Des infirmières courtisées jusqu’en France,
un geste prématuré selon la FIQ
Dans l’actualité
de la dernière semaine, quelques articles de journaux ont été publiés
concernant les difficultés rencontrées par certains établissements de santé
québécois à recruter des infirmières pour combler leurs postes et que ces
derniers se tourneraient vers la France combler le manque de personnel[1]. Étroitement liée au
problème, La Presse rapporte que les
heures supplémentaires sont aussi en hausse dans une période dite
« inhabituelle »[2], c’est-à-dire, à la période extra-estivale dans laquelle les vacances sont terminées. Or, la Fédération
Interprofessionnelle en santé du Québec, le syndicat représentant ces
infirmières accuse le gouvernement québécois ainsi que les divers
établissements de santé de ne pas révéler les vraies données concernant le
nombre d’infirmières embauchées et de recruter du personnel à l’étranger
« sous couvert de la pénurie ». De plus, selon la FIQ, à l’heure
actuelle 50% des infirmières ainsi que 33% des auxiliaires à l’échelle
provinciale ont un poste à temps plein[3], ce qui rend la pénurie
d’autant plus surprenante. Par ailleurs, on peut noter que le taux d’emploi
atypique, soit le temps partiel, le recours aux agences de placement ou le
travail sur appel, a progressé de 52,2% dans le secteur de la santé[4], ce qui n’inclut toutefois
pas seulement les infirmières, mais aussi les emplois administratifs, ménagers,
cuisines ainsi que les préposés aux bénéficiaires.
En prenant en
compte les transformations des marchés du travail ainsi que le rôle actif de
l’État dans la mise en concurrence des travailleurs-ses[5] – même à l’échelle
internationale comme on le voit dans ce cas-ci – il semble que le problème de
« pénurie » correspond à la logique de prolifération des statuts
atypiques au sein même des employé-es de la fonction publique. Cette pratique,
normalisée par les politiques d’embauche des différents paliers de
gouvernements au Canada, soit au fédéral, provincial et municipale, force les
établissements de santé à se tourner vers une main d’œuvre qualifiée à
l’étranger pour combler les heures manquantes. Force est de constater qu’il est
paradoxal de la part du gouvernement québécois d’avoir recours à des heures
supplémentaires qui coûtent plus cher pour combler une « pénurie » qu’il
a lui-même mis en place! De plus, on peut fortement se douter que cette institutionnalisation des heures
supplémentaires en tant que pratique normalisée a des conséquences à la fois
pour le bien-être des infirmières, mais aussi dans la qualité des soins aux
patients. On peut aussi imaginer que ces conditions de travail force les
infirmières à déserter leur emploi, vouloir moins d’heures, bref, un
désenchantement face à la profession que j’ai pu constater moi-même dans le
cadre de mon emploi sur le bloc d’urgence d’un hôpital à Montréal.
Dans un autre
ordre d’idées, il est frappant de constater que c’est la France qu’on se tourne
pour aller chercher une main d’œuvre qualifiée, et non vers les pays du Sud
global telles qu’on le fait pour la main d’œuvre non-qualifiée. Outre les
relations qu’ont la France et le Québec, notamment en ce qui concerne la langue
d’usage, la mention quasi-automatique du recours à la France comme bassin de
main d’œuvre, met en relief les politiques d’immigrations canadiennes à deux
vitesses selon les pays d’origine.
Ce que l’on
constate finalement, c’est que l’on a étiré l’élastique du recours aux heures
supplémentaires pour combler la pénurie de main d’œuvre au maximum. Cependant,
on constate que cette solution n’est plus envisageable et que les
établissements de santé sont forcés de se tourner vers une main d’œuvre internationale
pour combler les besoins de main d’oeuvre. Enfin, au lieu d’augmenter les
salaires, d’améliorer les conditions de travail et de rendre la profession plus
« attrayante », le gouvernement québécois, dans sa logique
néolibérale de mise en concurrence des travailleuses et travailleurs, préfère avoir
recours à des travailleuses étrangères afin maintenir l’emploi atypique comme
pratique normalisée.
[1]
Gentile, David (2017) « Des infirmières courtisées jusqu’en France, un
geste prématuré selon la FIQ » Radio-Canada
En ligne : http://beta.radio-canada.ca/nouvelle/1058426/infirmieres-recrutement-france-premature-selon-fiq
(Mis à jour le 28 septembre 2017)
[2]
Lévesque, Lia (2017) « Infirmières : hausse des heures supplémentaires
à des périodes inhabituelles » La Presse En
ligne : http://www.lapresse.ca/actualites/sante/201710/01/01-5138347-infirmieres-hausse-des-heures-supplementaires-a-des-periodes-inhabituelles.php
(Mis à jour le 1er octobre 2017)
[3]
Ibid.
[4]
Noiseux,Yanick (2011) Transformations des marchés du travail et
innovations syndicales au Québec, Presses de l’Université du Québec,
Québec, p. 25
[5]
Dardot, Pierre et Christian Laval (2009) La
nouvelle raison du monde : essai sur la société néolibérale, La Découverte,
Paris.
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