mardi 25 octobre 2016

Une réforme du PTET-PS à saveur patronale


Le 22 octobre paraissait dans La Presse Plus un article nous informant sur la disparation d'une centaine de travailleurs du Guatemala[1]. Ces disparations, qui courent depuis quelques semaines, préoccupent désormais les producteurs agricoles. Pour remédier aux fuites, le patronat presse le gouvernement fédéral d'agir en « assouplissant la réglementation » concernant les travailleurs migrants temporaires (TMT). L'article en question ne nous offre aucun renseignement sur le programme de travail, mais la critique des propriétaires agricoles est dirigée vers une règle bien précise. C'est de cette façon que l'on peut déduire qu'il s'agit d'une critique de la règle du Programme des travailleurs étrangers temporaires peu spécialisés (PTET-PS), que l'on oppose de plus en plus au programme des travailleurs agricoles saisonniers (PTAS). Quelle est la différence? Tout d'abord « la période maximale d’un contrat est de 8 mois consécutifs dans une même année pour les travailleurs du PTAS, alors qu’elle est de 24 mois consécutifs dans le volet agricole du PTET[2]». De plus, les travailleurs qui sont embauchés dans le cadre du PTET-PS peuvent séjourner au Canada pour une durée maximale de 48 mois, contrairement au PTAS qui lui, est exempt de cette disposition[3]. Cette disposition ne s'applique pas aux travailleurs mexicains, qui sont recrutés au sein du PTAS et protégés par une entente entre le Canada et le Mexique ratifiée en 1974. Cependant, c'est bien différent pour les travailleurs du Guatemala, que l'on recrute de plus en plus chaque année à travers le PTET-PS[4].

Par conséquent, il semblerait que ce soit la limite cumulative des quatre années de travail qui est  la source du problème... plutôt que la compétition de travailleurs de différentes origines selon une variété de statuts précaires d'emplois. Que propose-t-on pour remédier aux défections des travailleurs? Dans son mémoire de mai 2016, la Fédération canadienne de l'agriculture (FCA) propose d'éliminer la  « règle du 48 » imposée aux entreprises, de créer une organisation spécialisée dans le traitement des demandes d'étude d'impact sur le marché du travail (EIMT) lié au domaine agricole. De plus, la FCA suggère de préciser les conditions d'embauchent liées au volet agricole du PTET-PS,  d'instaurer des permis de travail non nominatif (permettre à un TMT d'un secteur d'emploi délimité d'accepter une EIMT de la part d'un employeur qui a une demande d'étude d'impact sur le marché du travail) et de faciliter l'obtention du statut de résident permanent pour les TMT à temps plein[5]. À cet égard, la Fondation des Entreprises en Recrutement de Main-d'œuvre agricole Étrangère (FERME) adopte essentiellement les mêmes recommandations dans son mémoire, mais souligne l'importance de mieux protéger les droits des TMT[6] en favorisant un meilleur dialogue entre les intervenants.

Compte tenu de ces éléments, les positions adoptées par les deux organisations ont pour objectif d'accentuer la mise en concurrence entre le PTET-PS et le PTAS mais surtout, de permettre le maintien d'un flux circulaire de travailleurs migrants temporaires en augmentant la flexibilité du PTET-PS. En effet, le PTET-PS fonctionnerait peut-être mieux pour les entreprises agricoles si nous abolissions la règle du 48, qu'on centralisait la gestion des EIMT et si nous faisions miroiter la possibilité aux TMT d'accéder plus facilement au statut de résidant permanent. En revanche, est-ce que ce sont des solutions viables pour la société canadienne/québécoise et les TMT eux-mêmes... ? Non! Les travailleurs migrants vont attendent de longues journées avant que leurs demandes soient traitées et n'auront probablement pas de réponses des autorités. Que feront-ils pendant ce temps? Et puis les demandes risquent de s'accumuler, comme c'est le cas actuellement en ce qui concerne le Programme des aides familiaux résidants (PAFR). De plus, leur mobilité est encore largement fixée. Ce n'est pas en octroyant un statut légal précaire et une possibilité pour les TMT de choisir un nouvel employeur qui a une EIMT valide pour le secteur d'activité dans lequel le TMT a été recruté qu'il n'y aura plus de fuites des travailleurs.

En résumé: les suggestions du FERME et de la FCA visent à maintenir le statut de demi-citoyens des TMT, car l'intégration citoyenne des TMT briserait le cycle d'exploitation continue des travailleurs. Ce cycle est fondé sur une utopie d'un d'aller-retour perpétuel et illimité de la cheap labor! Enfin, je me demande bien à propos de quoi s'inquiètent les employeurs? De la perte de son capital humain? Pourtant, il s'avère que sous l'identité de marchandise transnationale des TMT, se cachent des humains. Et si nous voulons mettre fin à leur désarroi, on pourrait peut-être les intégrer en tant que citoyen à part entière, néanmoins, cela nécessiterait l'abolition des programmes canadiens d'immigration temporaire.

 



[1] Laprade, Yves. Des travailleurs du Guatemala font Défection, La Presse, 22 octobre 2016 http://plus.lapresse.ca/screens/7a014861-0606-4a49-8968-4ab72126f5ea%7C_0.html
[2] Fontaine, Gilles. Dossier de la semaine: Les travailleurs étrangers temporaires, Le journal la revue, 7 juin 2016, http://www.larevue.qc.ca/actualites_dossier-semaine-travailleurs-etrangers-temporaires-n37388.php
[3] L'Union des producteurs agricoles. FAQ - Quelle est la durée maximale d'un contrat de travail pour un travailleur étranger temporaire? http://www.ptet.upa.qc.ca/actualites-liens-et-faq
[4] http://www.ciso.qc.ca/wordpress/wp-content/uploads/CISO-Fiche-B3.pdf
[5] Fédération canadienne de l'agriculture. Mémoire de la Fédération canadienne de l'agriculture (FCA) présenté au Comité permanent des ressources humaines, du développement des compétences, du développement social et de la condition des personnes handicapées (HUMA), Révision du Programme des travailleurs étrangers. Mai 2016, 11 pages, http://www.parl.gc.ca/Content/HOC/Committee/421/HUMA/Brief/BR8360066/br-external/CanadianFederationofAgriculture-f.pdf
[6] http://www.fermequebec.ca/wp-content/uploads/2015/11/Memoire-de-FERME-mai-2016.pdf

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