C’est en lisant un article de Flavie
havais dans la revue Nouveau Projet,
édition printemps-été 2015, que je me suis intéressée à la question des sites
de «startups» dont fait partie Airbnb. L’article
de Jean-Michel Genois Gagnon que j’ai décidé de commenter ici fut publié dans Le Soleil le 1 août 2015. Nous pouvons y
apprendre que le gouvernement du Québec a depuis peu un projet de loi pour
légaliser l’hébergement par Airbnb. Son objectif est de le mettre en vigueur dès
cet automne. En plus, de normes concernant l’hébergement, comme la création d’une
attestation permettant d’être reconnu comme hébergeur, cette nouvelle
législation entraînerait une augmentation du nombre d’enquêteurs sur le terrain
et génèrerait des revenus pour le gouvernement par le biais d’une taxation. Ces
mesures ont aussi comme but de contrer l’hébergement illégal. La réflexion qui
va suivre doit beaucoup à celle de Flavie Harais; je l’en remercie donc.
Pour ceux qui comme moi se sentent
parfois en retard sur ce genre de choses, voici une description sommaire du mandat
du site internet Airbnb : il s’agit d’une plate-forme de monétisation de
biens et services dont le produit est l’hébergement de courte durée. Il agit
comme intermédiaire entre le logeur et le consommateur.
En entrant sur le site d’Airbnb, on
peut y lire en grosses lettres : « Bienvenu à la maison. Louez des
logements uniques auprès d’hôtes locaux dans plus de 190 pays». Ce slogan, anodin
pour certains, est selon moi bien parlant; il envoie le message qu’il est maintenant
possible de se sentir chez-soi à l’étranger en se liant avec des personnes
locales. Grâce aux technologies d’internet, un marché de pairs à pairs est
maintenant possible. Selon Havais, certains penseurs inclus l’idée qui
constitue ce site dans un grand concept qui se nomme «l’économie du partage» et
qui englobe les «startups» de la nouvelle génération. La mission d’une telle
économie du partage est de changer le monde, de raviver des communautés, de
redonner le pouvoir aux individus et une plus grande indépendance. Un tel
mandat peut sembler difficile à remplir : est-ce vraiment possible pour un
site comme Airbnb?
Au-delà du produit, soit dans ce
cas-ci, l’hébergement, la structure du travail en tant que telle est bien
différente que ce que nous avons connu au cours du dernier siècle. Depuis la
révolution industrielle, le travail salarié domine largement dans nos sociétés.
Décidément, il n’est pas du tout impliqué ici. Les travailleurs (les logeurs,
je ne parlerai pas dans ce texte de ceux qui travaillent pour Airbnb
directement) ne répondent pas à un patron moyennant un montant d’argent pour
chaque heure travaillée, mais reçoit plutôt lui-même le montant recueilli pour
les services offerts. Les travailleurs sont libres de leur horaire et peuvent
choisir quand héberger qui, selon ce qui leur convient. Malgré cette plus
grande indépendance, le site, appose ses propres règles et ses conditions en
plus de recevoir un pourcentage de la transaction. Toutefois, d’aucune façon ne
peut-il être tenu responsable des désagréments que pourraient occasionner des
logeurs.
Certes, en l’absence d’une figure
patronale nous sommes portés à croire à une plus grande indépendance des
travailleurs mais celle-ci est souvent liée à une plus grande précarité puisque
le travail est en fonction des fluctuations du marché. De plus, les
travailleurs n’étant pas des employés, il leur est impossible de se regrouper
et de revendiquer des avantages sociaux (Flavie Harais, 2015). Une plus grande
responsabilité tombe sur les épaules des travailleurs eux-mêmes puisqu’il n’y a
pas structure pouvant absorber les coups (et les coûts), comme le serait une
entreprise. D’ailleurs, que cette
nouvelle forme de travaille soit autant en expansion vient-il du fait que les
travailleurs sont à la recherche d’une plus grande autonomie ou comme le
suggère Flavie Harais parce qu’il est plus en plus difficile d’obtenir des
emplois salariés à temps plein?
Une chose est certaine, Airbnb
connaît un succès retentissant; au point où le gouvernement du Québec considère
qu’il est nécessaire de réglementer son utilisation. Comme vu en classe, depuis
le XIXe siècle, l’État cherche à
rationaliser, organiser et gérer la société mais aussi, ce qui nous intéresse
ici, le travail et les conditions dans lesquelles il est effectué. Il est
évident que le projet de loi proposé par notre gouvernement ne voit pas le jour
pour son côté ludique mais bien parce que ce type de travail fait maintenant
partie de notre réalité sociale. Selon moi, en faisant ainsi, le gouvernement
québécois reconnait l’existence d’une nouvelle forme de travail. La preuve en
est qu’il veut mettre les logeurs ayant recours au site sous la même
juridiction que celles des hôteliers. D’ailleurs, les dirigeants de Airbnb y
voit aussi une nouvelle reconnaissance: «Être réglementé, c'est être reconnu,
alors nous sommes impatients de voir la nouvelle politique», dit un des
dirigeants de l’entreprise.
La règlementation ne se fait pas que
du côté du gouvernement, le site internet lui-même émet de nouvelles politiques
et conditions générales concernant la taxation. Une nouvelle fonction permet
aux logeurs, depuis juillet dernier, de faire payer les taxes aux consommateurs
directement pour s’occuper de leur versement auprès de l’administration
fiscale. Cette nouvelle fonction démontre que des efforts de reconnaissance
sont faits des deux côtés : le gouvernement reconnait l’importance de
cette nouvelle forme de travail et Airbnb, en facilitant la taxation, reconnaît
pour sa part la légitimité de la règlementation de l’État.
Que ce soit les consommateurs cherchant plus chaleureux pour
moins cher, ou les travailleurs souhaitant s’émanciper du salariat, chacun
semble trouver son compte dans le principe d’Airbnb. Pourtant, certains voient
dans ce nouveau type de travail une nouvelle forme d’autoexploitation (Flavie
Havais, 2015). Quoi qu’il en soit, la popularité de ce site est une
manifestation de plus des transformations sociales dues à l’apparition dans nos
vies des technologies internet.
Caroline
Blier-Langdeau
Le
27 septembre 2015
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