Pouvez-vous
imaginer vivre dans une métropole sans la possibilité de recourir aux services
d’Uber lorsque vous en sentez le besoin ? C’est pourtant ce à quoi les
habitants seront confrontés à Londres. En
septembre 2017, le maire de
Londres, Sadiq Khan, a décidé de ne pas prolonger la licence de l’entreprise
dominant le marché du transport privé, Uber,
dans la métropole anglaise à partir du 30 septembre 2017[1].
Même si Uber n’est pas
contraint d’arrêter ses opérations immédiatement, ce que l’on tente actuellement
d’éviter, la situation est tendue. Plus
de 800 000 utilisateurs inquiets ont signé une pétition en ligne contre cette
décision, intitulée: « Save your
Uber in London », et plusieurs personnalités publiques se sont
manifestées à l’encontre de cette décision, telle que la première ministre
Theresa May, qui souhaite une meilleure coopération entre le secteur
privé et les taxis londoniens: «Yes there are safety
concerns and issues for Uber to address, but what I want to see is a level
playing field between the private firms and our wonderful London taxis, our black cabs, our great national institution. »[2]
Concrètement, cette décision politique pourrait
affecter le transport quotidien de 3,5 millions de passagers, en plus de mettre
à risque l’emploi de plus de 400 000 personnes. De plus, le retrait d’Uber à Londres entraînerait des coûts pharamineux
aux chauffeurs devant assumer les dépenses relatives aux voitures et aux
assurances ce dont témoigne le chauffeur Uber James Farrar: « La meilleure
décision serait de laisser intact le modèle d’entreprise d’Uber, mais en y renforçant les contrôles[3].
»
S’il y
a autant d’inconvénients, quelles seraient les motivations de Sadiq Khan pour
la prise de cette décision ? La décision serait-elle arbitraire ou
relèverait-elle de problèmes fondamentaux en lien avec le fonctionnement de
base d’Uber ?
Plusieurs d’Uber ont attiré l’attention les dernières années, contribuant à la
création d’une image négative de la compagnie, telles que le refus de
l’entreprise à suivre les règlements officiels, la volonté de cacher des
scandales d’harcèlement sexuel envers les passagers[4],
ou le fait qu’Uber aurait volé le
travail des chauffeurs de taxis londoniens[5].
Mais principalement, il y a aussi des critiques dans les propres rangs d’Uber :
plusieurs chauffeurs qui ne sont pas d’accordes avec les « réglés du
jeu » dans l’entreprise.
Afin
de mieux comprendre la source de leur critique, il faut regarder de manière
plus approfondie le modèle de l’entreprise : contrairement aux autres
entreprises relatives au transport, Uber
se considère comme une « place du marché », qui met en lien des
chauffeurs avec des clients potentiels, mais ne possède pas de voiture et n'engage
pas d'employé directement[6].
De plus, contrairement aux taxis traditionnels, où
travaillent à la fois des chauffeurs qualifiés et des travailleurs occasionnels,
travailler pour Uber est plus
accessible aux autres groupes de la société, tels que des immigrants ou
travailleurs généralement sous-payés : tous, avec une licence privée de 250$,
peuvent soumettre leur application pour conduire[7]. Enfin, le modèle d’Uber et les conditions de travail ont révolutionné le secteur du
transport privé.
D’une part, cette nouvelle
accessibilité semblait très attrayante pour de nombreux chauffeurs pouvant
bénéficier de certaines libertés en comparaison avec les entreprises traditionnelles,
telles que des heures flexibles ou la possibilité d’utiliser sa propre voiture.
Toutefois, les employés d’Uber ont également
perdu quelques droits et libertés, ce qui présente un fait inquiétant.
La stratégie économique d’Uber (également citée par l’architecte
d’UberX comme la « magie
d’Uber ») consiste à élargir le
nombre de chauffeurs dans une ville et ainsi, réduire le prix individuel pour
le client, tout en augmentant le salaire de l’employé. Pour y arriver, toutes les
opérations chez Uber sont organisées d’une
manière logique s’appuyant sur une base de données. Par exemple, l’entreprise
guide ses chauffeurs par des demandes automatiques et ou les clients
doivent fournir des évaluations à la fin de leur voyage. Malgré les avantages de
cette approche à première vue efficace, beaucoup des chauffeurs se
sentent « aliénés » par leur travail : « Uber ne considère pas ses chauffeurs comme des humains. Je me moque
de ce qu’ils disent. [8]»
Un
autre exemple démontre qu’une mauvaise évaluation d’un client – qui est également
un produit de la philosophie efficace chez Uber
– peut compromettre l’emploi d’un chauffeur si Uber décide de le « désactiver ». À cela vient
s’ajouter le fait qu’Uber peut arbitrairement
réduire le salaire des chauffeurs, mais ils continuent de défendre l’idée selon
laquelle les chauffeurs chez Uber gagnent
encore plus d’argent grâce à l’efficacité du « network »[9]. En
réalité, les employées n’ont plus les avantages des chauffeurs
traditionnels, tels qu’un salaire minimum ou une sécurité sociale.
Alors, que pense-t-on du travail chez Uber ? Est-ce que la décision de Khan
peut se révéler à être une prise de conscience pour le public, afin de
développer un esprit critique à propos d’Uber,
malgré les désavantages pouvant être occasionnés aux clients et chauffeurs ?
Personnellement, je soutiens que malgré les inconvénients ou des difficultés
professionnelles engendrés par le retrait d’Uber
à Londres, la décision de Khan est courageuse et a démontré la nécessité de
repenser les règlements pour des entreprises comme Uber. Même si Uber parviendra
à récupérer sa licence, ce dont plusieurs peuvent en tirer avantage, il est
important de commencer à en débattre.
[1] « Uber
licence withdrawal disproportionate, says Theresa May », The Guardian, 28 septembre 2017, https://www.theguardian.com/technology/2017/sep/28/uber-licence-withdrawal-disproportionate-says-theresa-may,
consulté le (29 septembre 2017) 2017.
[2] Idem.
[3] Aisling Ennis, « To
me, it's a political decision, declares Uber driver », Belfast Telegraph, 22 septembre 2017, http://www.belfasttelegraph.co.uk/video-news/to-me-its-a-political-decision-declares-uber-driver-36159446.html,
consulté le (26 septembre 2017) 2017.
[5] « For Uber
in London, a New Route: Diplomacy », New
York Times, 28 septembre 2017,
https://www.nytimes.com/2017/09/28/business/uber-london.html?rref=collection%2Fsectioncollection%2Fbusiness&action=click&contentCollection=business®ion=stream&module=stream_unit&version=latest&contentPlacement=2&pgtype=sectionfront,
consulté le (26 septembre 2017).
[6] Sam Knight, « How
Uber conquered London », The Guardian,
27 avril 2016,
https://www.theguardian.com/technology/2016/apr/27/how-uber-conquered-london,
consulté le (26 septembre 2017).
[8] Sam Knight, « How
Uber conquered London », The Guardian
Aucun commentaire:
Publier un commentaire