mercredi 18 octobre 2017

Femmes de ménage, ménagez-vous !

Afin de dénoncer l’exploitation des femmes de ménage, des membres de l’agence de développement international Oxfam Canada ont installé un lit dans le centre-ville de Toronto. A cet effet, Oxfam Canada incitait donc les passants à « faire le lit » à l’issu du temps exigé par les structures hôtelières. Selon les témoignages recueillis dans le rapport intitulé « Tourism’s Dirty Secret: The Exploitation of Hotel Housekeepers », les hôtels exploitent véritablement leurs femmes de ménages : salaire de misère, heures supplémentaires impayées et harcèlement sexuel mis sous silence. Le rapport fait mention du cas d’une employée à Phuket, en Thailande, qui, pour percevoir le salaire d’un jour du plus haut salarié de la direction, devra travailler pendant quatorze ans. Il est également dit que la situation pourrait être améliorée de façon notable si ces femmes de ménage de syndiquaient. Mais dans les pays en développement où les employeurs ont fort à gagner en divisant les travailleurs, ce type de perspective relève de l’utopie.

Bien qu’arbitraire, la situation des femmes de ménage n’est pas un cas isolé. Pour Helena Hirata, le processus de mondialisation et ses conséquences sur la structure du travail – flexibilité, sous-traitance, etc. – ont contribué à créer des emplois pour les femmes, mais des emplois précaires, instables. Le travail proposé aux femmes comme le travail domestique, le soin aux personnes âgées « s’éloigne de la norme de l’emploi stable en vigueur pendant les Trente Glorieuses », ce qui concourt à renforcer les inégalités de sexe. Pour s’en sortir, elle propose une réorientation des politiques publiques mais surtout une syndicalisation des femmes, afin accroître le potentiel de négociation des salariées.

Cependant, ces mouvements collectifs sont difficiles à mettre en place, surtout dans un climat de peur et de crainte qui définit les rapports salariés dans les pays en développement. D’autant plus que ces employés sont majoritairement temporaires et remplacés dans le cas où ils ne feraient pas l’affaire. La barrière de la langue et de l’information, en s’ajoutant comme des freins supplémentaires à une mobilisation collective, agissent comme un barrage puissant entre l’employeur et la marge de manœuvre de l’employé. Isolés et dépourvus de moyens, ces travailleurs se retrouvent donc à la merci des contraintes structurelles du travail.


Le travail d’Oxfam Canada et de nombreuses autres organisations qui luttent contre les causes profondes de la pauvreté, de l’injustice et de l’inégalité est nécessaire. Il est nécessaire de sensibiliser les citoyens sur les réalités du marché qui ne sont pas si éloignées, nécessaire de les rassembler dans des mouvements qui prennent des proportions significatives et d’œuvrer pour se battre contre l’exploitation toujours active. Car c’est en concentrant les actions collectives à l’échelle mondiale et sur la scène politique internationale que nous pourrons contribuer à aplanir les inégalités qui structurent le marché du travail. Des solutions éthiques qui améliorent les conditions de travail précaires tout en maintenant une cadence productive peuvent être envisagées. Si l’on se fie aux stratégies managériales appliquées aujourd’hui en Occident, le regain d’intérêt pour la thématique du bonheur révèle une perspective optimiste. Plutôt que de générer l’efficacité par la peur, les dirigeants préconisent l’application du bien-être au travail. Cette manœuvre apparait comme une solution gagnante pour l’employé qui est plus heureux, plus présent et plus investi dans son travail, et pour l’employeur qui maintient une équipe de travail durable et efficace. Le temps et les résultats de cette nouvelle stratégie nous diront si elle peut s’étendre jusque dans les milieux les plus précaires. 

Mélissa Moriceau

Desmarteau Raymond, « La sombre réalité du tourisme : les précaires conditions de travail des femmes de ménage dans les hôtels », Radio Canada International, 17 octobre 2017. Consulté au http://www.rcinet.ca/fr/2017/10/17/la-sombre-realite-du-tourisme-les-precaires-conditions-de-travail-des-femmes-de-menage-dans-les-hotels/ le 18 octobre 2017

Hirata, Helena. (2003). « Pour qui sonne le glas ? Mondialisation et division sexuelle du travail », dans J. Bisilliat (dir.), Regard des femmes sur la globalisation, Karthala, Paris. Pp. 11-26

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