dimanche 2 novembre 2014

Fractionnement des revenus


            Je dois l'admettre, dès qu'il est question de décisions politiques et économiques prises par le premier ministre Stephen Harper, je suis sur mes gardes et j'appréhende la nouvelle. Cette fois pourtant, en lisant le titre d'un article sur La Presse, j'avais espoir : « Harper annonce des baisses d'impôt pour “toutes les familles” »[1]. En effet, le 30 octobre dernier, le gouvernement fédéral a annoncé qu'il allait instaurer les mesures suivantes : une bonification de la prestation universelle pour la garde d'enfants (PUGE),  augmentation de la limite de déduction pour les frais de garde et le fractionnement des revenus pour les parents.

Les deux premières mesures sont assez simples à comprendre de par leurs noms. Essentiellement, la première mesure vise à augmenter le montant des parents reçu par le gouvernement pour les enfants de 0 à 16 ans ou ayant plus de 16 ans avec une déficience et la seconde permet de déduire un plus gros montant pour les frais de garde annuellement.

L'élément qui a retenu mon attention est le fractionnement des revenus. Par le fractionnement de revenu, une personne en couple ayant des enfants de moins de 18 ans pourra accorder une partie de son salaire à son conjoint pour un maximum de 50 000 $. De ce fait, le couple pourra bénéficier d'une baisse de leur taux d'imposition total allant jusqu'à 2 000 $. Si une personne gagne 100 000 $ et que son conjoint en gagne 20 000 $ (pour un total de 120 000 $), l'impôt fédéral à payer au Québec sera de 15 993 $. Avec le fractionnement, si la première personne accorde 40 000 $ à la seconde (les deux se retrouvant avec un revenu de 60 000 $), ils paieront 14 186 $, soit une différence de 1807 $[2]. Or, quand est-il des familles monoparentales?

 Et c'est ainsi que j'ai compris l'utilisation des guillemets dans : « Harper annonce des baisses d'impôt pour “toutes les familles” ». On peut lire que selon l'Institut C.D. Howe, 85 % des foyers ne bénéficierait pas du fractionnement des revenus[3]. Les familles monoparentales ne pourraient évidemment pas fractionner leur revenu, n'en ayant qu'un seul. Les couples n'ayant pas d'enfant et ceux ayant des enfants de plus de 18 ans ne sont pas non plus admissibles à ce fractionnement. Les familles ayant un faible revenu quant à elles, ne verront pas non plus leur montant total à payer en impôt diminuer puisque qu'un couple gagne 50 000$ diviser ainsi : 30 000$ et 20 000$, ou ainsi: 25 000$ et 25 000$, dans les deux cas ils paieront le même montant soit de 3497$ dans le premier cas et 3498$ dans le deuxième. Encore une fois, les gens vivant le plus dans la précarité et la pauvreté ne verraient pas leur condition s'améliorer significativement.

D'autre part, plusieurs critiques ont été faites à cette annonce concernant les personnes qui en bénéficieraient. Le défunt ex-ministre des Finances Jim Flaherty croyait que le fractionnement serait profitable pour la classe moyenne supérieure et pour les couples dont la femme reste à la maison. Cette dernière critique est intéressante, car le travail comme on le connait actuellement au Québec est peu axé sur une organisation très traditionnelle où l'homme travaille et la femme reste au foyer. Or, l'annonce faite par le gouvernement conservateur profite aux familles où la division du travail est ainsi. On pourrait y voir oui une autre façon de confiner les femmes au foyer, mais ce pourrait être aussi une manière d'accorder de la reconnaissance au travail domestique des femmes en réduisant l'impôt payé sur le revenu de la famille. Toutefois, comme le crédit se limite à 2 000 $, ce n'est pas un grand incitatif pour que le nombre de femmes au foyer augmente.

On peut aussi y lire que le premier ministre aurait déclaré le 2 octobre que « le déficit du gouvernement fédéral pour son dernier exercice financier serait largement inférieur aux prévisions initiales. » Cette petite erreur de prévision se chiffrerait à 11,4 milliards de dollars, passant de 16,6 à 5,2 milliards de déficits. Je trouve étrange qu'on se trompe ainsi, qu'on se trompe de quelques…Milliards! On est endetté, il faut couper dans les services à la population, serrer la ceinture. Il faut continuer à travailler et à consommer, même si les services sociaux se détériorent. Puis, on dit que les prévisions étaient erronées et qu'on a trouvé l'argent pour faire de nouveaux projets. En fait, je trouve que c'est tout à fait en lien avec le néolibéralisme actuel (vu par Dardot et Laval).Cela va plus loin qu'un laisser-aller, c'est l'État qui est un acteur déterminant dans la vie des individus et dans l'organisation du travail qui pousse à la concurrence et au chacun pour soi.

            En somme, ces mesures annoncées par le gouvernement fédéral sont plus importantes que l'on pourrait le croire et s'inscrivent dans une idéologie conservatrice et néolibérale bien établie. Moyen de séduire l'électorat ou réel désire d'améliorer les conditions de vie des familles, je ne sais pas, mais chose certaine est que le fractionnement alimente ou du moins récompense les écarts de richesse, et ce, à l'échelle d'une famille.
Audrey Beauchamp


[1] MARQUIS, Mélanie. «Harper annonce des baisses d'impôt pour "toutes les familles"», La Presse, (en ligne), http://www.lapresse.ca/le-soleil/affaires/actualite-economique/201410/30/01-4814223-harper-annonce-des-baisses-dimpot-pour-toutes-les-familles.php, 30 octobre 2014.
[2] LEBLANC, Philippe. «Harper offre un ensemble de baisse d'impôt aux familles», Radio-Canada, (en ligne), http://ici.radio-canada.ca/nouvelles/economie/2014/10/29/003-harper-baisses-impots-familles-enfant-fractionnement.shtml, 30 octobre 2014.
[3] Ibid.

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