lundi 24 septembre 2018

Parce que le réforme Gaétan Barette est un succès? Mais que tout va mal dans le système de santé québécoi


Je me souviens bien de la colère des infirmières face à leurs conditions de travail en février et mars 2018. Je me souviens des réclamations de l’Ordre des infirmières qui avait pour but de changer leur quotidien. Et par quotidien, je parle de leurs heures supplémentaires imposées, le ratio patients-infirmières (un nombre que Gaétan Barette tient absolument à faire passer) (1) et leur énorme charge de travail. Ceci entraîne non seulement un épuisement des infirmières, qui finiront par être face à un choix : continuer ou raccrocher leur stéthoscope, mais aussi une baisse significative des jeunes élèves apprenti-infirmières (2).

En effet, très souvent, les infirmières se voit imposer de rester parce que l’infirmière qui devait prendre le quart de travail suivant n’est pas venue (3). Manifestement, on demande souvent aux infirmières de faire deux quarts de travail, un à la suite de l’autre, mais est-ce « humain » de faire 16 heures par jour? (3)  Sont-elles des machines invincibles? De plus, la réforme de la santé impose un certain nombre de patient pour une infirmière (le fameux ratio patient-infirmière), ce qui peut causer de véritables problèmes parce que si certains patients ne demandent que quelques minutes, d’autres peuvent demander plusieurs heures – ce qui est franchement inégal.
Clairement, les infirmières qui tiennent le système de santé à bout de bras, ont besoin d’aide. Elles ont besoin d’argent et de main d’œuvre supplémentaire – mais, n’oublions pas que pour Gaétan Barette, la réforme est un succès parce que le plus important pour lui, ce sont les chiffres (4).  
C’est ainsi que j’en suis venue à me demander où en était la nouvelle génération d’infirmière, celle qui aidera l’ancienne génération complétement épuisée. À Sorel-Tracy en 2014, on pouvait compter 83 élèves inscrits en première année de soins infirmiers. Aujourd’hui, en 2018, ce nombre est de 50. À Matane, en 2014, on avait 28 élèves et cet automne, leur nombre s’élève à 16. Cependant, la chute la plus drastique se situe au cégep de La Pocatière où le nombre d’élèves inscrits en 2014, était de 28 alors qu’aujourd’hui, seulement 4 y sont inscrits (5). La voilà, la réponse : est-ce que l’on peut vraiment parler d’une nouvelle cohorte alors qu’elles sont si peu nombreuses?
Le climat dans le système de santé est tellement rempli d’incertitude que les jeunes étudiantes n’ont pas envie d’entrer dans un milieu de travail où elles ne voient que de conditions de travail médiocres (5) et où le salaire diminue. Alors que le salaire de nos médecins lui, augmentent de manière disproportionné grâce «au succès la réforme de santé » (6).
Nancy Bédard, la présidente de la Fédération des infirmières du Québec croit qu’il n’y a qu’une seule façon de revaloriser le domaine des infirmières : soit les conditions de travail s’améliorent et la charge de travail est revu à la baisse, soit la profession ira droit « dans le mur » (5). En attendant, les cégeps se cassent la tête pour valoriser la profession et recruter dans les écoles secondaires (5).
En cette période électorale, la population vient de voir passer une annonce qui a fait trembler mon monde : « Jean-François Lisée [le chef du Parti québécois] s’est engagé lundi à offrir 10 M$ d’un fonds d’urgence dans les semaines suivant l’élection d’octobre pour améliorer les conditions de travail des infirmières alors qu’une pénurie de relève frappe des cégeps de la province. » (7). J’ai clairement envie de crier « Bravo! » et « Enfin! » mais est-ce qu’il a un plan? 10 M$ c’est beaucoup d’argent et c’est parfait, parce que les infirmières en ont besoin. Cependant, on ne voudrait pas que l’argent finisse ailleurs. Il ne faut pas oublier que quand l’on parle de système de santé au Québec, on parle de système de santé et des services sociaux. Les services sociaux comme la protection de la jeunesse, l’aide aux personnes âgées à domicile ou le soutien aux personnes en situation de handicap ont aussi été des secteurs fortement touchés par la réforme Barette (8).
Effectivement, le chef péquiste promet de supprimer le temps supplémentaire obligatoire. Il promet aussi à propos du ratio patient-infirmière, « [d’] inscrire dans une loi le fait que ces ratios-là ne doivent pas être déterminés ni par la négociation collective ni par les responsables de budget, mais bien par les besoins médicaux » (7). Des promesses qui permettront un équilibre entre un salaire juste en fonction de leur charge de travail. Des promesses qui pourrait régler les problèmes des infirmières et redorer un peu le blason de leur profession.
 
Par Katniss Dupré

Bibliographie
(1) Radio-Canada. « Ratio patients-infirmière : le ministre Barrette met sur pied des projets pilotes », Radio-Canada, 29 mars 2018, <https://ici.radio-canada.ca/nouvelle/1084911/ratio-patients-infirmieres-ministre-gaetan-barrette-projets-pilotes>, consulté le 21 septembre 2018. 
(2) Radio-Canada. « L’Ordre des infirmières réclame des solutions immédiates pour mettre fin à "l'inacceptable" », Radio-Canada, 26 février 2018, <https://ici.radio-canada.ca/nouvelle/1085851/ordre-infirmiers-infirmieres-demande-solutions-gouvernement-gaetan-barrette-sante >, consulté le 21 septembre 2018.
(3) ARCHAMBAULT, Héloïse. « Une infirmière a travaillé 24 heures d'affilée », Journal de Montréal, 15 septembre 2017, < https://www.journaldemontreal.com/2017/09/15/une-infirmiere-a-travaille-24-heures-en-ligne>, consulté le 20 septembre 2018.
(4) Radio-Canada. « Réforme de la santé : " Gaétan Barette porte-t-il des lunettes roses?" - François Bonnardel», Radio-Canada, 30 janvier 2018, < https://ici.radio-canada.ca/nouvelle/1081110/reforme-de-la-sante-gaetan-barette-porte-t-il-des-lunettes-roses-francois-bonnardel>, consulté le 21 septembre 2018. 
(5) BIRON, Pierre-Paul. « Pénurie d’aspirantes infirmières », Journal de Montréal, 17 septembre 2018, <https://www.journaldemontreal.com/2018/09/17/penurie-daspirantes-infirmieres>, consulté le 20 septembre 2018
(6) Radio-Canada. « Le fossé de la rémunération se creuse entre médecins et infirmières», Radio-Canada, 4 mai 2018, < https://ici.radio-canada.ca/nouvelle/1097297/remuneration-medecins-infirmieres-systeme-de-sante-quebec >, consulté le 21 septembre 2018. 
(7) BIRON, Pierre-Paul. « Le PQ promet 10M$ pour aider les infirmières », Journal de Montréal, 17 septembre 2018, < https://www.journaldemontreal.com/2018/09/17/le-pq-promet-10m-pour-aider-les-infirmieres >, consulté le 20 septembre 2018.
(8) ROBERT, Martin et BERGERON, David. «Dr Barrette au pays des merveilles», la Tribune, 5 février 2018, < https://www.latribune.ca/opinions/dr-barrette-au-pays-des-merveilles-84b51431597d305ec3abc815bbe43e81>, Consulté le 21 septembre 2018.
Villermé, Louis-René. 1986 [1840]. Tableaux de l’état physique et moral des salariés en
France, La Découverte, Paris. Pp. 9-20 (introduction de Yves Tyl); 188-194.

Crédit image : https://fr.freepik.com/photos-libre/stethoscope-sur-le-presse-papiers _2135101.htm

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