seront ceux de travailleurs(es) spécialisés. De plus, plusieurs emplois connexes
seront perdus, relativement à la conception de certaines pièces (pensons aux
moteurs conçus chez Pratt & Whitney Canada). On peut donc soulever la
question suivante ; est-ce que le gouvernement n’aurait pas aidé
financièrement cette entreprise dans l’objectif d’économiser des couts à long
terme sur le chômage ? Probable… Mais mettons les choses au clair, la
plupart du temps on parle, au Québec, en terme de capital, de profit et
d’investissement. Les enjeux d’épargne sont moins présents sur la scène
médiatique et politique.
En second lieu, l’Action même du gouvernement Couillard
entre en conflit direct avec l’idéologie proposé par ce gouvernement prônant
l’intégrité et la transparence. En effet, du premier coup d’œil, on pourrait
facilement croire que le cabinet Couillard ne fait cet investissement
uniquement dans le but de sauver une entreprise Québécoise culte ainsi que les
nombreux employés y travaillant. Cependant, « Alain Bellemare a assuré que
Bombardier continuait d’explorer toutes les possibilités afin de trouver des
solutions bénéfiques non seulement pour elle, mais aussi pour ses clients et
ses actionnaires »[6]. Le gouvernement, de son
côté, parle des profits anticipés et les retours sur investissement prévu en
donnant un second souffle à cette entreprise québécoise. La problématique
s’inscrit donc dans la fructification de ce dit capital pour les actionnaires,
preuve que la politique et l’économie ne sont pas des concepts trop éloignés
l’un de l’autre. En d’autres termes, bien que Québec détienne désormais un peu
plus de la moitié de la bannière des Cseries, le fait qu’il investisse dans cette
entreprise assure la remontée de l’action de la compagnie en bourse (6,77%)[7] et donc favorise certains
investisseurs et leurs intérêts personnels au profit des contribuables. On peut
alors se questionner sur les actionnaires eux-mêmes et leurs liens avec les
représentants du gouvernement Couillard. En effet, à maintes reprises, les
médias ont mentionné des liens étroits entre certains politiciens influents
dans cette transaction et certains actionnaires.
En somme, nous pouvons faire un parallèle entre l’action
du gouvernement pour sauver cette entreprise québécoise et le néolibéralisme.
Comme le mentionnait Keynes, l’état doit intervenir pour assurer le plein
emploi des travailleurs[8]. Cependant, Harry
Braverman critique l’état providence en nous alarmant sur la déqualification à anticiper du travail[9]. Effectivement, comme
mentionner précédemment, la possibilité de délocaliser les emplois en les simplifiant
et en les donnants à de la main-d’œuvre non qualifier pour diminuer les couts
de production n’est pas exclu. Friedmann nous informe donc de la compétitivité
grandissante qui pourrait s’installer entre les travailleurs du milieu pour l’accès
à un emploi et un salaire décent[10]. L’investissement de
Québec dans la bannière des Cseries de Bombardier s’inscrit donc dans une
vision engagée de l’État ou ce dernier agit comme vecteur de changement[11].
Finalement, Duhamel soulève également dans son article l’idée
que la participation du gouvernement dans la restructuration de cette
entreprise sous-entend l’acceptation d’une gestion administrative déficiente. En
effet, si les Cseries en sont rendus au point où ils en sont en ce moment, on
peut imaginer les problématiques en amont ! Il ajoute que l’investissement
que fait Québec se situ uniquement dans la filiale des Cseries, et non pas dans
l’entreprise bombardier. Est-ce un risque à long terme ? Cet
investissement va-t-il influencer réellement le sort des Cseries ? Les
emplois spécialisés et bien rémunérés au Québec vont-ils tout de même être
relocalisés dans des pays où la main-d’œuvre est moins dispendieuse dans un
objectif de maximisation du capital ? À voir…
Gabrielle Germain
[1] Bérubé,
Gérard, « L’action de Bombardier chute en Bourse », Le Devoir,
Actualités économiques, octobre 2015. En ligne au <http ://www.ledevoir.com/economie/actualites-economiques/453926/l-action-de-bombardier-chute-en-bourse>,
consulté le 31 octobre 2015.
[2] Lesaffaires.com,
« Bombardier : une perte de 4,9G$ et une participation de 1G$ de
Québec », les affaires, Bourse, Nouvelles économiques, octobre 2015. En
ligne au < https://www.lesaffaires.com/bourse/nouvelles-economiques/bombardier-une-perte-de-49g-et-une-participation-de-1g-de-quebec/582853>,
consulté le 31 octobre 2015.
[3] Duhamel,
Pierre, « Bombardier : le risque politique et le risque
économique », L’actualité, économie, octobre 2015. En ligne au < http://www.lactualite.com/lactualite-affaires/bombardier-le-risque-politique-et-le-risque-economique/>,
consulté le 31 octobre 2015.
[4] Ibid.
[5] Leprince,
Jean-Michel, « Cseries : Bombardier joue gros au salon du Bourget »,
Radio-Canada, Économie, juin 2015. En ligne au < http://ici.radio-canada.ca/nouvelles/economie/2015/06/10/001-bombardier-appareils-cseries-salon-aeronautique-bourget.shtml>,
consulté le 31 octobre 2015.
[6] Marowits,
Ross, « Le millaird de Québec à Bombardier : une mesure parmi
d’autres, dit le président », La presse .ca, Affaires ; économie,
novembre 2015. En ligne au < http://affaires.lapresse.ca/economie/transports/201511/01/01-4916148-le-milliard-de-quebec-a-bombardier-une-mesure-parmi-dautres-dit-le-president.php?utm_categorieinterne=trafficdrivers&utm_contenuinterne=envoyer_lpa>,
consulté le 1er novembre 2015.
[7] Ibid.
[8] Noiseux, Yanick,
(5 octobre 2015), Sol 2015 - Note de cours sur ; Après le compromis
fordiste. [Présentation Power Point]. Repéré dans l’environnement
StudiUM : http://studium.umontreal.ca/
[9] Ibid.
[10] Dardot, Pierre
et Christian Laval. 2009. La nouvelle raison du monde. Essai sur la société
néolibérale, La Découverte, Paris. Pp. 299-306; 309-313.
[11] Ibid.
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