lundi 9 décembre 2013

Solidarité ou pauvreté?

Solidarité ou pauvreté?
            Afin d'aider ses employés à se payer un repas décent pour "Thanksgiving", une succursale de Wal-Mart en Ohio aux États-Unis a décidé d'organiser une collecte de denrées alimentaires pour ses employés. Que peut-on discerner derrière ce geste? Est-ce un simple acte de bonne foi de la part d'une compagnie qui prend soin de ses employés chéris? Ou bien est-ce un signe ultime de la conscience de Wal-Mart de la présence de la classe des travailleurs pauvres sous son toit?
            On peut au moins s'entendre sur le fait que cette collecte a déclenché une avalanche de mécontentements générale auprès de ses clients.  Ce qui les choque dans cette initiative qu'on pourrait qualifier de maladroite, est que le but originel d'une collecte de denrées alimentaires est supposée venir en aide aux personnes démunies. Or, elle vise les employés d'une entreprise. On pourrait donc comprendre que Wal-Mart est en train de se rendre compte que ses employés sont tellement pauvres qu'une collecte doit être organisée pour qu'ils puissent se payer "un peu de luxe". De l'autre côté de ce raz-de-marée d'injures, Wal-Mart se défend en disant que ce n'est qu'un geste de solidarité qui a d'ailleurs lieu depuis plusieurs années. Ce geste servirait à compenser pour une situation économique difficile générale et non à un salaire trop bas offert par la compagnie. En prenant en compte cet argument, il est donc impensable pour Wal-Mart d'augmenter les salaires puisque ses employés sont "en haut du seuil de pauvreté". Autrement dit, les employés manquent assez d'argent pour avoir besoin de l'aide de la population pour se nourrir, mais ne sont pas assez pauvres pour qu'on augmente leur salaire. En effet, "en moyenne, un employé à temps plein chez Wal-Mart travaille entre 37 et 38 heures et reçoit un salaire annuel de 25 000$US, selon les données de l’entreprise [de plus,] le gouvernement américain considère le seuil de pauvreté à 23 550 $US pour une famille de quatre enfants." Soit une maigre différence de 1450$. Par contre, il faut prendre en considération la présence d'employés ne travaillant qu'à temps partiel chez Wal-Mart, qui représentent une portion non-négligeable des employés, et qui n'atteignent donc pas nécessairement le salaire moyen de l'employé de Wal-Mart.   
            C'est à ce moment qu'on peut se demander si, comme le dit Barbara Ehrenreich, le seuil de pauvreté est vraiment calculé de la bonne façon. Selon elle, il est tout à fait possible de vivre dans la pauvreté, même en ayant un emploi à temps plein. Selon elle, il y a un problème quand un employé seul travaillant à la sueur de son front n'arrive pas à survivre (Ehrenreich, 2004). Cela nous amène à nous questionner sur l'existence du travailleur pauvre qui essaie tant bien que mal de s'en sortir, mais qui ne connaît malheureusement rien de mieux. Un dernier point important apporté par Ehrenreich (2004) est le suivant: "Les employeurs utilisent tous les moyens et toute la force dont ils disposent pour ne pas augmenter les salaires." On peut donc se demander: Est-ce qu'une collecte de nourriture pour ses employés est une bonne stratégie?
Par Vincent Bérubé

1.Ehrenreich, Barbara. 2004. L'Amérique pauvre. Comment ne pas survivre en travaillant, Grasset, Paris. Pp. 293-335.

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