lundi 2 octobre 2017

Uber perd sa licence pour opérer à Londres – Une discussion renouvelée sur les conditions de travail chez Uber

Pouvez-vous imaginer vivre dans une métropole sans la possibilité de recourir aux services d’Uber lorsque vous en sentez le besoin ? C’est pourtant ce à quoi les habitants seront confrontés à Londres. En septembre 2017, le maire de Londres, Sadiq Khan, a décidé de ne pas prolonger la licence de l’entreprise dominant le marché du transport privé, Uber, dans la métropole anglaise à partir du 30 septembre 2017[1]. Même si Uber n’est pas contraint d’arrêter ses opérations immédiatement, ce que l’on tente actuellement d’éviter, la situation est tendue. Plus de 800 000 utilisateurs inquiets ont signé une pétition en ligne contre cette décision, intitulée: « Save your Uber in London », et plusieurs personnalités publiques se sont manifestées à l’encontre de cette décision, telle que la première ministre Theresa May, qui souhaite une meilleure coopération entre le secteur privé et les taxis londoniens: «Yes there are safety concerns and issues for Uber to address, but what I want to see is a level playing field between the private firms and our wonderful London taxis, our black cabs, our great national institution. »[2] 
Concrètement, cette décision politique pourrait affecter le transport quotidien de 3,5 millions de passagers, en plus de mettre à risque l’emploi de plus de 400 000 personnes. De plus, le retrait d’Uber à Londres entraînerait des coûts pharamineux aux chauffeurs devant assumer les dépenses relatives aux voitures et aux assurances ce dont témoigne le chauffeur Uber James Farrar: « La meilleure décision serait de laisser intact le modèle d’entreprise d’Uber, mais en y renforçant les contrôles[3]. »

S’il y a autant d’inconvénients, quelles seraient les motivations de Sadiq Khan pour la prise de cette décision ? La décision serait-elle arbitraire ou relèverait-elle de problèmes fondamentaux en lien avec le fonctionnement de base d’Uber ?

Plusieurs d’Uber ont attiré l’attention les dernières années, contribuant à la création d’une image négative de la compagnie, telles que le refus de l’entreprise à suivre les règlements officiels, la volonté de cacher des scandales d’harcèlement sexuel envers les passagers[4], ou le fait qu’Uber aurait volé le travail des chauffeurs de taxis londoniens[5]. Mais principalement, il y a aussi des critiques dans les propres rangs d’Uber : plusieurs chauffeurs qui ne sont pas d’accordes avec les « réglés du jeu » dans l’entreprise.  

Afin de mieux comprendre la source de leur critique, il faut regarder de manière plus approfondie le modèle de l’entreprise : contrairement aux autres entreprises relatives au transport, Uber se considère comme une « place du marché », qui met en lien des chauffeurs avec des clients potentiels, mais ne possède pas de voiture et n'engage pas d'employé directement[6]. De plus, contrairement aux taxis traditionnels, où travaillent à la fois des chauffeurs qualifiés et des travailleurs occasionnels, travailler pour Uber est plus accessible aux autres groupes de la société, tels que des immigrants ou travailleurs généralement sous-payés : tous, avec une licence privée de 250$, peuvent soumettre leur application pour conduire[7]. Enfin, le modèle d’Uber et les conditions de travail ont révolutionné le secteur du transport privé.
D’une part, cette nouvelle accessibilité semblait très attrayante pour de nombreux chauffeurs pouvant bénéficier de certaines libertés en comparaison avec les entreprises traditionnelles, telles que des heures flexibles ou la possibilité d’utiliser sa propre voiture. Toutefois, les employés d’Uber ont également perdu quelques droits et libertés, ce qui présente un fait inquiétant.

La stratégie économique d’Uber (également citée par l’architecte d’UberX comme la « magie d’Uber ») consiste à élargir le nombre de chauffeurs dans une ville et ainsi, réduire le prix individuel pour le client, tout en augmentant le salaire de l’employé. Pour y arriver, toutes les opérations chez Uber sont organisées d’une manière logique s’appuyant sur une base de données. Par exemple, l’entreprise guide ses chauffeurs par des demandes automatiques et ou les clients doivent fournir des évaluations à la fin de leur voyage. Malgré les avantages de cette approche à première vue efficace, beaucoup des chauffeurs se sentent « aliénés » par leur travail : « Uber ne considère pas ses chauffeurs comme des humains. Je me moque de ce qu’ils disent. [8]»
Un autre exemple démontre qu’une mauvaise évaluation d’un client – qui est également un produit de la philosophie efficace chez Uber – peut compromettre l’emploi d’un chauffeur si Uber décide de le « désactiver ». À cela vient s’ajouter le fait qu’Uber peut arbitrairement réduire le salaire des chauffeurs, mais ils continuent de défendre l’idée selon laquelle les chauffeurs chez Uber gagnent encore plus d’argent grâce à l’efficacité du « network »[9]. En réalité, les employées n’ont plus les avantages des chauffeurs traditionnels, tels qu’un salaire minimum ou une sécurité sociale.

Alors, que pense-t-on du travail chez Uber ? Est-ce que la décision de Khan peut se révéler à être une prise de conscience pour le public, afin de développer un esprit critique à propos d’Uber, malgré les désavantages pouvant être occasionnés aux clients et chauffeurs ? Personnellement, je soutiens que malgré les inconvénients ou des difficultés professionnelles engendrés par le retrait d’Uber à Londres, la décision de Khan est courageuse et a démontré la nécessité de repenser les règlements pour des entreprises comme Uber. Même si Uber parviendra à récupérer sa licence, ce dont plusieurs peuvent en tirer avantage, il est important de commencer à en débattre.



[1] « Uber licence withdrawal disproportionate, says Theresa May », The Guardian, 28 septembre 2017, https://www.theguardian.com/technology/2017/sep/28/uber-licence-withdrawal-disproportionate-says-theresa-may, consulté le (29 septembre 2017) 2017.
[2] Idem.
[3] Aisling Ennis, « To me, it's a political decision, declares Uber driver », Belfast Telegraph, 22 septembre 2017, http://www.belfasttelegraph.co.uk/video-news/to-me-its-a-political-decision-declares-uber-driver-36159446.html, consulté le (26 septembre 2017) 2017.
[4]  Aisling Ennis, « Uber licence withdrawal disproportionate, says Theresa May », The Guardian
[5] « For Uber in London, a New Route: Diplomacy », New York Times, 28 septembre 2017, https://www.nytimes.com/2017/09/28/business/uber-london.html?rref=collection%2Fsectioncollection%2Fbusiness&action=click&contentCollection=business&region=stream&module=stream_unit&version=latest&contentPlacement=2&pgtype=sectionfront, consulté le (26 septembre 2017).
[6] Sam Knight, « How Uber conquered London », The Guardian, 27 avril 2016, https://www.theguardian.com/technology/2016/apr/27/how-uber-conquered-london, consulté le (26 septembre 2017).
[7] Idem.
[8] Sam Knight, « How Uber conquered London », The Guardian
[9] Idem

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