mardi 25 octobre 2016

« Terre !, Terre ! »

Ce vieux cri marin, que les côtes atlantiques américaines ont entendu de Leif Erickson[1] à Jacques Cartier serait-il revenu à la mode ? Peut-être, car les sœurs Mac Lean qui tiennent un petit magasin à Whycocomagh, au Cap-Breton, en Nouvelle-Écosse, appelé Farmer’s Daughters, viennent de promettre à ceux qui viendraient travailler pour elles de leur donner une terre de 8100m2, 2 acres[2]. Elles ont été submergées de réponses.

Au-delà de l’anecdote, cette annonce, et surtout son succès, illustre un mouvement qui se développe dans le monde du travail depuis plusieurs années, en particulier aux États Unis. Face à un manque de main d’œuvre qualifiée, ou simplement motivée, et ayant du mal à se démarquer de leurs concurrents en termes de pure rémunération, les entreprises ont développé des offres visant à améliorer le cadre de travail, à faciliter de bien des façons la vie de leurs employés pour qu’ils soient plus concentrés sur leur activité. 

L’imagination en ce domaine est très grande, et recouvre 3 grandes catégories : D’abord les compléments de salaire : Findr Interactive (Marketing, 50 employés) organise une convention annuelle dans les Caraïbes pour tous ses employés, Freeborn & Peters (Avocats, 232 employés) organise une « suitcase party » : les employés viennent avec leur valise, 4 partent en week-end à Vegas, tous frais payés[3]. Mais dans ce domaine, Google va beaucoup plus loin : depuis 2011 le conjoint de tout employé temps plein (environ 34000 personnes) qui décède se voit verser 50% de son salaire pendant 10 ans[4]. Ensuite viennent les aménagements du temps de travail : on peut amener son chien au travail, ce qui réduit le stress perçu. Patagonia, en Californie, encourage ses employés à faire du surf, ou du yoga[5] pendant les pauses. 

L’Institute for Integrative Nutrition a un chef qui fournit repas bio et diététique, en plus des fleurs mises quotidiennement sur le bureau de chaque employé. Et le plus tendance, le bureau aménagé comme un appartement se répand dans le monde entier[6]. Enfin, le dernier volet consiste à faciliter la liaison vie familiale et personnelle / vie professionnelle : Facebook donne jusqu’à 4000$ aux nouveaux parents, plus 4 mois de congés payés; Starbucks prend à sa charge tous les frais scolaires de ses employés qui veulent obtenir un baccalauréat. Parfois cela prend des dimensions plus douteuses : Facebook et Apple vont payer les frais de congélation des ovules pour leurs employées qui le désirent…..

Ce ne sont là que quelques exemples plus ou moins spectaculaires d’une tendance qui va en s’affirmant : un employé productif est un employé heureux. Pour certains employeurs modernes, ce la va sans doute plus loin : comme le dit Laslo Bock, DRH de Google : « we're doing these things… simply because it's the right thing to do ». Mais qu’en pensent les employés, sont-ils heureux au travail ? Globalement oui pour ceux de ces entreprise, mais elles restent encore très minoritaires. Plus généralement, c’est difficile à dire car les études sont contradictoires : en 2014 une étude publiée par Forbes montre que 52% des employés ne sont pas heureux au travail[7]. En 2015, une étude menée par WorkplaceTrends et Staples Advantage, aux USA et au Canada, nous dit que 86% des employés sont heureux au travail, mais sont surchargés et épuisés[8]. Enfin, en 2016 Fortune publie l’étude annuelle de The Society for Human Resource Management (SHRM), qui dit que 88% des employés son globalement satisfaits, le taux le plus haut depuis 10 ans[9]. L’institut attribue cela essentiellement à l’amélioration de la situation économique...

Alors, un lopin de terre pour se reposer ? Cela semble bien utile tant que les conditions de travail au quotidien ne permettront pas réellement de tirer profit de ces avantages non salariaux.

Par Christian Ousset



[1] Premier viking a avoir découvert l’Amérique vers l’an 1000.

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