Afin de dénoncer l’exploitation
des femmes de ménage, des membres de l’agence de développement international
Oxfam Canada ont installé un lit dans le centre-ville de Toronto. A cet effet,
Oxfam Canada incitait donc les passants à « faire le lit » à l’issu
du temps exigé par les structures hôtelières. Selon les témoignages recueillis
dans le rapport intitulé « Tourism’s Dirty Secret: The Exploitation of Hotel Housekeepers
», les hôtels exploitent véritablement leurs femmes de ménages :
salaire de misère, heures supplémentaires impayées et harcèlement sexuel mis
sous silence. Le rapport fait mention du cas d’une employée à Phuket, en
Thailande, qui, pour percevoir le salaire d’un jour du plus haut salarié de la
direction, devra travailler pendant quatorze ans. Il est également dit que la
situation pourrait être améliorée de façon notable si ces femmes de ménage de
syndiquaient. Mais dans les pays en développement où les employeurs ont fort à
gagner en divisant les travailleurs, ce type de perspective relève de l’utopie.
Bien
qu’arbitraire, la situation des femmes de ménage n’est pas un cas isolé. Pour
Helena Hirata, le processus de mondialisation et ses conséquences sur la structure
du travail – flexibilité, sous-traitance, etc. – ont contribué à créer des
emplois pour les femmes, mais des emplois précaires, instables. Le travail
proposé aux femmes comme le travail domestique, le soin aux personnes âgées « s’éloigne
de la norme de l’emploi stable en vigueur pendant les Trente Glorieuses »,
ce qui concourt à renforcer les inégalités de sexe. Pour s’en sortir, elle
propose une réorientation des politiques publiques mais surtout une
syndicalisation des femmes, afin accroître le potentiel de négociation des
salariées.
Cependant,
ces mouvements collectifs sont difficiles à mettre en place, surtout dans un
climat de peur et de crainte qui définit les rapports salariés dans les pays en
développement. D’autant plus que ces employés sont majoritairement temporaires et
remplacés dans le cas où ils ne feraient pas l’affaire. La barrière de la
langue et de l’information, en s’ajoutant comme des freins supplémentaires à
une mobilisation collective, agissent comme un barrage puissant entre l’employeur
et la marge de manœuvre de l’employé. Isolés et dépourvus de moyens, ces
travailleurs se retrouvent donc à la merci des contraintes structurelles du
travail.
Le
travail d’Oxfam Canada et de nombreuses autres organisations qui luttent contre
les causes profondes de la pauvreté, de l’injustice et de l’inégalité est
nécessaire. Il est nécessaire de sensibiliser les citoyens sur les réalités du
marché qui ne sont pas si éloignées, nécessaire de les rassembler dans des
mouvements qui prennent des proportions significatives et d’œuvrer pour se
battre contre l’exploitation toujours active. Car c’est en concentrant les
actions collectives à l’échelle mondiale et sur la scène politique
internationale que nous pourrons contribuer à aplanir les inégalités qui
structurent le marché du travail. Des solutions éthiques qui améliorent les
conditions de travail précaires tout en maintenant une cadence productive
peuvent être envisagées. Si l’on se fie aux stratégies managériales appliquées
aujourd’hui en Occident, le regain d’intérêt pour la thématique du bonheur révèle
une perspective optimiste. Plutôt que de générer l’efficacité par la peur, les
dirigeants préconisent l’application du bien-être au travail. Cette manœuvre apparait
comme une solution gagnante pour l’employé qui est plus heureux, plus présent
et plus investi dans son travail, et pour l’employeur qui maintient une équipe
de travail durable et efficace. Le temps et les résultats de cette nouvelle
stratégie nous diront si elle peut s’étendre jusque dans les milieux les plus
précaires.
Mélissa Moriceau
Desmarteau
Raymond, « La sombre réalité du tourisme : les précaires conditions de
travail des femmes de ménage dans les hôtels », Radio Canada International, 17 octobre 2017. Consulté au http://www.rcinet.ca/fr/2017/10/17/la-sombre-realite-du-tourisme-les-precaires-conditions-de-travail-des-femmes-de-menage-dans-les-hotels/
le 18 octobre 2017
Hirata,
Helena. (2003). « Pour qui sonne le glas ? Mondialisation et division sexuelle
du travail », dans J. Bisilliat (dir.), Regard des femmes sur la globalisation,
Karthala, Paris. Pp. 11-26
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