Un article paru sur
ledevoir.com en avril 2014 [1] cherche à faire un bref état des lieux du
phénomène de surqualification observable sur le marché du travail québécois.
Si ce phénomène est
en hausse constante au Québec depuis les vingt dernières années, à l’instar des
pays membres de l’OCDE, selon une étude de l’Institut de la Statistique du Québec [2] c’est pour de nombreuses raisons socio-économiques que cet article nous permet
d’appréhender séparément. Rappeler que
depuis l’année 90 le Québec est passé de près d’un travailleurs sur cinq en
situation de surqualification à près d’un travailleur sur trois en 2012 permet
de rendre compte de l’ampleur et de la progression du phénomène.
Bien que l’auteur
revienne sur l’idée généralement partagée d’un phénomène de surqualification
qui représenterait «un terrible
gaspillage de ressources intellectuelles et financières» dans un
contexte Québécois où le marché du travail n’aurait pas su suivre la
progression du taux de diplômés en créant le nombre de nouveaux postes
qualifiés adéquats, ce dernier cherche également à potentiellement dédramatiser
ce phénomène en le présentant aussi comme le marqueur positif d’un rapport non
utilitariste à l’éducation.
Et c’est d’ailleurs
une perspective qui me parait particulièrement intéressante à approfondir. En
effet, le phénomène de surqualification s’installant et prenant de plus en plus
d’importance dans notre société, les analyses et les commentaires à son sujet
se font de plus en plus fréquents et ce très souvent afin de le dénoncer et de
mettre en garde contre ses méfaits à l’encontre des individus et de la
collectivité. Là où le problème se pose selon moi c’est que, bien souvent, le tort
est porté au système éducatif qui ne guiderait pas suffisamment bien les jeunes
dans leur transition vers le marché de l’emploi ou bien même qui ne formerait
pas suffisamment adéquatement ces jeunes en fonction des besoins de ce dernier.
Insidieusement, ces critiques, qui se veulent portées à l’encontre d’un phénomène
négatif pour la société, répandent l’idée d’un système éducatif qui se devrait
le tremplin vers le monde professionnel et qui sera défaillant tant qu’il ne
sera pas en mesure de répondre aux besoins de ce dernier.
Bien qu’il soit
compréhensible que l’image du jeune diplômé travaillant à la caisse d’un
supermarché faute de mieux, que l’on associe souvent au phénomène de
surqualification, soit effrayante, peut-on réellement réduire la surqualification
à cet aspect de la réalité ? Sans vouloir ignorer ou réduire les souffrances
qui peuvent être liées à une situation de surqualification non désirée n’est-il
pas également pertinent de souligner que la surqualification peut être assumée
et être le résultat d’un choix; celui d’avoir étudié pour d’autres raisons que
son avenir professionnel.
Une société qui
serait ainsi en mesure d’offrir aux individus qui la compose le luxe d’étudier
et d’acquérir du savoir, sans se rapporter à une conversion strictement
économique connaissances/salaire, serait-elle réellement défaillante ? La
frustration et la souffrance qui découlent d’une situation de surqualification
semblent bien souvent plus influencée par l’importance que l’on accorde à sa
situation professionnelle et au statut social qu’elle implique ainsi qu’au peu
d’estime que l’on a pour notre cheminement scolaire et aux savoirs que l’on a
acquis plutôt qu’a un mal qui serait intrinsèque à la surqualification.
Concevoir la
réussite professionnelle comme la source principale de l’épanouissement
personnelle semble être l’élément clé qui pousse à associer automatiquement la
surqualification à un phénomène social négatif.
De ce fait ne
serait-il pas judicieux de se questionner sur la nécessité de redorer le blason
de la connaissance et de promouvoir la réalisation personnelle à travers l’acquisition
de savoirs afin de démystifier la réalisation professionnelle pour, à terme,
pouvoir cesser de considérer nécessairement la situation de surqualification
comme un échec.
Il me semble alors
que la question de la surqualification et de ses impacts sur l’individu renvoie
à l’intériorisation d’une certaine conception de l’échec et du succès par les
individus au sein d’une société qui promeut de manière totalement déséquilibrée
l’accès au bonheur par l’accès au travail qui illustrera sa réussite sociale. De
ce fait, l’utilisation même du terme surqualification implique un rôle très
limité à l’éducation et à la formation scolaire en l’enfermant dans le carcan d’une
conception strictement utilitariste de l'éducation.
Mehdi .A
[1] http://www.ledevoir.com/economie/actualites-economiques/406630/la-surqualification-professionnelle-en-hausse
[2] http://www.stat.gouv.qc.ca/statistiques/travail-remuneration/population-active-chomage/surqualification-2012.pdf
[2] http://www.stat.gouv.qc.ca/statistiques/travail-remuneration/population-active-chomage/surqualification-2012.pdf
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