lundi 30 octobre 2017

Nouvelle économie et conflit des générations


La conquête de la génération Y des postes de directions dans l’économie numérique mondialisé saura-t-elle dépasser la rencontre conflictuelle avec les travailleurs antérieurs ? Un sondage du recruteur en ligne Career Builder, révélait ainsi qu’en 2014, 38% des employés disaient travailler pour un chef plus jeune. Leurs compétences leur assurent des ascensions rapides dans un contexte d’e-commerce et d’expansion du numérique à toujours plus de secteurs économiques.
Les nouvelles générations sont-elles alors bien outillées pour travailler avec des employés plus âgés ? Sans grande surprise, l’acclimatation est souvent difficile des deux côtés. Le jeune chef doit apprendre à ne pas laisser l’inégalité des compétences le distancer. Gestion de l’open-space, nouvelles techniques de management et jargons, nouvelles techniques de travail, internationalisation des réseaux sont un ensemble de savoir-faire pouvant créer des décalages avec leurs nouveaux collaborateurs. Certaines compétences pédagogiques peuvent donc leur faire défaut, c’est ce qu’identifie le Professeur Peter Cappelli de l’université de Wharton en Pennsylvanie. Mal préparés, les jeunes dirigeants peuvent se placer en experts autoritaires, éloignant par leurs remarques l’employé plus âgé.
Pour le Professeur Cappelli, il serait judicieux d’imiter le modèle militaire, soit enseigner aux jeunes chefs à orienter l’action ou définir la stratégie et à laisser leurs partenaires le choix du moyen pour y parvenir. L’important serait de faire valoir l’expérience comme compétence plus que de la subordonner aux nouvelles techniques de travail portées par le chef. L’indépendance dans le choix de la méthode sortirait en partie l’employé plus âgés de la position difficile d’infériorité et d’obéissance total à un chef plus jeune au ton didactique. Pour illustré cette démarche nous est présentée, l’expérience de l’entrepreneur trentenaire Dominik Stein  (Verts Mediterranean Grill) partant à 21 ans d’un entêtement et d’une volonté de tout faire par lui-même dans son premier grill, pour aboutir aujourd’hui à admettre qu’il est nécessaire de déléguer pour faire naître un sentiment d’inclusion chez ses cadres. Cette expérience est suivie du témoignage de Valentino Lanoce, un de leurs employés de 55 ans, impressionné par leurs innovations « idées fraîches », occupant un poste de cadre actif dans l’entreprise de ses employeurs.
La psychologue Jessica Foster travaillant à RHR International (une entreprise américaine aidant les seniors à adapter leurs entreprises où leurs carrières) conclut l’article en mettant en avant le « scepticisme » que rencontre les jeunes chefs : « Même les gens gentils de prime abord pensent qu’ils devraient être à leur poste. Les jeunes doivent montrer qu’ils ont de réelles qualités ».

J’aimerais terminer en mettant l’accent sur un point important, chaque entrée d’un ensemble de personnes sur le monde du travail est étudiée sous l’angle de la compétition. Celle des jeunes soulève la question de la lutte de la compétence dans un contexte où la maîtrise du numérique est inévitable pour être compétitif. Les anciens travailleurs ont donc l’angoisse d’être déclassés, de ne pouvoir s’adapter et de voir l’expérience acquise durant des années de travail se révéler fondamentalement insuffisante. L’émergence d’un ensemble de patrons plus jeunes qu’eux devient une humiliation puisque vécu comme une preuve que le monde du travail ne salue pas à leur juste valeur les années passées au travail. Les nouveaux travailleurs eux doivent faire face ainsi à un contexte de personnes opposées à l’expression de leurs nouvelles compétences et volonté puisqu’elles sont vécues comme une remise en cause du modèle. Ce qui les pousse inconsciemment à se raidir sur leurs positions, cherchant dans l’autorité excessive une légitimité à occuper leurs nouvelles places de pouvoir et se heurtant au décalage de compétence de leurs employés plus anciens (précisément l’exemple de cas du professeur Cappelli). Le néo-libéralisme a formé une société où la diversité de compétences et d’ambitions ne peut s’exprimer que par leurs confrontations. Il faut se tailler une place, s’imposer, faire respecter sa position de chef. Bref au nom de l’individualisme systémique et de la compétitivité, il faut considérer dans le secteur économique que ce que l’on apprend et ce que l’on veut faire implique une lutte féroce contre ceux qui le faisaient avant soi précédemment.
Par: Gabriel Thibeau

Source: Le Monde économique : Management la génération Y prend les commandes de Caroline Talbot

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