Compressions budgétaires veut dire coupures
d'emplois. Tout ça a été bien emballé dans un paquet spécial Noel par Poste
Canada. Il fallait bien s'adapter au temps des fêtes. Il faut bien s'adapter à
l'époque aussi disent-ils. Alors pour augmenter la qualité du service on coupe
dans le service. Ce non-sens est rempli de signification et caractérise de manière
phénoménale l'époque actuelle justement. Qu'y a-t-il de nouveau sous le sapin?
Rien. Des coupures d'emplois: « Postes Canada estime pouvoir réaliser
d'importantes économies en procédant de la sorte, puisqu'elle pourra réduire
son nombre d'employés affectés à la livraison du courrier. » Ce n'est
pas Marx justement qui disait que la survaleur se cultivait au sein de la force
de travail[1]?
Peu importe, ce genre de pratiques étatiques permet de constater ce que Pierre
Dardot et Christian Laval on su si bien démontrer c'est-à-dire que «Loin d'être
l'obstacle que l'on croit à cette extension de la logique du marché, l'État en
est vite devenu l'un des principaux agents, sinon le vecteur essentiel.[2]» N'est-ce pas là une décision présentée
comme ce que Bourdieu identifiait à une des caractéristiques du néolibéralisme,
c'est-à-dire une « chaine de contraintes entrainant les agents économiques[3] » à prendre des décisions logiques? Puisque c'est
cela qui se manifeste devant nos yeux lorsqu'on tente d'analyser ce qui a bien
pu motiver Postes Canada à agir aussi fortement. En effet, ce ne sont là que les
effets pervers du néolibéralisme qui a su imposer ce genre de pratiques comme
allant de soi.
On doit s'inquiéter du sort des quelque 8000 travailleurs qui vont se
retrouver sans emploi du jour au lendemain. Alors qu'on ne cesse de nous casser
les oriels avec le plein emploi, il semble paradoxalement être tout à fait
normal et nécessaire de supprimer des emplois un peu partout. Mais encore, les
pratiques managériales se présentent sous leur meilleur jour lorsqu'on constate
que beaucoup de travailleurs n'ont même pas été directement informés de la
nouvelle et que comme le rapporte Le Nouvelliste qui fait part de « l'inquiétude
chez les travailleurs de Poste Canada » la plupart des travailleurs apprennent
la nouvelle par « l'entremise d'un client ou un ami ». Quoi
de nouveau sous le sapin? Rien. Encore des travailleurs laissés à eux-mêmes.
Le Devoir rapportait que la société d'État comptait sur la retraite
éventuelle de plusieurs milliers de ses travailleurs pour amortir le choc. Semble-t-il
que des retraités c'est toujours mieux que des chômeurs pour cette société
travailliste. Avançant encore une fois cet argument fataliste si cher et si
caractéristique au néolibéralisme comme l'avait démontré Bourdieu Postes Canada
affirmait que « la mise en oeuvre du plan annoncé mercredi était inévitable puisque son
modèle d'affaires actuel était insoutenable ». Alors que les syndicats proposaient des
solutions pour ne pas supprimer les emplois et ne pas affecter la rentabilité
de la société d'État, Postes Canada préférait se cacher derrière le jupon
économiste. Assez de caricature, il est tout de même très préoccupant qu'on
accepte ce genre de décisions comme allant de soi, comme une réalité
évolutionniste qui était inévitable avec le développement technologique. Ces
délires post-industrialistes qui prétendaient que des emplois doivent
disparaitre, mais qu'inévitablement d'autres seraient crées grâce au
développement technologique[4].
Bien évidement que le gouvernement Conservateur n'a pas manqué le bateau et
a inévitablement mobiliser l'argument du développement technologique pour
justifier la décision. Lisa Raitt la
ministre responsable de Postes Canada écrivait dans un communiqué: « Dans le monde numérique
d'aujourd'hui, les Canadiens envoient beaucoup moins de courrier qu'auparavant
». Comment ne pas être outré devant une telle légèreté d'esprit qui
a de lourdes conséquences. Encore une fois, on vise un objectif qui semble complètement
incompatible avec la réalité économique contemporaine. On vise le plein emploi
en supprimant des emplois. Ce paradoxe pourrait faire chavirer n'importe quel
navire, n'importe quel système , mais le capitalisme se nourrit de paradoxes alors
nous assistons simplement à un autre triste épisode de l'esprit néolibéral du
capitalisme...
Adis Simidzija
[1] Pour ne pas platement citer Marx je
vais me référer à: Jean-Pierre Durand, 1995, « La sociologie de Marx », Paris, La Decouverte, p.12
[2] Pierre Dardot et Christian Laval,
2010, « Néolibéralisme et subjectivation capitaliste », Cités, no. 41, PUF, p.
38
[3] Pierre Bourdieu, mars 1998, « L'essence
du néolibéralisme», Le Monde diplomatique,
Paris, . p.12
[4] Je fais référence ici de façon générale
aux auteurs comme: Daniel Bell, Alain Touraine, Alvin Toffler.
Aucun commentaire:
Publier un commentaire