Ce mardi 10 octobre, c’était la journée mondiale de la santé mentale de
l’Organisation mondiale de la santé (OMS). Thématique accaparée par de plus en
plus de managers, et appuyée par les cabinets de relations humaines, le bien-être
au travail est sur toutes les lèvres. Justin Trudeau en a d’ailleurs profité
pour rappeler les enjeux qui y sont liés : « Le thème de cette année, la santé mentale au
travail, nous rappelle que pour beaucoup de gens, le travail peut être une
source de stress et susciter des difficultés en matière de santé mentale. Il
revient à chacun d'entre nous de créer des milieux de travail qui encouragent
la santé mentale et répondent aux divers besoins des employés. ». Aujourd’hui,
les solutions proposées sont actuellement lacunaires et se limitent trop
souvent à la médication, selon le Regroupement des ressources alternatives en
santé mentale du Québec (RRASMQ). Il serait donc nécessaire d’agir de façon à
limiter les risques psychologiques et de prendre des mesures concrètes au sein même
de l’entreprise.
Vécue dans le cadre du travail, la thématique de la santé mentale est
une problématique capitale, car elle lie la question du bien-être avec celle de
la productivité des travailleurs. Et pour cause! Des employés heureux seraient
des employés plus performants (de 10 à 12% plus performants que la moyenne,
selon des chercheurs de l’université anglaise de Warwick), et surtout présents
au travail. Quand on sait que les coûts de l’absentéisme s’échelonnent à 16.6
milliards de dollars par an selon
le conférence board of Canada, les entreprises ont donc beaucoup à gagner en sensibilisant
leurs employés sur les risques associés au stress, à l’anxiété ou au burn out. Ainsi,
en agissant directement sur l’individu et son implication au travail, les
dirigeants espèrent relativiser les coûts liés à la santé mentale et à la
formation, en plus de fidéliser l’employé par une bonne gestion de son bien-être. À première vue, cette stratégie s’inscrit dans une démarche éthique,
qui permet de manager de façon « positive ». Pourtant, cette entreprise
pourrait dissimuler d’autres enjeux, car plutôt que d’agir sur les conditions
structurelles telles que les quotas, les objectifs ou le rendement, les
dirigeants vont demander à l’employé de s’accommoder psychologiquement de sa
charge de travail. De façon identique à l’argumentaire de Boltanski et
Chiappelo , les dirigeants vont ainsi récupérer les critiques adressées aux
conditions de travail, et en transformant les termes négatifs de « stress », «
burnout », « dépression » par « bien-être », « créativité », ils vont proposer à
ces individus une solution satisfaisante. En mettant ces outils à disposition
des employés, ils n’ont alors plus d’excuse pour ne pas "performer". À renfort de
publicité valorisant son bien-être, l’employé alors soumis aux injonctions de
productivité, et ce, en pensant que l’entreprise se soucie de lui.
Malgré ces soubassements productivistes, il nous faut cependant nuancer
cet argumentaire alarmiste. La présence d’un lexique associé au bien être dans
le cadre du travail reste une amélioration notable, quand on pense aux
conditions de travail par le passé, qui perdurent aujourd’hui dans le cadre des
formes de travail périphériques. Peu importe les buts associés à cette lutte
contre les risques psychologiques qui affectent l’homme moderne, la quête du
bien être en entreprise reste un combat indispensable, aujourd’hui plus que
jamais.
Mélissa Moriceau
Sources
Oti Didier, « Le travail : ami et ennemi de la santé mentale »,
Radio Canada International, 2017,
consulté au http://www.rcinet.ca/fr/2017/10/10/la-travail-amie-et-ennemie-de-la-sante-mentale/
le 11 octobre 2017
Stewart, Nicole. «
Quand les employés manquent à l’appel : L’absentéisme dans les organisations
canadiennes », Le Conference Board du
Canada, Ottawa, 2013.
Boltanski,
Luc et Ève Chiapello. Le nouvel esprit du capitalisme, Paris, Gallimard,
1999.
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