lundi 2 décembre 2013

Travailleurs domestiques et aides familiaux : dans une classe à part ?



Dernièrement au Québec, la Coalition «CSST pour les travailleuses et travailleurs domestiques du Québec», des groupes de défense des aides familiales et divers groupes se sont mobilisés pour que ces travailleuses et travailleurs domestiques puissent bénéficier des mêmes droits que tous les autres travailleurs. Ces groupes et associations souhaitent notamment que les aides familiaux soient intégrés à la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles (LATMP) et souhaitent que la ministre Agnès Maltais s’occupe du dossier le plus rapidement possible. En effet, les aides familiaux sont sous la protection des normes du travail, mais demeurent exclus de la LATMP, comme le mentionne Pineda dans son article. Certaines personnes et des regroupements ont tenu à mentionner que les conditions de travail de cette catégorie de profession n’ont presque pas progressées et stagnent depuis longtemps.  

Il faut rappeler que les travailleuses et les travailleurs domestiques (ou aides familiales) représentent une catégorie professionnelle vulnérable, en raison principalement des mauvaises conditions de travail de ces types de travail (quantité des tâches à effectuer, salaire minimum, longues heures de travail, lourd investissement personnel demandé dans le travail, etc.), mais aussi à cause des caractéristiques particulières de ces types de travail. Une grande proportion des aides familiales résidentes (AFR) proviennent de d’autres pays (des Philippines principalement), et cherchent à  fuir le cercle vicieux  de la pauvreté de leur pays d’origine et recherchant une meilleure qualité de vie. Via le programme PAFR du gouvernement, les travailleuses domestiques philippines peuvent venir travailler dans un ménage canadien et chez des particuliers. Après 24 mois au service d’un ménage ou après un certain nombre d’heures de travail, ces travailleuses peuvent éventuellement acquérir leur résidence permanente.

Les revendications et les mobilisations des aides familiales résidantes (93 % seraient des femmes au Québec), des travailleurs domestiques et des groupes de soutien font suite à un certain état des choses. En effet, les travailleuses domestiques n’ont pas le sentiment d’avoir le même statut et les mêmes protections que les autres travailleurs. Il existe un flou concernant ce travail, peut-être en partie parce qu’il est effectué souvent dans des maisons privées chez des particuliers. Durant les premiers mois de travail dans leur nouveau pays (24 mois), les travailleuses  domestiques émigrantes du programme PAFR sont dans l’impossibilité de changer d’employeur, ce qui peut ouvrir la porte à des formes d’abus de la part de l’employeur. De plus, les aides familiales résidantes doivent souvent demeurer chez leur employeur (parfois les fins de semaine également) et rester constamment à la disposition du ménage pour lequel ils travaillent. L’objectif des groupes de travailleuses et travailleurs domestiques et des groupes de soutien est donc de créer des liens de solidarité, afin de réduire l’isolement, de construire un réseau d’entraide et de protéger les droits de ces types de travailleurs.

À mon avis, le cas des aides familiaux représente un bel exemple de la division sexuelle et ethnique du travail et les inégalités qui s’ensuivent. Ainsi, certaines catégories professionnelles sont composées majoritairement de femmes ou d’individus issus de l’immigration. Le recours aux immigrants dans le secteur domestique et sanitaire est fréquent et n’est pas nouveau (Cognet et Fortin, 2003). Il y a des disparités notamment quand certains groupes sociaux se voient enfermés dans des emplois atypiques ou précaires. Le Canada accueille un certain nombre de travailleurs migrants qui participent ainsi pleinement au développement économique du pays. Au Québec, il y a aussi l’exemple des travailleurs migrants temporaires qui travaillent aux champs et qui proviennent majoritairement de pays du Sud. Les conditions de ces travailleurs et travailleuses sont généralement difficiles et sont dans une situation qui peut les rendre vulnérable aux abus. Avec la fragmentation du travail et le développement du secteur périphérique, tous les travailleurs n’ont pas tous le même statut, ni les mêmes avantages/protections les uns par rapport aux autres  (Durand, 2004). C’est la  réalité de la grande flexibilité du travail : on multiplie les stratégies pour réduire les coûts (sous-traitance, délocalisation, etc.), combler les besoins de main-d’œuvre  et cela creusent les écarts entre les statuts des travailleurs et créé des classes de travailleurs et travailleuses en position précaire.

Par ailleurs, c’est dans ce contexte que les travailleurs domestiques travaillant dans des ménages privés réclament une amélioration de leurs conditions de travail et souhaitent avoir les mêmes droits et les mêmes protections que les autres groupes de travailleurs. La catégorie de profession des aides familiaux a souvent eue  à lutter pour sortir de l’ombre. Il y une sorte de pensée unilatérale qui se développe : on dénonce les coûts de l’immigration, mais en même temps la main-d’œuvre immigrante est souvent indispensable pour certains secteurs où il y a un manque de main-d'oeuvre au niveau local.  Actuellement, des groupes  se sont associés pour dénoncer les conditions de travail des travailleurs domestiques qui exercent un métier qui est bien souvent dévalorisé.   

Simon Gélinas-Leguerrier    


Sources :

Durand, Jean-Pierre. 2004. «Les réformes structurelles de l’entreprise : l’intégration réticulaire et le flux tendu», Éditions du seuil, Paris.

Cognet, M. et Fortin, S. (2003). «Le poids du genre et de l’ethnicité dans la division du travail en santé », dans Lien social et politique.  

Pineda, Amélie (2013). «Travailleurs domestiques : ils veulent être couverts par la CSST»

<http://24hmontreal.canoe.ca/24hmontreal/actualites/archives/2013/10/20131027-160422.html>    



  



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