lundi 10 octobre 2016

Réglementation pour les licenciements massifs


            Dans un article paru dans La Presse le 29 septembre dernier, on nous présente l'intention du gouvernement fédéral de resserrer la réglementation en ce qui a trait aux congédiements massifs. Autrement dit, les grandes entreprises doivent informer le gouvernement seize semaines avant le licenciement de cinquante employés et plus, aider les employés à se trouver un autre emploi et leur donner l'indemnité nécessaire. À ce jour, les employeurs pouvaient facilement se soustraire à ces règles et c'est justement ce que Justin Trudeau vise à éviter. C'est dans cette optique que l'élaboration de nouvelles règles préviendrait que les demandes d'exemption à ces règles soient trop couramment acceptées. D'ailleurs, l'auteur de l'article indique que c'est en examinant les demandes faites au cours des dernières années qu'ils ont pu remarquer qu'il y avait une certaine négligence à cet effet, et ce, surtout dans les secteurs bancaires et des télécommunications.

            Pour ma part, je crois qu'il est tout à fait justifié que le gouvernement fédéral s'engage dans ce projet vu la grande précarité du marché de l'emploi. D'ailleurs, Durkheim disait que le travail avait pour lui une valeur d'intégration sociale et il est, à mon avis, primordial que le gouvernement s'assure de l'intégration de sa population. Notamment, le Canada a été le premier pays à se rallier aux thèses de Keynes, un penseur du 20e siècle. À ce sujet, Keynes mentionnait que l'État devait s'assurer du plein emploi dans la perspective de maintenir ou d'augmenter les conditions de vie. L'adhésion à ce modèle de pensées visait, en conséquence, à assurer une protection sociale aux gens vivant de près une précarité financière. Quant au marché de l'emploi, il est possible de voir dans les écrits de Jean-Pierre Durand (2004) qu'il est de plus en plus fragmenté en groupes périphériques ne bénéficiant pas de la même stabilité d'emploi que le cœur de l'entreprise. Par exemple, plusieurs entreprises engagent des gens en sous-traitance et cela a pour effet qu'en aucun temps une sécurité d'emploi à long terme ne leur est garantie. L'État a tout à gagner à vouloir démontrer sa présence dans le monde du travail et de permettre à ce type d'employés de bénéficier d'une certaine protection sociale.

            À l'inverse, étant un tout autre modèle où l'État ne se mêle pas aux décisions de l'entreprise privée, le néolibéralisme peut faire passer les profits privés avant les conditions sociales (Bourdieu, 1998). D'ailleurs, pour Dardot et Laval (2009), le néolibéralisme créer un climat de compétition au sein de la population et cela peut amener les individus à se voir comme des petites entreprises. À mon sens, je ne crois pas que tous aient les mêmes capacités et le même accès aux différents moyens pour imaginer rivaliser dans cette compétition économique. En d'autres mots, tous n'ont pas les mêmes chances de tirer leur épingle du jeu. Partant de cette hypothèse, j'en viens à penser que l'initiative de Justin Trudeau est tout à fait légitime et qu'elle mérite de faire son chemin jusqu'aux grandes entreprises canadiennes.



Christian Motard

http://affaires.lapresse.ca/economie/canada/201609/29/01-5025687-ottawa-resserre-les-regles-pour-les-licenciements-massifs.php

Bibliographie

Bourdieu, Pierre. Mars 1998. «L'essence du néolibéralisme», Le Monde diplomatique, Paris.

Dardot, Pierre et Christian Laval. 2009. La nouvelle raison du monde. Essai sur la société néolibérale, La découverte, Paris. Pp. 299-306; 309-313.

Durand, Jean-Pierre. 2004. «Les réformes structurelles de l'entreprise: l'intégration réticulaire et le flux tendu», dans La chaîne invisible, Travailler aujourd'hui: Flux tendu et servitude volontaire, Éditions du Seuil, Paris. Pp. 11-18; 175-206.

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