lundi 30 octobre 2017

Robotisation des transports, quels enjeux?



Emplois, environnement, opportunité immobilière, étalement urbain,
sécurité routière, régulations étatiques, constituent quelque uns des
enjeux majeurs reliés à la mise en marché des voitures autonomes.

Loin de son passé caractéristique de la science-fiction, la conduite autonome
fait désormais parti du présent, de la nouvelle réalité que les villes
s’apprêtent à rencontrer. Que ce soit depuis 2009 avec l’arrivé du
Google Car1 ou plus récemment avec des essais routiers à Singapoure avec le
logiciel nuTonomy2 et à Tokyo avec le ProPILOT de Nissan3 la conduite autonome
franchis peu à peu les étapes d’une marchandisation imminente des voitures
robotisés.

Législativement parlant, les États font déjà preuve de proactivité au
regard de ces voitures. Aux États-Unis, le document «Automated Driving System
2.0 : a vision for safety» a été dévoilé par  Elaine Chao, la secrétaire
aux Transports. Soutenant une neutralité législative, la position adopté
laisse aux soins des entreprises la régulation entourant ces types de
véhicules. Ce dernier fait suite à la modification de la convention de Vienne
en Mars 2016 par l'Unece (United Nations Economic Commission for Europe) qui
auparavant rendait impossible la commercialisation de voitures autonomes  par
le fait que «le conducteur devait à tout moment être maître de son
véhicule»4.

Du côté de la sécurité sur route, de nombreuses questions de moralité et
de fiabilité se posent. Où l’inquiétude de plusieurs s’épanouit à
l’idée que les transports s’automatisent, Jean-François Bonnefon
chercheur au CNRS, concepteur de Moral Machine déclare qu’«Il y aura des
accidents, mais, on l'espère, moins qu'actuellement»5. Phrase qui laisse
planer des doutes quant à la réelle différence qu’apporterait la conduite
autonome aux problèmes de santé publique alors qu’au Sommet mondial de la
mobilité durable Movin'On 2017 on affirmerait que le nombre de blessures et de
décès sur la route sera réduit de 90 % dès 20502.

Concernant l’impact sur les villes et leurs infrastructures, des rapports
comme «Le futur de l’immobilier aux États-Unis», du Massachusetts
Institute of Technology co-écrit par Albert Saiz et Arianna Salazari, et une
étude de l’université du Texas, font part d’enjeux6 moins discutés tels
que les transformations des structures routières et la gestion du nouveau parc
automobile. En effet, avec l’arrivé de la voiture autonome ces recherches
sont d’avis que la quantité de véhicules diminuerait drastiquement et
qu’il va falloir reconfigurer à  la baisse les surfaces des voies
routières, les espaces dédiés au stationnement (ex : «les parkings occupent
près de 45 % du centre-ville» de Washington6) et aux garages des habitations.
L’étalement urbain est un autre aspect en jeu considérant que de rendre
l’expérience du transport moins exigeante porterait des individus à
accepter de vivre à une distance plus grande des centres-villes et de leurs
emplois.

Mais comme éjectés de la discussion médiatisé, détourné sous des dires
comme ceux de Google : «This will deliver the biggest impact on improving
(…) mobility for everyone»1, un enjeu fondamental de la sociologie du
travail se fait dissimulé, celui de l’emploi.
Effectivement, comme le conclut également l’article Nissan fait rouler sa
voiture autonome dans les rues de Tokyo, «les cartes sont maintenant entre les
mains des pouvoirs publics qui doivent faire changer les législations pour que
le robot taxi devienne une réalité»3. Malgré que la conséquence soit
implicite dans la majorité des écrits et conversations autour du sujet des
voitures autonomes, elle n’en est pas moins majeure considérant que
l’emploi de plus de dix milles personnes, uniquement pour la ville de
Montréal7 sans compter les compagnies indépendantes de taxi comme Téo et
Uber, est à risque et il est de même pour New York8 et toute autre
métropole. Il est donc important de considérer cet aspect dans l’analyse de
cet avènement de la conduite autonome qui est directement lié au domaine du
transport en commun et individuel (au sens où les chauffeurs et chauffeuses de
taxi transportent des personnes individuellement(ou petit groupe de
personnes)), domaine particulièrement invisibilisé tant socialement que dans
les discussions autour des voitures qui se conduiraient seules.
Nous voilà ainsi en parfaite concordance avec une vision à la Taylor où
l’employé.e est vue comme une machine où ils et elles sont
déshumanisé.e.s, mais dans une optique plus avancée, dans un capitalisme
avancé. Dans un climat où les entreprises bénéficient d’un droit
inaliénable à accroitre les profits en ignorance de la quantité/qualité
d’emplois créés, ici en éliminant littéralement des catégories
d’emploi à l’ère du néo-libéralisme tout comme les révolutions
industrielles l’ont fait au xviiie et xixe siècle. Où suite aux
révolutions industrielles nous avons vécu l’essor du salariat comme mode
dominant de mise au travail, nous voyons dorénavant que ce modèle commence à
être renié en voulant remplacer les individus par des machines.

En somme cette rationalisation avancée du travail tend vers un rayement de
catégories d’emplois aux qualifications plus accessibles dans une visée de
maximisation des profits et d’une décomplexification de la gestion- dont un
effort prolongé orienté vers la coupe progressive du salaire comme dépense
des entreprises, afin de réduire les couts à des investissements et des prix
de réparations ou de remplacements des machines, sous des fréquences
ponctuelles.

-Jérémy Lagacé

Sources :
[1] Waymo(Google self-driving car project), https://waymo.com
[2] Huffington Post Québec, Les voitures autonomes sont en route: êtes-vous
prêts?,
http://quebec.huffingtonpost.ca/gabrielle-lauzier-hudon/les-voitures-autonomes-sont-en-route-etes-vous-prets_a_23249385/
[3]01Net, Nissan fait rouler sa voiture autonome dans les rues de Tokyo,
http://www.01net.com/actualites/nissan-fait-rouler-sa-voiture-autonome-dans-les-rues-de-tokyo-1288043.html

[4]Le Figaro, La loi autorise désormais les voitures à conduite autonome,
http://www.lefigaro.fr/societes/2016/03/26/20005-20160326ARTFIG00004-la-loi-autorise-desormais-les-voitures-a-conduite-autonome.php

[5]Sciences et avenir, Voiture autonome : "Il y aura des accidents mais moins
qu’actuellement",
https://www.sciencesetavenir.fr/high-tech/interview-de-jean-francois-bonnefon-concepteur-de-moral-machine-pour-la-morale-des-voitures-autonomes_117758

[6]Le Figaro, Comment les voitures autonomes vont changer l’aspect des
villes,
http://immobilier.lefigaro.fr/article/comment-les-voitures-autonomes-vont-changer-l-aspect-des-villes_f085a2a6-ba38-11e7-9ef0-d3e21654415a/

[7]Ville de Montréal, Statistiques de l’industrie du taxi 31 décembre 2015,
http://ville.montreal.qc.ca/portal/page?_pageid=8177,92215659&_dad=portal&_schema=PORTAL

[8]cNewYork, Les taxis à New York,
https://www.cnewyork.net/guide/transports-new-york/les-taxis-a-new-york/

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