Le 6
juin 2018 on comptait plus de 1350 travailleuses de 57 CPE (centre de la petite
enfance) en grève générale illimitée de Montréal et de Laval. (https://ici.radio-canada.ca/nouvelle/1105315/debrayage-cpe-montreal-laval-greve-enfants) Ces
grèves perdurent depuis le mois de mars après plusieurs séances de négociations
qui, selon la CSN, ne portent pas fruit. Il faut dire que les travailleuses de
CPE sont sans convention collective depuis plus de trois ans.
Mais
que revendiquent exactement les travailleuses? Depuis les dernières années, ce
n’est pas la première fois que les CPE entre en grève, mais cette fois ci les
revendications ne sont pas d’ordre salariales, on ne parle pas non plus de
régime de retraite ou d’assurances collective. Ce que les éducatrices
revendiquent c’est avant tout leur pouvoir décisionnel, le fractionnement des
vacances, la transparence des états financiers ainsi que la reconnaissance de
leur ancienneté, dit Tania Valdez, membre du comité de négociation.(https://ici.radio-canada.ca/nouvelle/1105315/debrayage-cpe-montreal-laval-greve-enfants) En
effet, les travailleuses réclament une reconnaissance de leurs acquis, de leur ancienneté
et veulent être impliquées dans les processus décisionnels, après tout, ce sont
elles qui sont principalement touchées par les coupures ou la mauvaise gestion.
Ainsi, elles réclament que leur travail soit reconnu à sa juste mesure et
dénonce le fait que les CPE soient de plus en plus gérés comme de petites
entreprises privées. Avec l’effritement des services publics au temps de
l’austérité, et la forte tendance à tout vouloir privatiser, les CPE se serrent
la ceinture et écopent dans la qualité de leurs services. De plus, ce travail
exigeant et essentiel est trop souvent mal compris ou sous-estimé. Cela étant
dit, cette fois-ci leurs revendications dépassent la sphère monétaire, on parle
plutôt d’organisation de travail.
Cette
grève illimitée des travailleuses lève le voile sur une réalité auparavant peu
connue, soit les inégalités dans les qualités des services offerts par les CPE,
et je ne parlerais même pas des garderies privées, puisqu’il s’agit d’une tout
autre problématique. Effectivement, plusieurs enfants n’ont pas accès à des
services de garde qui favorise pleinement leur développement avec les
ressources et les outils nécessaires. Par le fait même, nous savons à présent qu‘il
y a une forte corrélation entre le salaire et les conditions de travail des éducatrices
et la qualité du service offert, c’est ce que souligne l’Observatoire des
tout-petits dans son récent rapport la
qualité des services éducatifs au Québec. (https://lactualite.com/societe/2018/08/10/ca-cloche-a-la-garderie/) Pour améliorer
la qualité des services, il faudrait donc donner de meilleures conditions de
travail et un salaire bonifié à celles qui possèdent un diplôme. Ainsi, on
favorise une main-d’œuvre qualifiée et l'on valorise par le fait même et à
juste titre, le travail des éducatrices. C’est du moins que le rapport propose.
Cependant, pour employer de telles mesures il faut évidemment l’aide de l’État.
Il faut
préciser que les conditions de travail des travailleuses en CPE dépassent
largement le simple intérêt de celles-ci. Effectivement, on parle ici d’égalité
des chances pour les enfants. À vrai dire, la qualité des services de garde est
intrinsèquement liée à la réussite scolaire future des enfants, et par le fait
même, le contraire est tout aussi vrai. Cela va plus loin encore : « Les enfants qui fréquentent un service éducatif de bonne qualité auraient
ainsi de meilleures chances d’obtenir un diplôme et un revenu plus élevé une fois
adultes. Un bon service de garde ferait même diminuer la consommation de
médicaments et de drogues, la criminalité et le risque de maladies
cardiovasculaires! » (https://lactualite.com/societe/2018/08/10/ca-cloche-a-la-garderie/) Donnez
une meilleure formation, un meilleur salaire et de meilleures conditions de
travail aux éducatrices ce n’est donc pas une simple dépense, c’est aussi un
investissement. On assure aux enfants de tous milieux confondus certaines bases
communes et le droit et l’accessibilité au même service de qualité. Il va sans
dire que les CPE accessibles et de qualité font partie intégrante de l’égalité
des chances dans notre société, les conditions de travail des éducatrices ne
sont donc pas négligeables. À vrai dire, la logique strictement
entrepreneuriale et néolibérale nuit à la qualité des services offerts et
néglige le facteur humain et social lors de restructurations ou de coupure.
Malgré
les aléas des négociations, le 21 juin signe la fin de la grève pour les CPE.
En effet, les CPE adoptent une entente de principe qui a été voté et adopté
avec plus de 92% des voix et qui prévoit notamment une hausse des salaires et
d’ajuster les horaires. Cette entente semble faire l’unanimité au sein des
syndiqués et des patrons. (https://www.tvanouvelles.ca/2018/06/21/les-travailleuses-des-cpe-adoptent-lentente-de-principe)Mais
l’accessibilité des CPE et la
fragilisation de la qualité des services offerts demeurent des enjeux à ne pas
négliger.
Mais
qu’en est-il des promesses électorales sur le sujet? Les CPE font partie
intégrante du filet social de la société québécoise et a subi de nombreuses modifications
lors des quatre dernières années. En effet, la garderie à 7 dollars qui était alors
un accomplissement de notre État providence perd de l’aile, et en pleine
campagne électorale, les partis se bousculent à coup de proposition pour nos
services publics. Pour faire un vague résumé des propositions, le Parti Québécois
propose une abolition des listes d’attente et permet de miser sur un service de
qualité. Le Parti Libéral permet la gratuité, mais seulement pour les enfants
de quatre ans et veut continuer à instaurer des maternelles quatre ans des les
quartiers plus défavorisés. Quant à la Coalition Avenir Québec, ils veulent
invertir massivement dans les maternelles quatre ans, et ce pour tous les
enfants. Pour Québec Solidaire, leur proposition est la suivante; gratuité du
CPE au doctorat. (https://www.journaldequebec.com/2018/06/02/garderie-gratuite-pour-les-enfants-de-4-ans) À la
lumière de ces propositions, je demeure convaincue qu’il est primordial
d’investir dans de meilleures conditions de travail et salariale pour les éducatrices
qui jouent un rôle primordial dans notre société. Ainsi, les CPE participent à
assurer une certaine justice sociale et elles sont un maillon fort de la
qualité de nos services publics. Les syndicats ne baissent pas les bras et
réclament aux élus un réinvestissement massif (28,5M) dans les services publics.
(https://courrierlaval.com/les-syndicats-reclament-aux-elus-285-m-pour-les-cpe/) Il ne
reste plus qu’à attendre pour voir s’ils seront entendus.
Jeanne
Dessureault
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