La France est depuis quelques années la destination la plus
touristique du monde. En 2015, le tourisme français représentait plus de 7,2%
de son PIB. C’est donc dans l’optique de favoriser l’économie et la dynamique
touristique du pays, que la loi Macron d’Août 2015 proposa la création de ZTI
(Zones Touristiques Internationales). Ces zones, délimitées par arrêtés, sont les
quartiers les plus fréquentés par les touristes. Bien que selon certains
responsables de syndicats, il y aurait des zones devenues ZTI où il n’y a
jamais un seul touriste. Les commerces situés dans ces Zones Touristiques
Internationales pourraient désormais ouvrir plus de cinq dimanches par an (limite
fixée jusqu’à présent) dans le but de satisfaire une plus grande clientèle.
Cependant cette nouvelle loi ne fait pas l’unanimité auprès
des différents acteurs concernés. D’un côté on retrouve les patrons des
enseignes et de l’autre les employés menés par les différents syndicats comme
la CGT par exemple. Comme dans toutes luttes, chacun à ses propres
revendications et ses propres arguments. Claude Boulle, président exécutif de
l’Union du grand commerce de centre-ville, sait pertinemment que les touristes qui, en se promenant, tombent sur
un commerce fermé, ne vont pas revenir le lendemain pour ce commerce. C’est
donc une baisse du chiffre d’affaire pour ces magasins.
De leur côté, les salariés ne voient pas cette nouvelle loi
comme un avantage. Isabelle, Monique et
Frédérique, toutes les trois employées au magasin Le Bon Marché,
expliquent : « On finit
deux jours par semaine à 21 heures, plus les samedis, on n’a jamais de
week-ends. ». Or rappelons
que depuis la loi du 13 Juillet 1906, le jour de repos hebdomadaire obligatoire
est le dimanche. C’est un droit obtenu après un compromis entre laïque et
chrétien après la séparation de l’Eglise et de l’Etat. Le repos dominical est
ainsi ancré dans les mœurs et les traditions depuis cette date. Que ce soit
pour les personnes laïques ou non, le dimanche est très symbolique. Le dimanche
est le jour Saint, le jour où l’on va à l’Eglise, mais également le jour on
l’on vote. En dehors de l’aspect traditionnel, il
y a également l’aspect pratique pour ces employés. Que vont faire les femmes
seules avec enfants ? Comment vont-elles les faire garder ?
Sur le papier, la loi parait positive
pour le salarié. En effet, la loi stipule que : « Seuls les
salariés volontaires ayant donné leur accord par écrit à leur employeur peuvent
travailler le dimanche […] » et en cas de refus, le salarié est
protégé par cette même loi :
« - Une
entreprise ne peut prendre en considération le refus d'une personne de
travailler le dimanche pour refuser de l'embaucher.
- Le salarié
qui refuse de travailler le dimanche ne peut faire l'objet d'une mesure
discriminatoire dans le cadre de l'exécution de son contrat de travail.
- Le refus
de travailler le dimanche pour un salarié ne constitue pas une faute ou un
motif de licenciement. »
Mais dans les faits, c’est autre
chose. Les employés ont plus l’impression qu’il s’agit de « volontariat
forcé » et qu’ils sont manipulés. Si les salariés refusent ce
soi-disant « volontariat », les patrons leur mettent la
pression et leur font du « chantage sur les congés payés, les
horaires, les fermetures de magasin », expliquent Catherine Gaigne. Ou
encore « Tu laisses tomber tes collègues ? » rapportent
deux vendeuses chez Sephora. Les salariés se sentent coincés et coupables. Cette
fausse liberté n’est pas sans rappeler la « liberté de choisir »
dont parle Pierre Dardot dans son essai La nouvelle raison du monde. Essai
sur la société néolibérale. Dans son ouvrage il cite Bentham « Tout
le secret de l’art du pouvoir, est de faire en sorte que l’individu poursuive
son intérêt comme si c’était son devoir… » Comme ici avec les employés
interrogés dans l’article. On va faire croire au salarié que c’est dans son intérêt
et dans son devoir d’agir ainsi, alors qu’en réalité c’est tout le contraire.
Une personne aura implanté l’idée dans l’esprit du salarié et pourra ainsi le
manipuler.
Comme il y a 100 ou 50 ans, les
patrons arrivent encore aujourd’hui à manipuler et orienter le choix de leurs
employés grâce à la peur du chômage. Bien que certains se rendent compte de ce
chantage, ont-ils pour autant conscience que leur « liberté de choisir »
ne leur appartient pas vraiment ? Ce « volontariat forcé »
ne peut-il pas être vu comme une sorte d’esclavage moderne ?
Lucie Bouvier
Sources :
-Le Monde, « Travail du dimanche : du
« volontariat forcé », selon les syndicats », Jade Grandin de
l'Eprevier, le 16 septembre 2015.
-Le Monde, « Dans les grands magasins, le travail du
dimanche dans l’impasse », Cécile Prudhomme, le 28 mai 2016. http://www.lemonde.fr/economie/article/2016/05/28/dans-les-grands-magasins-le-travail-du-dimanche-dans-l-impasse_4928145_3234.html
-Le Figaro, « La loi de 1906 sur le repos
dominical : un texte de réconciliation », Guillaume Perrault, le 30
septembre 2013.
-Dardot Pierre et Christian Laval. 2009. La nouvelle raison
du monde. Essai sur la société néolibérale, La Découverte, Paris. P.300
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