dimanche 23 novembre 2014

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Depuis déjà plusieurs mois, les représentants des travailleurs de la fonction publique négocient avec le gouvernement par rapport à l’augmentation des cotisations à la retraite. D’un côté, les syndicats critiquent le fonctionnement indigne de l’imposition de la loi 3 qui réduira les cotisations gouvernementales quant aux retraites en plus d’obliger l’entrée d’un arbitre dans le débat d’ici un temps limité. D’un autre côté, le gouvernement se défend considérant que le paiement des retraites est trop généreux pour atteindre un budget équilibré. Ainsi, les deux parties cherchent l’appui de l’opinion publique part diverse moyen. D'une part, les syndicats utilisent des moyens de pression[1] et, de l’autre, les gouvernements, municipal et provincial, dénigrent plusieurs actions posées par les travailleurs[2].

Au cours du mois de novembre, le gouvernement semble montrer une nouvelle technique pour convaincre l’opinion publique : celui de montrer l’exemple. En effet, proposer par la Coalition Avenir Québec (CAQ), l’Assemblée nationale a voté majoritairement pour un changement quant aux cotisations de la retraite pour les députés provinciaux. Celles-ci passeraient à un paiement de 23 % à 50 %, ce qui est demandé par le gouvernement dans la négociation de la convention collective[3]. L’argument avancé par la CAQ est simple, si l’on veut imposer une rigueur budgétaire, tout le monde doit y passer, y compris les 125 députés du salon bleu.

J’ai malheureusement l’impression que cet argument va donner effectivement des munitions au gouvernement libéral dans son application de l’austérité. Ils montrent leur capacité de s’imposer la même rigueur salariale, alors que le débat va plus loin. Même les représentants du parti Québec Solidaire (QS), reconnus pour leurs positions gauchistes, ont évité de voter. Ceux-ci indiquent qu’ils « craignaient de cautionner indirectement le projet de loi 3 en votant pour la motion caquiste. »[4]

Ici, nous tenterons de mieux comprendre la décision du parti QS d’éviter ce vote.

D'abord, en adoptant cette motion, le gouvernement montre qu’il est prêt à faire les mêmes efforts que la population. Ce faisant, ils appliquent ce que plusieurs travailleurs et travailleuses critiquent depuis le début de la négociation : une réduction de l’intervention étatique, donc de l’employeur, dans l’investissement de la retraite. Voter pour ce changement salarial montrerait que les députés sont en accord avec l’approche du gouvernement et l'application de l’austérité.

Ensuite, cette motion va dans le sens de la pensée populaire. « On doit prêcher par l’exemple. On ne peut pas, d’un côté, demander une chose aux employés municipaux puis ne pas l’appliquer à nous-mêmes » [5] proposait François Legault, chef de la CAQ. Cette pensée populiste met en évidence la logique simpliste de ce parti. Pourtant, cet argument aura un appui chez plusieurs individus. Cela amène un débat interne quant à une logique « œil pour œil, dent pour dent ».

Toutefois, il ne faut pas se leurrer, cette motion n’est qu’une poudre aux yeux. Celle-ci n’est qu’une motion n’ayant aucun échéancier. Un engagement sans limites de temps. Le gouvernement n’applique donc pas complètement les mêmes limites qu’aux travailleurs publics.

Par ailleurs, ce débat va plus loin que l’épineuse question des cotisations à la retraite. Le gouvernement du Québec est en train d’imposer une rigueur budgétaire qui met en motion l’idéologie néolibérale. Ce faisant, l’État se montre de moins en moins concerner par les aides sociales, considéré comme superflu : « un programme de destruction méthodique des collectifs. »[6] En échange, la mission de l’État semble de plus en plus orientée vers une mise en compétition dans la population en général. C’est une logique implacable qui met sur un piédestal le laissez-faire ; chaque personne est capable de réussir seule et l’État n’est qu’un obstacle à sa réussite avec sa grande imposition.

Pour atteindre cet objectif, la désorganisation des pressions collectives est fondamentale. Pour cela, il faut convaincre la population de l’efficacité d’un plan économique utopique où l’économie ne serait plus influencée par le social. Ainsi, la motion proposer va dans ce sens : tout le monde fait un effort, tout le monde est égal, tout le monde a les mêmes chances de réussite.

Donc, un parti défendant un État social ne pouvait pas se montrer en accord avec cette motion, mais QS à un grand besoin d’un appui de la population. Ce parti se devait d’éviter ce vote afin de se montrer en désaccord avec ce projet en gardant un opinion favorable de l’opinion publique.

Pour moi, le gouvernement fait fausse route. En fait, l’État se doit de montrer l'exemple en appuyant les travailleurs au lieu de s'inspirer des entreprises qui réduisent leurs participations au bien-être du salariat; une pensée qui semble graduellement manquée de popularité.


Laurent Collard



[1] Nous n’avons qu’à penser aux innombrables autocollants apposer dans le milieu de travail.
[2] Par exemple, la critique du temps de réponse des pompiers.
[3] http://www.ledevoir.com/politique/quebec/423714/les-deputes-gouteront-tot-ou-tard-a-la-medecine-de-la-reforme-des-retraites
[4] Ibid.
[5] Ibid.
[6] Bourdieu, Pierre. Mars 1998. « L’essence du néolibéralisme », Le Monde Diplomatique, Paris. 

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