dimanche 27 septembre 2015

Esclaves ou détenus ?

  Faut-il imposer le Code du travail pour les détenus?


   De nombreux, pour ne pas dire l’ensemble des prisonniers exécutent diverses tâches au sein de la prison dans laquelle ils sont incarcérés. Un labeur dont ils ne retireront pas un juste profit. En effet, leur effort n’étant pas estimé à la même valeur que celui d’un salarié lambda, ils sont à la merci de l’administration pénitentiaire qui gère l’attribution des différents travaux et ce qu’ils en bénéficieront. Le droit du travail ne s’appliquant pas aux détenus, certains s’indignent, clament justice et égalité car ils sont selon eux des « travailleurs à part entière » (Barbaza, 2015). Autrement dit, les détenus français ne profitent aucunement de l’évolution du travail salarial pour lequel ils se sont battu toutes ces années. Leurs conditions de travail s’apparentent à celles d’esclaves du temps qu’on pensait révolu.
   
   Ce qui importe dans ce texte c’est de souligner le fait que l’absence du contrat de travail dans le milieu carcéral laisse libre cours à l’administration pénitentiaire d’organiser le travail en fonction de la détention. En d’autres termes, le travail peut être une occasion d’alléger les tensions entre détenus, de régenter les prisonniers selon leur crime comme l’exemple que nous donne l’auteur dans le texte après avoir interrogé un bénévole luttant pour le droit du travail des prisonniers, des agresseurs sexuels sont souvent prioritaires sur les précieuses places disponibles proposées pour travailler pour des entreprises dans le « cadre d’un atelier pénitentiaire » dans l’unique but de les éloigner et isoler des autres détenus car ce sont ceux qui subissent le plus d’agressions de la part des autres détenus tandis que les autres n’auront droit qu’aux tâches dites « ingrates » (visant à entretenir la prison). Cette absence de réglementation donne bien entendu le droit de licenciement sans raison apparente, sous la seule volonté de l’administration pénitentiaire. Le seul lien entre administration pénitentiaire et travailleurs est un « acte d’engagement » qui consiste essentiellement à donner les précisions du poste de travail en question (rémunération, horaires, etc.).
   Aussi, le salaire est-il source de problèmes car les détenus ne reçoivent qu’entre 20 et 45% du SMIC (salaire minimum interprofessionnel de croissance) établie en France. Les entreprises profiteraient-elles de cette main-d’oeuvre peu rémunérée et n’ayant pas de droits fixes? C’est le questionnement que propose le texte, qui résume entre autres l’ensemble de l’enquête. 
   Toutefois, la Révolution française de 1789 avait pour but d’établir le droit du travail suite à l’autorisation des syndicats. Aussi, à travers la révolution industrielle découvrons-nous une nouvelle classe sociale, les ouvriers, qui doivent avoir leurs droits et devoirs. De nos jours, la France et plus particulièrement les travailleurs français continuent à se démener pour leurs droits, pour développer le contrat de travail et donc le droit du travail. Cela dit, faut-il en exclure les détenus? N’ont-ils donc pas la même valeur que les salariés en entreprise?

   Aucune règle, aucun droit, aucune justice. Il est intéressant de s’interroger sur les conditions de travail des détenus car cela propose de soulever plusieurs questionnements. 

   Tout d’abord, nous pouvons revenir à la révolution industrielle où le rapport salarial s’est développé. La nouveauté n’est pas le fondement du rapport salarial mais son ascension. Certains auteurs et sociologues s’expriment sur cette montée. Locke par exemple explique « l’émancipation par le travail salarié » (Noiseux, 2015). Il met en avant le caractère émancipateur du travail. Il s’agit selon lui d’une démonstration de la liberté et d’une capacité à se vendre soi-même au plus offrant. Marx lui se questionne sur la « face caché du travail « formellement libre » » (Noiseux, 2015). Il évacue les relations conflictuelles du travail et aborde donc le rapport de domination qui se crée autour du travail et son caractère aliénant.
Le rapport salarial construit par ces différents questionnements et par la révolution industrielle a permis d’établir des règles et des droits. Néanmoins, lorsque nous lisons le texte de Charlotte Barbaza, nous nous rendons compte que cette révolution industrielle n’a pas eu d’impact majeur sur le travail carcéral et que ses questionnements, débat et batailles pour un ensemble de droit sont toujours d’actualité dans ce contexte. 

   En outre, lorsque nous nous intéressons à la valeur du travail dans l’histoire, à son évolution, nous pouvons remarquer certaines incohérences. En effet, durant l’Antiquité, les Grecs considèrent que les tâches sont réservées aux esclaves, le travail n’était pas valorisé. Puis, nous constatons un continuel changement, le travail étant progressivement valorisé durant des périodes telles que le christianisme et durant la révolution de l’éthique protestante où, respectivement, le travail est pénible à cause du pécher d’Ève, et où le travail serait un devoir, l’homme travaillant « bien » étant un élu de Dieu. 
Puis, au 19ème siècle, le travail devient l’essence de l’homme, c’est un être de travail. Enfin, au 20ème siècle le travail devient central. Il est valorisé parce que travailler devient la mission de l’homme et le travail est considéré comme source de richesse. De plus, l’ensemble de l’articulation de la société se forme autour du travail principalement. 
   Cependant, lorsque nous tentons d’appliquer cette évolution au travail carcéral, nous nous rendons compte que celle-ci n’a pas eu le même effet dans ce contexte. Ainsi, pourrions-nous nous situer au début de la frise chronologique de l’évolution de la valeur du travail en ce qui concerne le travail en prison. En effet, les travailleurs-détenus pourraient être apparentés aux esclaves de l’antiquité n’ayant ni droit ni reconnaissance. 


   Par conséquent, nous assistons à de nouvelles formes d’organisation du travail excluant le travail carcéral. Des syndicats, coopératives permettent, dans le marché du travail, aux salariés de s’exprimer, d’avoir des droits et de les développer à l’opposé des détenus qui ne répondent qu’aux ordres de l’administration pénitentiaire sans avoir un quelconque « pouvoir ».

Lina Chah
20012024

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