Dans un article paru dans La Presse
le 29 septembre dernier, on nous présente l'intention du gouvernement fédéral
de resserrer la réglementation en ce qui a trait aux congédiements massifs.
Autrement dit, les grandes entreprises doivent informer le gouvernement seize
semaines avant le licenciement de cinquante employés et plus, aider les
employés à se trouver un autre emploi et leur donner l'indemnité nécessaire. À
ce jour, les employeurs pouvaient facilement se soustraire à ces règles et
c'est justement ce que Justin Trudeau vise à éviter. C'est dans cette optique
que l'élaboration de nouvelles règles préviendrait que les demandes d'exemption
à ces règles soient trop couramment acceptées. D'ailleurs, l'auteur de
l'article indique que c'est en examinant les demandes faites au cours des
dernières années qu'ils ont pu remarquer qu'il y avait une certaine négligence
à cet effet, et ce, surtout dans les secteurs bancaires et des
télécommunications.
Pour ma part, je crois qu'il est
tout à fait justifié que le gouvernement fédéral s'engage dans ce projet vu la
grande précarité du marché de l'emploi. D'ailleurs, Durkheim disait que le
travail avait pour lui une valeur d'intégration sociale et il est, à mon avis,
primordial que le gouvernement s'assure de l'intégration de sa population. Notamment,
le Canada a été le premier pays à se rallier aux thèses de Keynes, un penseur
du 20e siècle. À ce sujet, Keynes mentionnait que l'État devait s'assurer du
plein emploi dans la perspective de maintenir ou d'augmenter les conditions de
vie. L'adhésion à ce modèle de pensées visait, en conséquence, à assurer une
protection sociale aux gens vivant de près une précarité financière. Quant au
marché de l'emploi, il est possible de voir dans les écrits de Jean-Pierre
Durand (2004) qu'il est de plus en plus fragmenté en groupes périphériques ne
bénéficiant pas de la même stabilité d'emploi que le cœur de l'entreprise. Par
exemple, plusieurs entreprises engagent des gens en sous-traitance et cela a
pour effet qu'en aucun temps une sécurité d'emploi à long terme ne leur est
garantie. L'État a tout à gagner à vouloir démontrer sa présence dans le monde
du travail et de permettre à ce type d'employés de bénéficier d'une certaine
protection sociale.
À l'inverse, étant un tout autre
modèle où l'État ne se mêle pas aux décisions de l'entreprise privée, le
néolibéralisme peut faire passer les profits privés avant les conditions
sociales (Bourdieu, 1998). D'ailleurs, pour Dardot et Laval (2009), le
néolibéralisme créer un climat de compétition au sein de la population et cela
peut amener les individus à se voir comme des petites entreprises. À mon sens,
je ne crois pas que tous aient les mêmes capacités et le même accès aux
différents moyens pour imaginer rivaliser dans cette compétition économique. En
d'autres mots, tous n'ont pas les mêmes chances de tirer leur épingle du jeu.
Partant de cette hypothèse, j'en viens à penser que l'initiative de Justin
Trudeau est tout à fait légitime et qu'elle mérite de faire son chemin
jusqu'aux grandes entreprises canadiennes.
Christian
Motard
http://affaires.lapresse.ca/economie/canada/201609/29/01-5025687-ottawa-resserre-les-regles-pour-les-licenciements-massifs.php
Bibliographie
Bourdieu,
Pierre. Mars 1998. «L'essence du néolibéralisme», Le Monde diplomatique, Paris.
Dardot,
Pierre et Christian Laval. 2009. La
nouvelle raison du monde. Essai sur la société néolibérale, La découverte,
Paris. Pp. 299-306; 309-313.
Durand,
Jean-Pierre. 2004. «Les réformes structurelles de l'entreprise: l'intégration
réticulaire et le flux tendu», dans La
chaîne invisible, Travailler aujourd'hui: Flux tendu et servitude volontaire,
Éditions du Seuil, Paris. Pp. 11-18; 175-206.
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