samedi 21 décembre 2013

L'esprit sacré de la croissance
Dans un article du journal français Le Monde, un vent d'optimisme se fait sentir alors que le journal vente les mérite de la surprenante croissance de l'économie étasunienne en titrant « Les bonnes surprises de la croissance américaines ». Qu'est-ce que l'article nous apprend donc? Tout d'abord que l'économie étasunienne a fait un bond avant de 4.1% au dernier trimestre. Ce sont de bonnes nouvelles pour les protagonistes du marché financier. Or, qu'est-ce qui explique cette progression inattendue? Le journal rapporte que c'est la consommation de services qui est à l'origine de cette croissance. Entre la consommation se rattachant à la restauration et le renouveau de l'industrie automobile, on observe aussi que la reprise est notamment redevable à la consommation de services de... santé. Oui les services de santé sont un vecteur de la croissance étasunienne. Comme quoi le capitalisme sauvage puise ses sources là où il peut. Le Monde n'élabore cependant pas sur ce qui a été consommé en santé, mais on peut bien conclure avec un brin d'humour teinté d'une triste réalité que plus les gens sont malades aux États-Unis, mieux c'est pour l'économie.
La création d'emploi ne semble pas résultée de cette reprise puisque les investissements ont surtout été effectués dans l'achat d'équipement. Donc rien de concret pour les travailleurs si ce n'est que de nouveaux équipements avec lesquels ils pourront travailler. L'optimisme vient du fait que les résultats dépassent les prévisions faites. Cela est caractéristique de l'économie financiarisée où la spéculation détermine trop souvent l'humeur de l'économie globale. C'est cette spéculation qu'il faudrait peut-être combattre puisqu'elle est souvent à l'origine de perte d'emplois et de crises. Parce que c'est la réalité de l'économie à l'ère du néolibéralisme. Elle est assujettie à la spéculation financière. Les coupures budgétaires sont essentiellement basées sur la projection. Il n'y a qu'à prendre en exemple Postes Canada qui projette des pertes records en 2019 pour justifier les coupures actuelles. Il demeure préoccupant que l'économie abstraite domine l'économie réelle. Ce changement ne date pas d'hier[1], mais ses effets sont extrêmement pervers et l'emploi demeure sous sa domination. C'est tout de même ça la réalité du travail contemporain. Il demeure fortement sous l'influence d'éléments qui se retrouvent à l'extérieur de la productivité et de ce qui le caractérise.     
Il aurait été intéressant d'observer si cette consommation est due à un accès accru des ménages au crédit, ou peut-être à une hausse des salaires, etc. Beaucoup de questions qui prennent la poussière et auxquels il est difficile de répondre puisque le système est fait ainsi. Cela nous ramène à se questionner sur la crédibilité et la nécessité de la croissance comme l'a fait Serge Latouche[2] de manière admirable. En effet, cet exemple tend à démontrer que la croissance ne crée pas nécessairement de l'emploi et qu'elle est de plus en plus l'effet de facteurs qui échappent aux économistes. Cette tendance financiarisée de l'économie s'est accentuée avec l'entrée dans la phase néolibérale du capitalisme, il n'est donc pas étonnant qu'on en soit à ce point de non-retour aujourd'hui. Chaque système a ses limites et peut-être que le fantasme marxiste n'est pas si loin, mais comme un cancer qui persiste le capitalisme, encore plus dans sa phase néolibérale, fait des victimes et les travailleurs en sont souvent les premiers infectés. En attendant un tel dénouent qui ne viendra peut-être jamais, le triste sort des travailleurs reste aux mains de l'économie de marché qui perd ses repères de plus en plus et les exemples pleuvent de son inefficacité, Postes Canada est le dernier exemple en liste et la liste s'allonge. N'ayez crainte Le Monde rappel que la croissance se poursuivra l'année prochaine, mais de manière très limitée et que « les salaires et la consommation restent anémiés »...     

                                                                                                                                            Adis Simidzija 
 


[1] Louis Gill, 2004, « Le néolibéralisme », Montréal: Chaire d'études socio-économiques de l'UQÀM, 2e édition, 84 pp.  
[2] Serge Latouche. 2007. « Décroissance, plein-emploi et sortie de la société travailliste », Entropia, revue d’étude théorique et politique de la décroissance, n° 2, 2007, p. 11-23

Aucun commentaire:

Publier un commentaire