mardi 25 novembre 2014

Le nouveau mâle de nos sociétés

Un an après l'invalidation par la cours suprême du Canada des lois criminalisant la prostitution, le gouvernement fédérale est revenu à la charge, pour faire adopter, en Octobre dernier, un nouveau projet de loi.


Dans sa décision de Décembre 2013, la cour suprême reprochait aux lois criminalisant la prostitution d'entraver le droit à la sécurité de la personne, tel que garanti par la Charte Canadienne des Droits et Libertés, sans trouver, toutefois, inconstitutionnel l'interdiction de publiciser la prostitution. Présenté en début d'été dernier, un projet de loi remanié fut adopté début octobre. Celui-ci criminalise les proxénètes et les clients, tout en cherchant à éliminer la prostitution des espaces publiques (particulièrement ceux susceptible d'accueillir des enfants).

Certes, ces nouvelles dispositions ne s'attaquent pas directement aux prostituées. Toutefois, elles simplifient leurs interpellations par les forces de l'Ordre, leur présence dans l'espace publique étant interdite (probablement en vue de les orienter vers les programmes d'aide, créés pour l'occasion). De plus, la criminalisation et la pénalisation de toutes formes de communications autours de la vente de service sexuel forment une tentative avouée d'étouffer l'activité, bien qu'inapplicable dans les faits (en témoigne l'histoire de la répression de la consommation de substances illicites). Ce n'est pas en lui appuyant sur la tête, pour mieux le cacher sous le tapis que le gouvernement réglera le problème de la prostitution. 

Il serait, en effet, bien plus sage d'admettre ce vice, pour mieux l'encadrer. Peu importe que l'on considère la prostitution comme une expression de la marchandisation du corps, une revendication libertaire ou une déviance nuisible, ce marché ne peut se passer de régulation. Chasser ces travailleuses des rues est vain (et n'afflige qu'une minorité) alors qu'Internet leur fournit un nouveau terrain. De plus, leur nier toute tribune, c'est, avant tout, les vulnérabiliser, et ce alors que les violences à leurs encontre semblent augmenter. Vendredi 3 Octobre dernier, la presse Canadienne relayait l'alerte lancée par le Safe Harbour Outreach Program (SHOP), un programme de soutient aux travailleuses du sexe, concernant la multiplication récente de viols collectifs de prostituées à Terre-Neuve. Ces dernières, pensant rejoindre un client, tombaient dans de véritable embuscade, rassemblant jusqu'à vingts agresseurs. Aucune d'entre elles n'a osé en référer aux autorités qui, sans la mise en garde sur Twitter du SHOP, n'en aurait probablement rien su. 

Légaliser la prostitution, lui donner un droit du travail, un cadre juridique, ce n'est pas donner raisons aux esclavagistes et aux trafiquants d'êtres humains, mais bien reconnaître les travailleuses (et travailleurs) du sexe comme des membres actifs de la société, accepter qu'elles s'expriment dans l'espace publique, s'assurer qu'elles touchent une retraite, qu'elles bénéficient d'une assurances maladies, mais surtout, qu'elles pratiquent leur métier par choix et ne craignent plus de dénoncer les abus. En d'autres mots, ce serait admettre leur humanité, et cesser de les considérer comme des marchandises.

Par ailleurs, ces agressions semblent être le symptôme de la culture du viol que dénonce depuis quelques temps les féministes. Cette culture du viol qui s'exprime dans les faibles peines prononcées contre les violeurs, dans les blâmes adressés aux victimes d’agressions sexuelles(pour leurs tenues provocantes et leurs habitudes noctambules), ou plus communément par un climat de harcèlements constants : dont les récits se multiplient, comme sur le tumblr Projet crociles http://projetcrocodiles.tumblr.com/ ou dans ce sketch de Jessica Williams pour le Daily Show (https://www.youtube.com/watch?v=hz0ZCDpAbbg).

Aussi, avant de légiférer d'avantages sur ce secteur informel de l'économie, il serait sain de prendre conscience de ce qu'il trahit de la sexualité masculine. Le sexe est il un produit de consommation? D'où vient ce besoin d'acheter, de posséder, d'user et d'abuser? Ainsi que le rappelait Emma Watson, dans son discours à l'O.N.U, le féminisme est aussi une affaire d'Hommes.

1 commentaire:

  1. À mon avis, la prostitution est une activité économique où les hommes, l'État ainsi que les institutions érotiques (salon de massages, bar de danseuses, escorte du rue à escorte de luxe, actrice pornographique et j'en passe).

    En ce qui concerne la législation, on tente d'encadre ces dernières, mais au profit de qui. Je me le demande. Dans le cas où la législation encadrait celles-ci, pourrions-nous dire que nous admettons l'exploitation et une nouvelle forme d'esclavagiste ? Une prise de conscience collective est remise en cause.

    Il me semble que l'abolissement de cette pratique serait plus efficace. Ce qui est tout à fait particulier, c'est la normalisation et la banalisation de cette pratique. Certes, Internet a mis le vent dans les voiles de cette industrie.

    Une question se pose: si la prostitution est si mal, qu'attend t-il le gouvernement pour anéantir cette industrie ?

    À ce sujet, il y a toujours eu anguille sous roche. Il y a en qui tire profit et c'est pour cette raison.

    Je remercie Antoine B, car il nous fait réfléchir sur la prostitution.

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