Travailleurs temporaires mauriciens
risquent l’expulsion du Canada
Dix-neuf
travailleurs temporaires mauriciens risquent d’être expulsés du pays d’un jour
à l’autre. Ces personnes travaillent
depuis presque quatre ans comme bouchers chez Olymel, une entreprise québécoise
de transformation de viande, notamment de porc et de volaille. Nous savons déjà
que les travailleurs étrangers temporaires, précarisés, accèdent difficilement aux services publics de
santé, de services sociaux, de protection en cas de chômage et à la
syndicalisation. La situation particulière de ces personnes nous invite à réfléchir
sur les discours dominant sur la qualification et la centralité du travail
ainsi que sur le rôle du syndicalisme.
Ces bouchers
détiennent des permis de travailleurs étrangers temporaires (TET) qui viennent
à échéance incessamment. Comme leur métier était considéré qualifié, ils pouvaient
effectuer une demande de résidence permanente avant l’échéance de leur permis.
C’est ce qu’ils ont fait comme des
compatriotes et collègues d’Olymel
avant eux. Or, les modifications apportées au Programme d’étrangers temporaires
PTET par Emploi et Développement social Canada viennent changer la
situation. Depuis l’automne
dernier, c’est le salaire médian, et non plus le niveau de qualification d’un
emploi, qui determine la possibilité de demander la résidence permanente pour
des travailleurs étrangers temporaires.
Toutefois, leurs demandes de Certificat de sélection du Québec,
nécessaires à l’obtention de la résidence permanente, ont été refusées sous
prétexte que leur métier n’est pas qualifié et ce, même si le programme fédéral
exige maintenant que le salaire des travailleurs soit le critère d’amissibilité. Ces dix-neuf personnes sont donc désormais
indésirables, même si elles ont tissé des liens et eu des enfants au
Québec. Comme d’autres travailleurs
étrangers temporaires ayant séjourné au Canada pendant quatre ans, ils doivent
maintenant quitter le pays pendant une période de quatre ans avant de pouvoir y
revenir comme travailleurs temporaires.
La
qualification du travail se
construit à l’intersection de plusieurs rapports de domination, notamment de
genre, de classe et de race. (Kergoat, 2009 dans Yerochewski et al) Est-il donc
plus facile de déclasser un métier quand il est exercé par des travailleurs
migrants temporaires racisés, par exemple des bouchers mauriciens? Le cas des
immigrants mauriciens est particulièrement emblématique de la construction
de la déqualification; comment une personne peut-elle être qualifiée un jour et
déqualifiée le lendemain? Le critère du salaire médian est loin d’être une
panacée ; plusieurs
travailleurs étrangers temporaires exercent un travail très qualifié mais
reçoivent un salaire inférieur au salaire médian. De manière plus générale,
nous devons nous poser la question si la qualification est un critère juste pour
permettre l’immigration, temporaire ou pas. Ce qui nous mène à notre prochaine
préoccupation l’hyper-centralité du travail contemporaine.
Le
discours dominant réduit les personnes à leur statut de travailleurs d’autant
plus si elles sont immigrantes et racisées; nous oublions donc que ces
personnes ont et tissent des liens ; elles ont des familles, des amis, des
amants et des collègues. De plus en plus, c’est le fait qu’une personne puisse
répondre aux demandes flexibles à souhait du marché du travail qui constitue,
dans les lois sur l’immigration et dans le sens commun, une condition à son
droit d’immigrer et de rester. Mais ces personnes ont aussi des rêves et certaines s’engagent dans des
associations, comme certains des Mauriciens qui sont membres de l’Association
des travailleurs et des travailleuses étrangers temporaires (ATTET), fondée par
le Centre des travailleurs et travailleuses immigrants de Montréal (CTI). Au lieu de réfléchir à ces personnes en
terme de compétences spécifiques qu’elles apportent au marché du travail, ne
devons nous pas simplement nous rappeler qu’elles sont des personnes?
Et
le syndicat dans tout ça? Les dix neuf mauriciens sont syndiqués, comme tous
les travailleurs d’Olymel, par le syndicat des Travailleurs et travailleuses
unis de l’alimentation et du commerce Canada (TUAC). Malheureusement, le syndicat brille par son absence. Ce sont
l’ATTET et le CTI qui ont organisé des manifestations et une conférence de
presse et offrent du soutien, dans la mesure de leurs capacités, à ces
personnes. À l’ère de la précarisation du travail, les syndicats ne devraient-ils pas s’engager dans une lutte
qui inclut les personnes qui vivent des dénis de droits, notamment les
travailleurs étrangers temporaires? Ils récupèreraient peut-être ainsi une part
de leur légitimité quelque peu égratignée…
Yerochewski,
Carole, E. Gareland, F. Lesemann, Y. Noiseux, S. Soussi et
L .St-Germain. « Non qualifiés les travailleurs pauvres ? dans La crise des
emplois non qulifiés (sous la direction de S. Amine). Montréal : Presses
internationales Polytechnique. Pp. 125-155
L .St-Germain. « Non qualifiés les travailleurs pauvres ? dans La crise des
emplois non qulifiés (sous la direction de S. Amine). Montréal : Presses
internationales Polytechnique. Pp. 125-155
Susana
Ponte Rivera
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