Deux hommes originaires du
Guatemala ont été arrêtés le 18 septembre dernier puis détenus au Centre de
surveillance de l’immigration à Laval. Placido Morales Reyes et David Rojas
Morales, ainsi qu’une quinzaine de personnes l’an dernier affirment avoir été
exploités par l’agence Les progrès Inc. Le Centre des travailleurs et
travailleuses immigrants (CTI) soutient que ces individus arrêtés il y a trois
semaines ont été « victimes du trafic de main-d’œuvre », et que les vrais
contrevenants sont leurs employeurs et l’agence de placement Les Progrès. En
changeant d’employeur et moyennant un paiement de près de 5000 dollars, cette
agence leur aurait promis des permis de travail, un meilleur salaire, voir la
résidence permanente, qu’ils n’allaient pourtant jamais obtenir. Rappelons que
les permis de travail temporaires en milieu agricole sont rattachés à un seul
employeur. En quittant cet employeur, les travailleurs se mettent dans une situation
d’illégalité et disposent de peu d’options pour régulariser leur statut. Pour Viviana
Medina Velazquez, une organisatrice communautaire du CTI, « Ces
travailleurs ont été exploités dès le départ [...] Ils sont venus ici pour
travailler et n’avaient d’autres choix que de subir des conditions de
quasi-esclavage pour payer leurs dettes et nourrir leurs familles restées au
Guatemala. »
-
Les flux migratoires contemporains : entre
exploitation et privation de droits
Selon la Revue multidisciplinaire
sur l’emploi, le syndicalisme et le travail (REMEST), la tendance actuelle
concernant le phénomène migratoire concernerait davantage l’encadrement de la
mobilité plutôt que celle de l’immigration permanente. A ce titre, les migrants
ne bénéficieraient pas des mêmes droits que les résidents permanents en matière
d’emploi. Embauchés temporairement, les travailleurs migrants, tout comme d’autres
travailleurs précarisés permettent de faire face à la pénurie de main
d’œuvre dans certains domaines comme l’agriculture
ou l’industrie dans lesquels les lois du travail sont en
marge de celles appliquées usuellement. Ainsi,
certaines catégories d’emplois comme le travail saisonnier sont réservés à ces
travailleurs temporaires. Cette dynamique permet de satisfaire les idéaux contemporains
de flexibilité, en concourant également à la prolifération des emplois
atypiques. Cet effet vient alors réaménager le paysage du travail par l’effet
de centrifugation, c’est-à-dire la segmentation des marchés du cœur vers les
périphéries. Ce modèle doit être pensé en référence aux inégalités d’accès à l’emploi,
donc à travers les problématiques du genre, de l’ethnicité et de l’âge. Ce qu’il
faut retenir, c’est qu’une fois de plus, ce sont les individus ayant peu d’accès
à l’information qui se retrouveront dans ce type de programme. Souvent
désyndicalisés, ces travailleurs ont peu d’emprise sur les modalités d’intégration,
sur les régimes d’assurance ou même les procédures juridiques qui accompagnent
ce type d’emplois. Mis à l’écart par la barrière de la langue, ils leur est
difficile de penser leur intégration ou d’intervenir pour se défendre face à
des procédures abusives telles que celles évoquées dans cet article.
-
L’ouverture d’une brèche face à ces problématiques :
le pouvoir des syndicats
Face à la répétition de ce type
d’injustices, des groupes de lutte se mettent en place. Le TUAC (Travailleurs
et Travailleuses Unis de l'Alimentation et du Commerce) lutte par exemple pour
que les mexicains travaillant au Canada puissent se syndiquer sans être « mis
sur liste noire » par le gouvernement mexicain, leur empêchant ainsi de
revenir sur le territoire canadien. Ce cas, débattu en 2011 démontre l’une des
nombreuses injustices avec lesquelles doivent faire face les travailleurs
étrangers. Parallèlement, il illustre le pouvoir réel des syndicats, des
associations et des groupes de personnes face aux procédures préjudiciables des
gouvernements ou des entreprises.
Mélissa Moriceau
Sources
TUAC, "Halte à l'exclusion de travailleurs migrants !" consulté sur http://www.tuac.ca/index.php?Itemid=342&lang=fr
René Saint Louis, "Les travailleurs guatémaltèques arrêtés sont les vraies victimes, dit un organisme", Radio Canada, mis à jour le 15 novembre 2016, consulté sur http://ici.radio-canada.ca/nouvelle/1000133/travailleurs-guatemala-arretes-victoriaville-organismes-defense, consulté le 4 novembre 2017
Sarah
R. Champagne, « Des travailleurs agricoles guatémaltèques disent avoir
perdu des milliers de dollars », Le
Devoir, mis à jour le 3 novembre
2017, consulté sur http://www.ledevoir.com/societe/actualites-en-societe/509457/une-agence-sous-enquete-et-poursuivie-par-17-travailleurs-toujours-en-activite,
consulté le 4 novembre 2017
Yanick Noiseux, « Mondialisation,
travail et précarisation : Le travail migrant temporaire au cœur de la
dynamique de centrifugation de l’emploi vers les marchés périphériques du
travail », Recherches sociographiques, 2012
Aucun commentaire:
Publier un commentaire