lundi 10 octobre 2016

Qui dit dormir plus dit produire plus



      Et si l'on vous disait que dormir quelques instants au travail n'est pas si mal. C’est même excellent. Plus que ça encore, des patrons l'encouragent. Fantasme ou réalité ?

      Si l'on se fie à un article de La Presse de juin dernier, il semblerait qu'un petit somme ou une partie de pingpong au boulot serait bénéfique, et ce, autant pour la santé mentale et physique des employés que pour les employeurs qui verront la productivité de leur main-d’œuvre augmenter[1]. D’ailleurs, de plus en plus d’entreprises commencent à adopter cette pratique informelle en aménageant des salles de repos au sein de l’entreprise ou encore en organisant des activités de détente pour leurs employés. L’article pense, entre autres, au Huffington Post ou à Nurun, SidLee, Ubisoft et Shopify au Québec[2].

        Il n’est pas à tort de se demander s'il est efficace de permettre à ses travailleurs de dormir ou de s’amuser pendant les heures de travail. De plus, y a-t-il un réel gain de productivité au profit de l’employeur et de l’employé ou n’est-ce qu’un moyen de garder ceux-ci au travail plus longtemps?

       Tout d’abord, lorsque l’on pense «fatigue au travail», on peut facilement faire un lien avec les études d’Elton Mayo qui a observé les effets de la monotonie et de la fatigue sur ce qu’on a appelé au début du 20e siècle le «spleen industriel», autrement dit une perte d’intérêt pour le travail[3]. Qui dit travail en chaine dit aliénation, redondance et fatigue. Cela nuit d’une part à sa sécurité, et d’une autre part, à son taux de productivité. Puis, exiger de garder une concentration constante pendant un minimum de 8h n’est pas très plausible. Si l’on va plus loin que ça, en adoptant des «nap rooms» les travailleurs ne seront pas uniquement plus productifs parce qu’ils sont reposés, mais aussi parce qu’ils se sentent considérés par leur patron et y verront une reconnaissance mutuelle. Mayo insiste beaucoup sur le fait que ce n’est pas tant directement les récompenses qui augmentent la productivité, mais le fait que les employés sentent qu’on se préoccupe d’eux[4]. Organiser des activités ou leur proposer une sieste pendant leur quart de travail est une façon de leur communiquer qu’on leur fait confiance et que l’on est conscient des efforts qu’ils portent à l’entreprise.

À cette époque comme aujourd’hui, plusieurs dirigeants d’entreprises craignaient que par de telles pratiques les employés se mettent à profiter de « leurs bonnes grâces » en devenant paresseux et en ne livrant pas la marchandise. Pourtant, des résultats concrets sont ressorties autant des observations de Mayo dans les années 20 qu’aujourd’hui par Arianna Huffington du Huffington Post démontrant le gain important d’efficacité des salariés profitant de ces nouvelles techniques de management.

        Dans le même ordre d’idées, les «nap rooms» ne semblent pas être mises en place dans le but de garder les travailleurs plus longtemps puisque les entreprises optent plutôt pour des horaires dits flexibles. Les employés décident de quand et combien de temps durent leurs pauses puis sont assez autonomes pour finir plus tard s’ils sont arrivés plus tard sans excéder l’entente d’heures totales par semaine faite avec le patron[5].

      Bref, peut-être tenons-nous le secret d’une compagnie prospère. Secret qui, après tout, ne tient en compte qu’un traitement plus humain des salariés. Montrez à vos employés que vous reconnaissez leurs efforts par le biais d’activités et de repos et vous obtiendrez une main d’œuvre fidèle qui accomplira de grandes choses pour votre compagnie.


Jade Caron

[1] Siag, Jean. (2016). Au bout? Non, au dodo!. La Presse. Repéré à http://www.lapresse.ca/vivre/sante/201606/17/01-4992984-au-boulot-non-au-dodo.php
[2] Ibid.
[3] Aktouf, Omar. 1989. «Elton Mayo et les sciences du comportement face au management du comportement organisationnel», dans «Le management : entre renouvellement et tradition», Gaetan Morin Éditeur, Montréal. p.173
[4] Ibid.
[5] Siag, Jean. (2016). Au bout? Non, au dodo!. La Presse. Repéré à http://www.lapresse.ca/vivre/sante/201606/17/01-4992984-au-boulot-non-au-dodo.php

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