dimanche 23 septembre 2018

Les domestiques en Amérique latine: une problématique peu discutée


Être domestique en Amérique Latine est une pratique courante, qui ne tient pas toujours compte du statut économique des employeurs. En effet, il existe d’autres endroits tels qu’en Amérique du Nord où la possibilité d’avoir des domestiques signifie un statut social plus élevé. Ainsi, chaque famille en Amérique Latine peut faire appel à des domestiques, afin de combler leurs divers besoins au sein du domicile comme gardienne ou femme de ménage. Dans les années 1980-1990, le travail domestique était souvent négligé, voir délaissé, humilié et même dominé par les employeurs, et ce, en raison du peu d’espace qu’occupait cet emploi dans la société[1]. La place des domestiques dans l’économie est souvent ambigüe, vu le manque de précision sur le nombre de travailleur et du fait qu’ils ne veulent pas discuter de leurs conditions. Toutefois, cette situation à évoluée au fil du temps puisqu’ils ont de meilleurs droits ainsi qu’une meilleure protection.

Le travail domestique requiert peu de scolarité. Elle peut également varier selon la région, l’expérience dans le milieu et comment l’acteur interagit avec son quartier. Cet emploi est considéré dans l’économie comme étant informelle, car les étapes pour obtenir ce travail domestique sont différentes des autres emplois, en plus de ne pas se situer à la même échelle sociale ou économique[2]. Mentionnons que la charge de travail est beaucoup plus élevée par rapport au salaire obtenu. Par conséquent, les domestiques se caractérisent la plupart du temps par des individus qui ont des difficultés financières et qui ont besoin d’un revenu immédiat, des personnes qui ont peu d’éducation ou bien des nouveaux arrivants dans le pays d’accueil. Ce sont majoritairement des femmes qui occupent ces emplois et leurs conditions de travail ne sont pas toujours favorables[3].

La mobilité sociale est presque inexistante dans le milieu domestique, car il existe aucune possibilité d’avancement. Tout dépend de la situation de travail et le mode de paiement qui se trouve à être la plupart du temps en argent comptant est souvent inférieur au salaire minimum, sauf à l’exception, bien sûr, que l’emploi provient d’une agence domestique. Puisqu’être domestique ne nécessite aucune qualification spécifique et que les individus sont facilement interchangeables, cela fait en sorte que ce type d’emploi crée une perception négative. On peut aussi observer qu’il n’y a pas de flexibilité dans les relations de travail des domestiques. En effet, c’est généralement une relation unidirectionnelle, car l’employeur domine complétement, en détenant une grande source de pouvoir auprès de l’employé. Ce pouvoir est souvent lié avec la situation économique précaire des acteurs. La domestique devient en quelque sorte une machine, qui détient les mêmes tâches à combler durant toute la semaine et qui ne changeront pas souvent. Cela peut alors expliquer pourquoi ce type d’emploi est généralement pour les individus de classe économique inférieure. Bien que la situation s’améliore, il reste qu’environ 25% des domestiques ont des droits sociaux respectés[4].

Il arrive cependant que la situation des domestiques soit plus favorable. Par exemple, si la relation employeur-employé est chaleureuse, le traitement de la personne sera différent, en plus de favoriser une meilleure intégration au sein de la famille. Ce qui fait de cette situation plus rare, est le fait que les acteurs dans ce contexte ne recherchent pas à contrer la situation précaire dont ils font partie. La présence d’un syndicat est inférieure vu le peu d’acteurs impliqués. Il arrive souvent que l’embauche des domestiques se fait de bouche à oreille sans l’implication d’agences ou autres. Ainsi, tout ce qui traite de revendications et de manifestations pour les droits des domestiques sont faibles, voire quasi inexistantes, ce qui peut nuire à leur situation. Cela peut également faire croire à la société qu’il ne requiert pas de nécessité. De plus, comme ce travail n’est pas bien perçu au sein de la société, cela peut être une cause du manque d’implication dans les enjeux[5]. Les études sur cette problématique sont en effet peu documentées. Cela peut s’expliquer par le fait que certaines domestiques ressentent une honte envers leur métier ou envers la perception de la société sur leur emploi.

Cette situation se perdure aussi dans la flexibilité de l’emploi en Amérique du Sud, plus particulièrement dans la stabilité de celle-ci auprès des syndicats. Des réformes en Colombie et en Équateur ont vues une augmentation des emplois où la durée est plus souvent courte ou temporaire. Ceci a causé un changement dans la manière que les syndicats tentent de protéger les divers travailleurs tels que les domestiques. Toutefois, l’irrégularité de ces emplois complique la situation pour les négociations collectives, mais la participation des travailleurs impacte plus les enjeux[6].


[1] Borgeaud-Garciandía Natacha, Lautier Bruno, « La personnalisation de la relation de domination au travail : les ouvrières des maquilas et les employées domestiques en Amérique latine », Actuel Marx, 2011/1 (n° 49), p. 104-120. URL : https://www.cairn.info/revue-actuel-marx-2011-1-page-104.htm
[2] Lautier Bruno, « Les employées domestiques latino-américaines et la sociologie : tentative d'interprétation d'une bévue », Cahiers du Genre, 2002/1 (n° 32), p. 137-160. URL : https://www.cairn.info/revue-cahiers-du-genre-2002-1-page-137.htm
[3] Borgeaud-Garciandía Natacha, Lautier Bruno, « La personnalisation de la relation de domination au travail : les ouvrières des maquilas et les employées domestiques en Amérique latine », Actuel Marx, 2011/1 (n° 49), p. 104-120. URL : https://www.cairn.info/revue-actuel-marx-2011-1-page-104.htm
[4]Lautier Bruno, « Les employées domestiques latino-américaines et la sociologie : tentative d'interprétation d'une bévue », Cahiers du Genre, 2002/1 (n° 32), p. 137-160. URL : https://www.cairn.info/revue-cahiers-du-genre-2002-1-page-137.htm
[5] Idem
[6] Castillo, C. R. (2000). Les droits collectifs du travail en Amérique latine et au Mexique. Relations industrielles, 55(1), 59–79. doi:10.7202/051291ar

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