vendredi 13 décembre 2013

Compressions budgétaires veut dire coupures d'emplois. Tout ça a été bien emballé dans un paquet spécial Noel par Poste Canada. Il fallait bien s'adapter au temps des fêtes. Il faut bien s'adapter à l'époque aussi disent-ils. Alors pour augmenter la qualité du service on coupe dans le service. Ce non-sens est rempli de signification et caractérise de manière phénoménale l'époque actuelle justement. Qu'y a-t-il de nouveau sous le sapin? Rien. Des coupures d'emplois: « Postes Canada estime pouvoir réaliser d'importantes économies en procédant de la sorte, puisqu'elle pourra réduire son nombre d'employés affectés à la livraison du courrier. » Ce n'est pas Marx justement qui disait que la survaleur se cultivait au sein de la force de travail[1]? Peu importe, ce genre de pratiques étatiques permet de constater ce que Pierre Dardot et Christian Laval on su si bien démontrer c'est-à-dire que «Loin d'être l'obstacle que l'on croit à cette extension de la logique du marché, l'État en est vite devenu l'un des principaux agents, sinon le vecteur essentiel.[2]» N'est-ce pas là une décision présentée comme ce que Bourdieu identifiait à une des caractéristiques du néolibéralisme, c'est-à-dire une « chaine de contraintes entrainant les agents économiques[3] » à prendre des décisions logiques? Puisque c'est cela qui se manifeste devant nos yeux lorsqu'on tente d'analyser ce qui a bien pu motiver Postes Canada à agir aussi fortement. En effet, ce ne sont là que les effets pervers du néolibéralisme qui a su imposer ce genre de pratiques comme allant de soi.
On doit s'inquiéter du sort des quelque 8000 travailleurs qui vont se retrouver sans emploi du jour au lendemain. Alors qu'on ne cesse de nous casser les oriels avec le plein emploi, il semble paradoxalement être tout à fait normal et nécessaire de supprimer des emplois un peu partout. Mais encore, les pratiques managériales se présentent sous leur meilleur jour lorsqu'on constate que beaucoup de travailleurs n'ont même pas été directement informés de la nouvelle et que comme le rapporte Le Nouvelliste qui fait part de « l'inquiétude chez les travailleurs de Poste Canada » la plupart des travailleurs apprennent la nouvelle par « l'entremise d'un client ou un ami ». Quoi de nouveau sous le sapin? Rien. Encore des travailleurs laissés à eux-mêmes.
Le Devoir rapportait que la société d'État comptait sur la retraite éventuelle de plusieurs milliers de ses travailleurs pour amortir le choc. Semble-t-il que des retraités c'est toujours mieux que des chômeurs pour cette société travailliste. Avançant encore une fois cet argument fataliste si cher et si caractéristique au néolibéralisme comme l'avait démontré Bourdieu Postes Canada affirmait que « la mise en oeuvre du plan annoncé mercredi était inévitable puisque son modèle d'affaires actuel était insoutenable ». Alors que les syndicats proposaient des solutions pour ne pas supprimer les emplois et ne pas affecter la rentabilité de la société d'État, Postes Canada préférait se cacher derrière le jupon économiste. Assez de caricature, il est tout de même très préoccupant qu'on accepte ce genre de décisions comme allant de soi, comme une réalité évolutionniste qui était inévitable avec le développement technologique. Ces délires post-industrialistes qui prétendaient que des emplois doivent disparaitre, mais qu'inévitablement d'autres seraient crées grâce au développement technologique[4].
Bien évidement que le gouvernement Conservateur n'a pas manqué le bateau et a inévitablement mobiliser l'argument du développement technologique pour justifier la décision. Lisa Raitt la ministre responsable de Postes Canada écrivait dans un communiqué: « Dans le monde numérique d'aujourd'hui, les Canadiens envoient beaucoup moins de courrier qu'auparavant ». Comment ne pas être outré devant une telle légèreté d'esprit qui a de lourdes conséquences. Encore une fois, on vise un objectif qui semble complètement incompatible avec la réalité économique contemporaine. On vise le plein emploi en supprimant des emplois. Ce paradoxe pourrait faire chavirer n'importe quel navire, n'importe quel système , mais le capitalisme se nourrit de paradoxes alors nous assistons simplement à un autre triste épisode de l'esprit néolibéral du capitalisme...    

Adis Simidzija 



[1] Pour ne pas platement citer Marx je vais me référer à: Jean-Pierre Durand, 1995, « La sociologie de Marx »,  Paris, La Decouverte, p.12
[2] Pierre Dardot et Christian Laval, 2010, « Néolibéralisme et subjectivation capitaliste », Cités, no. 41, PUF, p. 38  
[3] Pierre Bourdieu, mars 1998, « L'essence du néolibéralisme», Le Monde diplomatique, Paris, . p.12
[4] Je fais référence ici de façon générale aux auteurs comme: Daniel Bell, Alain Touraine, Alvin Toffler. 

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