mardi 8 septembre 2015

L'enjeu d'une solidarité syndicale étudiante

              

                 
           Alors que les étudiants jeunes et moins jeunes se dirigent à nouveau vers les bancs d’école, une amertume depuis longtemps pressentie gronde chez leurs professeurs dénonçant les conditions de travail en dégradation continue sous les politiques du gouvernement Couillard.  Un article paru le 3 septembre sur le réseau d’information Radio-Canada fait état d’un mouvement de grève imminent regroupant 34 000 d’entre eux sous la bannière de la FAE (Fédération autonome de l’enseignement).  Principalement localiséEs dans la région de Montréal et en Outaouais, ils et elles délaisseront massivement leurs salles de classe pour une durée de trois jours sur une base rotative.  Cette action affirmative s’inscrit en parallèle des démarches du Front commun représentant quant à lui plus 400 000 travailleurs et travailleuses de la fonction publique, en assemblant des groupes majeurs tels que la CSQ, FTQ et la CSN.  Dans leur cas, la demande de grève s’étend à une durée de six jours et correspond tout autant au cadre légal établi concernant la faillite des négociations selon un délai raisonnable.  La FAE apparaît en ce sens tout à fait légitime de se tourner vers une hausse de la pression exercée sur le gouvernement étant donné la succession de 70 rencontres sans résultat, face à 54 pour trouver un accord lors de l’élaboration de la dernière convention collective. 

             Le délai opposant ces deux instances distinctes aux intérêts similaires est assez révélateur des effets des politiques néo-libérales sur le potentiel revendicateur des groupes assurant la défense des droits des travailleurs et travailleuses.  Si les thèses de Pierre Bourdieu annonçant l’aseptisation prochaine des forces collectives au profit d’une individualisation du rapport salarial ne trouvent un parfait écho  au sein de la fonction publique jouissant d’un certain historique de protections privilégiées, l’asynchronisme des acteurs du même camp en cette lutte contre l’austérité est parlant.  Cette impression anecdotique se confirme au regard de l’apport du mouvement étudiant au printemps 2015 : malgré la démonstration d’une grande solidarité envers les professionnelLEs également touchéEs par de sévères coupures budgétaires, l’absence de restrictions légales entourant le droit de grève étudiant a nourri une distance entre les deux mouvements.  Distance temporelle d’abord vu l’écart de six mois opposant les deux débrayages mais aussi idéologique selon toute vraisemblance, alors que les deux mouvements présentent de fortes divergences quant à la profondeur des réformes nécessaires à la résolution durable du conflit. 


Il devient malaisé de se représenter les chances de succès d’une lutte locale aussi fragmentée face à une tendance mondialisée sous l’action d’institutions internationales, dont notamment le FMI et la Banque mondiale.  Leur logique imposant violemment la foi en un marché parfaitement libre ne trouve pour Bourdieu qu’une réponse en un État fort agissant consciemment et conjointement à d’autres pour en réduire l’influence, un portrait fort éloigné du gouvernement libéral en incarnant un outil avoué...

Référence : 
Bourdieu, Pierre. Mars 1998. « L’essence du néolibéralisme », Le Monde diplomatique, Paris,
p. 11-15.

Aucun commentaire:

Publier un commentaire