dimanche 27 septembre 2015

Airbnb en voie d'être légalisé au Québec: reconnaisance d'une nouvelle forme de travail




C’est en lisant un article de Flavie havais dans la revue Nouveau Projet, édition printemps-été 2015, que je me suis intéressée à la question des sites de «startups»  dont fait partie Airbnb. L’article de Jean-Michel Genois Gagnon que j’ai décidé de commenter ici fut publié dans Le Soleil le 1 août 2015. Nous pouvons y apprendre que le gouvernement du Québec a depuis peu un projet de loi pour légaliser l’hébergement par Airbnb. Son objectif est de le mettre en vigueur dès cet automne. En plus, de normes concernant l’hébergement, comme la création d’une attestation permettant d’être reconnu comme hébergeur, cette nouvelle législation entraînerait une augmentation du nombre d’enquêteurs sur le terrain et génèrerait des revenus pour le gouvernement par le biais d’une taxation. Ces mesures ont aussi comme but de contrer l’hébergement illégal. La réflexion qui va suivre doit beaucoup à celle de Flavie Harais; je l’en remercie donc.

Pour ceux qui comme moi se sentent parfois en retard sur ce genre de choses, voici une description sommaire du mandat du site internet Airbnb : il s’agit d’une plate-forme de monétisation de biens et services dont le produit est l’hébergement de courte durée. Il agit comme intermédiaire entre le logeur et le consommateur. 

En entrant sur le site d’Airbnb, on peut y lire en grosses lettres : « Bienvenu à la maison. Louez des logements uniques auprès d’hôtes locaux dans plus de 190 pays». Ce slogan, anodin pour certains, est selon moi bien parlant; il envoie le message qu’il est maintenant possible de se sentir chez-soi à l’étranger en se liant avec des personnes locales. Grâce aux technologies d’internet, un marché de pairs à pairs est maintenant possible. Selon Havais, certains penseurs inclus l’idée qui constitue ce site dans un grand concept qui se nomme «l’économie du partage» et qui englobe les «startups» de la nouvelle génération. La mission d’une telle économie du partage est de changer le monde, de raviver des communautés, de redonner le pouvoir aux individus et une plus grande indépendance. Un tel mandat peut sembler difficile à remplir : est-ce vraiment possible pour un site comme Airbnb?

Au-delà du produit, soit dans ce cas-ci, l’hébergement, la structure du travail en tant que telle est bien différente que ce que nous avons connu au cours du dernier siècle. Depuis la révolution industrielle, le travail salarié domine largement dans nos sociétés. Décidément, il n’est pas du tout impliqué ici. Les travailleurs (les logeurs, je ne parlerai pas dans ce texte de ceux qui travaillent pour Airbnb directement) ne répondent pas à un patron moyennant un montant d’argent pour chaque heure travaillée, mais reçoit plutôt lui-même le montant recueilli pour les services offerts. Les travailleurs sont libres de leur horaire et peuvent choisir quand héberger qui, selon ce qui leur convient. Malgré cette plus grande indépendance, le site, appose ses propres règles et ses conditions en plus de recevoir un pourcentage de la transaction. Toutefois, d’aucune façon ne peut-il être tenu responsable des désagréments que pourraient occasionner des logeurs.

Certes, en l’absence d’une figure patronale nous sommes portés à croire à une plus grande indépendance des travailleurs mais celle-ci est souvent liée à une plus grande précarité puisque le travail est en fonction des fluctuations du marché. De plus, les travailleurs n’étant pas des employés, il leur est impossible de se regrouper et de revendiquer des avantages sociaux (Flavie Harais, 2015). Une plus grande responsabilité tombe sur les épaules des travailleurs eux-mêmes puisqu’il n’y a pas structure pouvant absorber les coups (et les coûts), comme le serait une entreprise.  D’ailleurs, que cette nouvelle forme de travaille soit autant en expansion vient-il du fait que les travailleurs sont à la recherche d’une plus grande autonomie ou comme le suggère Flavie Harais parce qu’il est plus en plus difficile d’obtenir des emplois salariés à temps plein?

Une chose est certaine, Airbnb connaît un succès retentissant; au point où le gouvernement du Québec considère qu’il est nécessaire de réglementer son utilisation. Comme vu en classe, depuis le XIXe  siècle, l’État cherche à rationaliser, organiser et gérer la société mais aussi, ce qui nous intéresse ici, le travail et les conditions dans lesquelles il est effectué. Il est évident que le projet de loi proposé par notre gouvernement ne voit pas le jour pour son côté ludique mais bien parce que ce type de travail fait maintenant partie de notre réalité sociale. Selon moi, en faisant ainsi, le gouvernement québécois reconnait l’existence d’une nouvelle forme de travail. La preuve en est qu’il veut mettre les logeurs ayant recours au site sous la même juridiction que celles des hôteliers. D’ailleurs, les dirigeants de Airbnb y voit aussi une nouvelle reconnaissance: «Être réglementé, c'est être reconnu, alors nous sommes impatients de voir la nouvelle politique», dit un des dirigeants de l’entreprise.

La règlementation ne se fait pas que du côté du gouvernement, le site internet lui-même émet de nouvelles politiques et conditions générales concernant la taxation. Une nouvelle fonction permet aux logeurs, depuis juillet dernier, de faire payer les taxes aux consommateurs directement pour s’occuper de leur versement auprès de l’administration fiscale. Cette nouvelle fonction démontre que des efforts de reconnaissance sont faits des deux côtés : le gouvernement reconnait l’importance de cette nouvelle forme de travail et Airbnb, en facilitant la taxation, reconnaît pour sa part la légitimité de la règlementation de l’État.

          Que ce soit les consommateurs cherchant plus chaleureux pour moins cher, ou les travailleurs souhaitant s’émanciper du salariat, chacun semble trouver son compte dans le principe d’Airbnb. Pourtant, certains voient dans ce nouveau type de travail une nouvelle forme d’autoexploitation (Flavie Havais, 2015). Quoi qu’il en soit, la popularité de ce site est une manifestation de plus des transformations sociales dues à l’apparition dans nos vies des technologies internet.

                                                                                                                 Caroline Blier-Langdeau
                                                                                                                     Le 27 septembre 2015

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