dimanche 27 septembre 2015

Qui a peur de la surqualification ?

Un article paru sur ledevoir.com en avril 2014 [1] cherche à faire un bref état des lieux du phénomène de surqualification observable sur le marché du travail québécois.
Si ce phénomène est en hausse constante au Québec depuis les vingt dernières années, à l’instar des pays membres de l’OCDE, selon une étude de l’Institut de la Statistique du Québec [2] c’est pour de nombreuses raisons socio-économiques que cet article nous permet d’appréhender séparément.  Rappeler que depuis l’année 90 le Québec est passé de près d’un travailleurs sur cinq en situation de surqualification à près d’un travailleur sur trois en 2012 permet de rendre compte de l’ampleur et de la progression du phénomène.
Bien que l’auteur revienne sur l’idée généralement partagée d’un phénomène de surqualification qui représenterait «un terrible gaspillage de ressources intellectuelles et financières» dans un contexte Québécois où le marché du travail n’aurait pas su suivre la progression du taux de diplômés en créant le nombre de nouveaux postes qualifiés adéquats, ce dernier cherche également à potentiellement dédramatiser ce phénomène en le présentant aussi comme le marqueur positif d’un rapport non utilitariste à l’éducation.


Et c’est d’ailleurs une perspective qui me parait particulièrement intéressante à approfondir. En effet, le phénomène de surqualification s’installant et prenant de plus en plus d’importance dans notre société, les analyses et les commentaires à son sujet se font de plus en plus fréquents et ce très souvent afin de le dénoncer et de mettre en garde contre ses méfaits à l’encontre des individus et de la collectivité. Là où le problème se pose selon moi c’est que, bien souvent, le tort est porté au système éducatif qui ne guiderait pas suffisamment bien les jeunes dans leur transition vers le marché de l’emploi ou bien même qui ne formerait pas suffisamment adéquatement ces jeunes en fonction des besoins de ce dernier. Insidieusement, ces critiques, qui se veulent portées à l’encontre d’un phénomène négatif pour la société, répandent l’idée d’un système éducatif qui se devrait le tremplin vers le monde professionnel et qui sera défaillant tant qu’il ne sera pas en mesure de répondre aux besoins de ce dernier.
Bien qu’il soit compréhensible que l’image du jeune diplômé travaillant à la caisse d’un supermarché faute de mieux, que l’on associe souvent au phénomène de surqualification, soit effrayante, peut-on réellement réduire la surqualification à cet aspect de la réalité ? Sans vouloir ignorer ou réduire les souffrances qui peuvent être liées à une situation de surqualification non désirée n’est-il pas également pertinent de souligner que la surqualification peut être assumée et être le résultat d’un choix; celui d’avoir étudié pour d’autres raisons que son avenir professionnel.
Une société qui serait ainsi en mesure d’offrir aux individus qui la compose le luxe d’étudier et d’acquérir du savoir, sans se rapporter à une conversion strictement économique connaissances/salaire, serait-elle réellement défaillante ? La frustration et la souffrance qui découlent d’une situation de surqualification semblent bien souvent plus influencée par l’importance que l’on accorde à sa situation professionnelle et au statut social qu’elle implique ainsi qu’au peu d’estime que l’on a pour notre cheminement scolaire et aux savoirs que l’on a acquis plutôt qu’a un mal qui serait intrinsèque à la surqualification.
Concevoir la réussite professionnelle comme la source principale de l’épanouissement personnelle semble être l’élément clé qui pousse à associer automatiquement la surqualification à un phénomène social négatif.


De ce fait ne serait-il pas judicieux de se questionner sur la nécessité de redorer le blason de la connaissance et de promouvoir la réalisation personnelle à travers l’acquisition de savoirs afin de démystifier la réalisation professionnelle pour, à terme, pouvoir cesser de considérer nécessairement la situation de surqualification comme un échec.
Il me semble alors que la question de la surqualification et de ses impacts sur l’individu renvoie à l’intériorisation d’une certaine conception de l’échec et du succès par les individus au sein d’une société qui promeut de manière totalement déséquilibrée l’accès au bonheur par l’accès au travail qui illustrera sa réussite sociale. De ce fait, l’utilisation même du terme surqualification implique un rôle très limité à l’éducation et à la formation scolaire en l’enfermant dans le carcan d’une conception strictement utilitariste de l'éducation.


Mehdi .A




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